JDB_N2_COUV_2023_PRINTV3.indd

J D BM JOURNAL DU BARREAU DE MARSEILLE 2023 /2 © DR DOSSIER LA NONINTERVIEW DU BÂTONNIER HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU INTERVIEW DE MAÎTRE CHANTAL BOURGLAN +

POUR TOUT PROJET IMMOBILIER RÉSIDENCE PRINCIPALE•RÉSIDENCE SECONDAIRE•GESTION•LOCATION INVESTISSEMENT•PLACEMENT•DEFISCALISATION WWW.OREAIMMOBILIER.FR VOTRE RÉFÉRENT IMMOBILIER LOCAL SUR LES ALPESMARITIMES 04 92 02 52 91

N uméro 2 - 2023 - Revue de l’Ordre des avocats au barreau de M arseille - IS S N : 2269-448X - M arc Ringlé, fondateur du J ournal du barreau et directeur honoraire de la publication - M aison de l’avocat : 51, rue G rignan 13006 M arseille T éléph one : 04 91 15 31 13 - T élécopie : 04 91 55 02 10 • e-mail : sao@ barreau-marseille.avocat.fr - site internet : w w w .barreau-marseille.avocat.fr • Bâ tonnier : M athieu J acquier • D irecteur de la publication : M anuel G uidicelli • Comité de rédaction : Y ann Arnoux-Pollak , J ulien Ayoun, G eneviève M aillet, J érô me G avaudan, Christian Baillon-Passe, Sylvie Campocasso, J ulien Bernard, Philippe D aumas, Bertrand de Haut de Sigy, J immy Impinna, N athalie Olmer, Isabelle Antonak as • Communication, coordination et ph otograph ies : Isabelle Z alachas - X dr • Réalisation : Publications Commerciales / Sabine G uglielmetti. 04 91 13 66 00 • Publicité commerciale : Sophie M agnan 06 17 27 71 61. JDB MARSEILLE BKA le J ournal du barreau de M arseille est réalisé depuis plus de 15 ans en partenariat avec les N ouvelles Publications SOMMAIRE É D IT O ...........................................................................P 3 V O T RE BARREAU.....................................................P 4 L' AV OCAT HON ORAIRE .............................................. - Retour sur l' AG 2023 LA CON F ' ........................................................................... - M archer devant lui et être intègre D ES N O UV ELLES D E LA CARPA .........................P 6 - La fraude au RIB bientô t pire que M agendie ? LA PARO LE AUX CO M M IS S IO N S .......................P 10 J EU N E BARREAU ................................................P 10 La justice restaurative : réparer les maux avec les mots D ROIT D E LA F AM ILLE ...................................... P 13 F ocus sur le règlement bruxelles II ter IN T ERN AT ION AL .................................................P 14 Le parquet européen : quels enjeux pour les avocats ? - M ARD .................................................................. P 16 Le métavers peut-il être un outil pour la médiation ? - IM M OBILIER ...................................................... P 18 Q uand la pratique est bonne : Contractualisation des bonnes pratiques en expertise construction - SPORT ................................................................ P 20 La coupe du monde de football des avocats fait étape à Saint-T ropez LA PARO LE AUX S Y N D ICAT S .............................P 22 - ACE : V oilà l’été ! - SAF : Z oom sur le statut des éleves avocat.es - U J A : An G uadloup, D efans-la k a sonnéc En G uadeloupe, la défense résonne au son du k a D O S S IER ...................................................................P 26 - La non-interview du batonnier - L’interview transmission : Elèves-Avocats-Honoraires - L’interview derrière le décor salariés de l’Ordre et de la Carpa - L’interview confraternité : sport et œ nologie RÉ F O RM ES ..............................................................P 4 1 - D roit Social : Q uoi de neuf dans la jurisprudence de la Cour de cassation depuis janvier 2023 ? - Q uand les forces de la nature se déchaînent : les catastrophes naturelles à l' épreuve de la législation LEG ALT ECH S M ARS EILLAIS ES .........................P 4 4 M onavoc, le D octolib des avocats (en mieux) CULT URE ..................................................................P 4 6 LA PLU M E & LA ROBE - Prix littéraire du barreau de M arseille - Le colonel ne dort pas - D es hommes des femmes nos libertés H IS T O IRE ET M É M O IRE D U BARREAU ...........P 4 8 « J’ai trouvé une seconde famille au barreau de Marseille » : entretien avec Chantal Bourglan, avocat honoraire H O M M AG E ...............................................................P 5 3 Le bâ tonnier G eorges-M ichel Lecomte É V È N EM EN T S D ES D ERN IERS M O IS ............P 5 4 EN BREF ...............................................................P 5 6

SG, une banque d’expertise. Acteur majeur du développement économique de la région, SG SMC sʼengage à être au plus près des exigences de votre activité. Société Générale, S.A. au capital de 1 062 354 722,50 EUR – 552 120 222 RCS Paris – Siège social : 29 bd Haussmann, 75009 Paris. SG est une marque de Société Générale – Crédit photo : Getty Images

3 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 ÉDITO À l’occasion de son premier éditorial dans le « JDB » n° 3 2021, notre confrère J ean-Baptiste Blanc rendait hommage à son prédécesseur pour le travail réalisé en sa qualité de directeur de la publication. D eux ans plus tard, c’est à mon tour de féliciter J ean-Baptiste et lui faire part de mon admiration, sincère et étrangère à toute forme d’éloge conventionnel, pour le chemin parcouru. Aux cô tés d’Isabelle Z alachas et des autres membres du comité de rédaction, il a continué à moderniser le « JDB » et lui a fait franchir un nouveau palier, tant sur la forme que sur le fond. J e remercie également vivement notre bâ tonnier, M athieu J acquier, pour la confiance qu’il m’a témoignée en me proposant cette fonction. J e ne trahis aucun secret en précisant que son objectif est de valoriser la Conférence du barreau de M arseille, en nommant chaque année son 1er lauréat à la direction du « JDB ». Si je n’étais pas inquiet à l’idée que l’on puisse me soupçonner de prêcher pour ma paroisse, j’écrirais que cette idée fait sens, tant l’exercice de l’éloquence est avant tout et fondamentalement un exercice de la plume. Bien que les précédents numéros vous y aient déjà habitués, vous trouverez peut-être dans celui-ci un parfum de nouveauté. En effet, alors que l’on s’attendait à ce qu’il se prête au jeu du traditionnel interview du bâ tonnier, M athieu J acquier a préféré s’en jouer, en se saisissant du microphone qu’on lui tendait pour le tourner vers le collectif, vers « ceux qui font que notre barreau est ce qu’il est ». Par ailleurs, si ce numéro fait également la part belle à des thématiques contemporaines (legaltech, justice restaurative, métavers…), vous ne trouverez rien de plus moderne dans ces pages que les mots des trois avocats honoraires qui y ont été interview és. Pour ceux qui à l’approche des vacations seraient à la recherche d’un regain d’énergie, à ceux qui au cours de l’été ressentiront un besoin de fraicheur, je ne peux que les inviter à lire ces pages au fil desquelles Chantal Bourglan (« Histoire et mémoire du barreau »), Sylvie Campocasso et Alain Provansal (« La non-interview du bâtonnier ») nous rappellent à tous que la jeunesse n’est en réalité pas tellement une question d’â ge, mais un état d’esprit. M AN UEL G UID ICELLI D IRECT EUR D E LA PUBLICAT IO N

Une centaine de conf rè res h onoraires assistaient à ce rendez -vous annuel délocalisé, marqué par la présence active du bâ tonnier M ath ieu J acquier dont l’intervention f ut trè s appréciée. Le président national Olivier Benoit ouvrait l’assemblée en remerciant la section des avocats honoraires de Provence et son président pour leur accueil et leur organisation. Il remerciait le bâ tonnier J acquier pour sa présence. Ce dernier déclarait sa satisfaction d’accueillir les avocats honoraires qui font partie de la famille des avocats et rendent de nombreux services à l’ordre. Son propos évoquait ensuite les rapports dégradés avec les magistrats, l’aménagement des bâ timents judiciaires excluant les avocats et les difficultés croissantes avec des clients parfois violents, notamment dans les contestations d' honoraires. Selon lui, l’une des causes est la dégradation de l’autorité, une autre, le nombre des avocats qui ne se connaissent plus ce qui affaiblit la confraternité. Cela est et sera aggravé par la construction en périphérie des palais de justice déshumanisés comme cela est prévu à M arseille. La profession est aussi pour lui menacée par l’intelligence artificielle et les algorithmes capables de rédiger les documents juridiques et conclusions avec toutes les dérives possibles et le risque de perte de l’identité de l’avocat. La parole lui étant donné par le président Benoit, le président régional Alain Provansal prononçait une allocution de bienvenue retranscrite intégralement dans le procès-verbal de l’assemblée générale en faisant l' éloge de M arseille, des avocats honoraires et des avocats tout court. Il remerciait également le comité d’organisation de cette assemblée et de l’escapade qui a suivi, l’AN AH pour sa confiance, les participants pour leur présence et surtout l’ordre des avocats du barreau de M arseille et essentiellement les bâ tonniers F ernandez et J acquier pour leur participation, leur aide, et la mise à disposition de leur personnel. En contrepartie il a réaffirmé l’attachement des avocats honoraires à leur barreau et leur souci de continuer à participer aux tâ ches ordinales et aux réflexions sur la profession. L’ordre du jour de l’assemblée comportait l’approbation des P.V . des assemblées générales ordinaires et extraordinaires du 13 mai 2022, puis le rapport moral du président Olivier Benoit et le rapport financier du trésorier J acquy Lechesne. L’ancien président Bernard de T orrès était invité à faire le point sur les élections à la CN BF , l’augmentation des pensions, l’impact de la réforme des retraites sur celle des avocats et la charge de payer consécutivement à la suppression des avoués à la CAV OM et à la CN APL les sommes considérables de 125 millions et 18,3 millions d’euros en vertu d’un arrêté du 2 décembre 2022 (contesté devant le Conseil d’É tat). A l’issue de l’assemblée générale tous étaient invités par le bâ tonnier à un cock tail sur place. Au programme de l' apprès-midi : une visite commentée par l’architecte Stéphane Stephanak is de l’U nité d’Habitations Le Corbusier, un tour du Châ teau Borély avec pause café, decouverte de la route des Calanques et de notre Corniche. M ais surtout les avocats honoraires étaient reçus en fin de journée par M adame M artine V assal présidente de la M étropole M arseille-Provence en présence du bâ tonnier M athieu J acquier, manifestant ainsi l’intérêt que la collectivité territoriale porte aux avocats en général et aux honoraires en particulier. Après les discours de circonstance de M adame V assal, du bâ tonnier J acquier qui en profitait pour parler de la Cité J udiciaire à venir, du président Benoit et du président Provansal, un apéritif était offert par la M étropole. Le lendemain matin visite commentée du M ucem et de deux expositions grâ ce à la Société des amis du mucem et ses bénévoles ; l’après-midi parcours entre Saint-V ictor et N otre-D ame de la G arde. Le barreau animait les dîners : Sébastien Wust présentait une partie de son spectacle et Roland F ontaine accompagné d' un guitariste interprétait des chansons françaises classiques rejoint en fin de soirée par D aniel Landry, avocat honoraire qui faisait valoir ses talents lyriques. F in de partie optionnelle à Aix-en-Provence pour certains qui suivaient les traces des grands juristes aixois avant de terminer en gourmandise au musée des calissonniers et en plus sérieux à la visite de l’Académie. Les retours des participants étaient favorables et le barreau de M arseille est sorti grandi et apprécié de tous autant que les avocats honoraires locaux. RETOUR SUR L'AG 2023 M E ALAIN PRO V AN S AL LE GUIDE DE L’AVOCAT HONORAIRE Le guide de l’avocat honoraire réalisé et édité par l’ANAH est paru. Il est disponible en version papier moyennant le règlement d’une somme de 30 euros à régler à l’Association des avocats honoraires de Provence en déposant le chèque dans la boite aux lettres de la M aison de l’avocat. Le guide est également disponible en pdf sur Internet à l’adresse suivante : https:// w w w .avocatshonoraires.com/ guide-avocat-honoraire-2023/ + M arseille encore à l’honneur, le barreau de M arseille en première ligne ! Le 11 mai se tenait au World T rade Center M arseille Provence, salle de substitution en raison de la fermeture de la salle Albert Haddad, l’assemblée générale de l’Association Nationale des Avocats Honoraires. VOTRE BARREAU / L'AVOCAT HONORAIRE 4 | JDB MARSEILLE 2 / 2023

Parmi tous les h ommages qui lui f urent rendus, l’éloge f unè bre de D elph ine H orviller f ut remarqué, et remarquable. Elle rappela qu’il portait le nom de l’intégrité, et qu’aucun avocat au monde n’a porté de plus grand nom que celui-là. Lui qui regardait le fronton des tribunaux comme la V ierge en porte-jarretelles avait confié un autre seigneur, J ean-Y ves Liénard. Comme l’a souligné Alain J ak ubow icz sur Link edIn juste après le décès de G eorges K iejman, c’est à se demander si D ieu a-t-il à ce point besoin d’avocats pour rappeler à lui les meilleurs d’entre nous. Il a été décidé de lui consacrer la première rubrique dédiée à la Conférence du barreau de M arseille, notamment car il avait dédié son discours de lauréat de celle de V ersailles à une figure locale qu’il vénérait, É mile Pollak . On croise ce dernier ainsi que d’autres qu’il admirait, dans son ultime ouvrage, Secret défense (G allimard, 2020), tels que T hierry Lévy, Robert Badinter, J ean-Louis Pelletier, ou bien encore Pierre Haï k . C’est avec lui et T hierry Herz og, qu’il formait les trois H, trio inséparable du mitan des années 80, de la 16ème chambre correctionnelle, aujourd’hui réservée aux affaires de terrorisme, mais spécialisée à l’époque dans les stups, en passant par F resnes, F leury-M érogis, Bois d’Arcy, la Santé, profitant pour déranger des gens qui étaient dans leur petit confort et demandaient des sommes folles sans rien foutre. Il était l’indépendance, chevillée au corps, lui qui n’appartenait à aucun club, parti ou loge. Hervé T emime, ce sont ceux qui l’ont connu qui en parlent le mieux, à la fois excentrique, séducteur, collectionneur, flambeur, impatient, excessif, indépendant et réputé, minutieux, angoissé, et superstitieux, avec la même chemise blanche sous sa robe d’avocat les jours de procès. M ais surtout, secret. Roman Polansk i, Ladj Ly, Catherine D eneuve, Laura Smet, Patrick Bruel, Alain Afflelou, Bernard Arnault, D mitri Rybolovlev, etc. La liste de ses clients, ses proches l’apprenaient quand la presse s’intéressait à ces derniers. Il maitrisait le temps. L’art du moment opportun, dans la préparation d’un dossier, méticuleuse, jusqu’à la plaidoirie, devenant sorcier des mots, avec l’amour de ces derniers, et de ses clients. Lui qui avait La D éfense dans la peau (Stock , 2012) était attaché au secret, qu’il considérait en danger, au point d’en dédier son ultime ouvrage cité supra dont la première page termine par une confidence prémonitoire, cette conscience que la mort pouvait vous faucher à tout moment, lâ ché par son propre cœ ur, qu' il avait énorme. J e ne suis pas certain qu’il eut conscience d’être un exemple à ce point pour toute une génération, à qui il lègue des conseils précieux. Sur les clients, rappelant la pensée de René F loriot sur l’avocature, laquelle serait le plus beau métier du monde s’il n’y avait pas les clients. Sur la plaidoirie, cette drogue, nous conduisant à parler à des gens qui ne vous répondent pas et à tenter de saisir ce qu’ils ont dans la tête. Sur la confraternité, cette relation complexe entre rivalité et solidarité. M ais surtout, il avait fait sien le crédo hérité de J ean-Louis Pelletier, le meilleur d’entre nous n’est pas à la hauteur du métier. Il a consacré son ultime plaidoirie à ce dernier, à l’amour de la robe, à l’occasion de sa plaidoirie dans l' affaire de nos confrères, J oseph Cohen-Sabban et X avier N ogueras, et son cœ ur a lâ ché avant le délibéré, avant de savoir que son dernier rappel fut entendu : les juges n’ont pas à dire quelle est la loi applicable mais à appliquer la loi. Il n’aurait sans doute pas approuvé qu’on affirme qu’il fut à la hauteur. M ais de la robe, il lui a fait sacrément honneur. Et au-delà du présent hommage, le plus grand que l’on puisse lui faire désormais, c’est de marcher devant lui, et d’être intègre. Hitalek h lefanay et heye tamim. M arche devant ma face, et sois intègre. C’est ainsi que le T out-Puissant répondit à Abrabam, à travers La G enèse (17.1), plaidant la cause presque perdue de Sodome et G omorrhe, vouées à la colère divine. M E K EV I N LEF EBV RE G O IRAN D VOTRE BARREAU / LA CONF' 5 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 MARCHER DEVANT LUI ET ÊTRE INTÈGRE

Alors qu’il semblait que nous arrivions à une stabilisation du nombre de ces sinistres et, partant, du niveau des primes, une nouvelle menace plane sur l’équilibre économique des contrats de responsabilité Civile Professionnelle : la fraude au relevé d’identité bancaire (RIB). JUGEZ-EN PAR VOUS-MÊME 2020 : une déclaration de sinistre pour un total de 4 778 € de réclamation. 2021 : 7 déclarations de sinistres pour un total de 151 288 € de réclamations. 2022 : 20 déclarations de sinistres pour un total de 396 377 € de réclamations. En 2023, trois mois à peine se sont écoulés depuis le début de l’année et le montant des réclamations reçues à la S.C.B. s’élève déjà à 531 727 €. Ces chiffres illustrent la triste réalité des saisines de la S.C.B. par les CARPA ou par les avocats au titre des sommes détournées au détriment des bénéficiaires légitimes, au moyen de faux RIB transmis par courrier électronique. La méthodologie employée consiste à intercepter le RIB original et à le remplacer par un RIB frauduleux qui sera transmis soit au client débiteur (flux entrant en CARPA) soit à la CARPA (flux sortant) le tout au préju- dice du bénéficiaire légitime. L’interception de ce RIB est réalisée, le plus couramment, par le piratage de la boite électronique du client et/ ou de l’avocat et/ou de la CARPA. Les boites mails les plus vulnérables sont celle ouvertes auprès d’opérateurs grand public (Orange, Wana- doo, Hotmail, …) ne disposant pas d’un mot de passe robuste et/ou d’une forte authentification, notam- ment à double facteur. La technique est le plus souvent la suivante : la boite mail est piratée et le fraudeur va surveiller les courriels concernant des flux financiers. Il va alors, suivant différentes techniques, procéder à la substitution du RIB légitime par celui d’un compte frauduleux. POURTANT PLUSIEURS TECHNIQUES PERMETTENT DE DÉTECTER LA FRAUDE : 1. Une des boites électroniques des protagonistes (client/avocat) est ouverte auprès d’opérateurs grand public (cf. supra). LA FRAUDE AU RIB bientôt pire que MAGENDIE ? Entre 2018 et 2021, les sinistres ayant pour cause les nouvelles règles de procédure d’appel ont entraîné, selon les barreaux, une hausse du coût de la sinistralité de l’ordre de 25 à 30%. La conséquence pour les avocats : une augmentation du même ordre du niveau des primes des contrats de Responsabilité Civile Professionnelle (RCP)collectifs souscrits par les barreaux au profit des avocats inscrits. 6 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 DES NOUVELLES DE LA CARPA

7 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 DES NOUVELLES DE LA CARPA 2. L’en-tê te du RIB est parfois différent du compte banque ; souvent le pirate ne modifie que le code IBAN en laissant l’en-tête de la banque légitime – cf. ci-dessous alors que le document est à entête de BN PP dont le code banque est 30004, le code banque 16798 correspond à l’établissement T reez or SAS (d’ailleurs le BIC a également été mo- difié par le pirate). 3. Il f aut s’assurer que le BIC correspond à l’établissement cité comme indiqué dans l' illustration ci-dessous. 4 . Le virement demandé, consécutif à la fraude, est opéré dans la quasi-totalité des cas vers des comptes ouverts dans les livres de « néo banques », établissement de monnaie électronique ou services de paiement (Ex : N ICK EL, LY D IA, etc.) dont certaines ne disposent même pas d’un agrément de l’Autorité de Contrô le Prudentiel et de Résolution (A.C.P.R.). En effet, le registre du Regafi ne recense pas les établissements de paiement et les émetteurs de monnaie électronique étrangers, autorisés à exercer leurs activités en F rance via une succursale, en libre prestation de services, par l’intermédiaire d’agents ou de distributeurs de monnaie électronique. Il est à noter que ces établissements qui favorisent la fraude ont été à plusieurs reprises sanctionnés par les régulateurs. LES OUTILS A DISPOSITION Pour l’avocat : Le service Avocarpa de l’U N CA affiche le message d’alerte ci-dessous si la saisie d’un IBAN se fait en faveur d’une « néo banque » pour lui permettre de vérifier que ce compte est légitime pour ce client ( à noter : même si la banque n’apparaît pas comme nécessitant un contrô le, certaines fraudes ont pu être en faveur d’établissements de crédit « classiques » ; aussi la vigilance doit toujours demeurer si le RIB n’a pas été remis en « face à face » ou par un moyen sécurisé). Ainsi la saisie du BIC et du numéro de compte du RIB ci-dessous fait immédiatement apparaitre que l’établissement n’est pas légitime, ne s’agissant pas de la BN PP ; un message d’avertissement complète le contrô le. Pour la CARPA : Le même système d’alerte existe dans le logiciel G CM F (M aniement de fonds) pour le personnel de la CARPA. Certains établissements bancaires, tenant compte de l’ampleur que prend la fraude, pourraient également vous solliciter pour vérifier la légitimité de tel ou tel virement. Il ne faut surtout pas négliger ce type d’alerte. EN CAS DE DOUTE, QUE FAIRE ? Si le client de l’avocat ne lui a pas remis le RIB en « face à face » mais dans les cas décrits ci-dessus (boite électronique grand public et virement en faveur d’une néo banque), la prudence dicte de vérifier par un canal autre que le courriel la véracité du RIB. Si cet échange ne peut avoir lieu que téléphoniquement, le numéro à utiliser est celui communiqué par le client à l’entrée en relation et non celui porté sur un courriel (qui peut être celui du fraudeur). L'ASSURANCE, UN RECOURS QUI NE GARANTIT PAS TOUS LES CAS DE FIGURE : Outre que la multiplication des sinistres et le montant parfois des sommes ainsi détournées sont susceptibles de déstabiliser l’équilibre des contrats collectifs souscrits par les barreaux, les garanties desdits contrats ne peuvent pas couvrir

8 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 DES NOUVELLES DE LA CARPA tous les cas de figure de détournements. D eux garanties sont susceptibles d’intervenir selon les cas de figure qui ont permis la fraude : l’assurance Responsabilité Civile Professionnelle proprement dite et la G arantie « Pertes d’espèces, titres et valeurs » qui est une extension prévue dans le même contrat. La garantie Responsabilité Civile Prof essionnelle : Elle suppose nécessairement une faute de l’avocat ou de sa Carpa puisque le schéma classique faute / dommage / lien causal entre l’un et l’autre doit être respecté. T el est le cas de l’avocat qui, alerté par son client - redevable des sommes à payer - lui-même alerté par sa banque sur le caractère suspect du RIB transmis - prétendument celui de la Carpa du confrère adverse - confirme sans procéder à aucune vérification qu’un RIB Carpa est forcément sécure. Le client répercute cette confirmation à sa banque qui passe le virement… dont le montant est détourné. Ce peut être aussi le fait d’une CARPA. Ainsi, une CARPA décaisse des fonds présents sur le compte d’un avocat au profit du bénéficiaire final sans vérification du code BIC présent sur le RIB alors que ce code BIC était celui d’une autre banque, différente de celle figurant facialement sur le RIB falsifié transmis. La garantie « Pertes d’espèces, titres et valeurs » : Cette assurance a pour objet de garantir les fonds, titres ou valeurs remis à un avocat en cas de pertes, vols, disparition, falsifications ou destruction pour quelque cause que ce soit dont l’assuré (l’avocat) peut être victime. Il s’agit là d’une assurance de dommages qui a pour objet de permettre la reconstitution du compte professionnel de l’avocat. Cela suppose donc que la somme captée l’ait été en sortie de son sous-compte affaire ce qui pose comme condition que les fonds aient été crédités préalablement sur le compte CARPA puisque cette assurance fonctionne selon le principe d’une reconstitution de trésorerie. Cette garantie présente donc l’inconvénient de ne pouvoir être mobilisée lorsque les fonds sont détournés en amont de son compte CARPA, c’est-àdire si « l’interception » a lieu en sortie du compte du client. C’est le cas lorsque le client reçoit de son avocat un RIB de la CARPA qui a été falsifié par piratage de sa boite mail. Il est impossible d’établir une faute de l’avocat ou de la CARPA et aucun souscompte affaire d’avocat ne peut être reconstitué puisque la somme que devait verser le client n’est jamais parvenue pour avoir été détournée avant son entrée en CARPA, à la sortie du compte du client. Autre inconvénient de la garantie «Pertes d’espèces, titres et valeurs » : son montant est limité à 2 000 000 € soit un montant largement inférieur à la garantie Responsabilité Civile Professionnelle. Le Président de la Commission N umérique, M onsieur le bâ tonnier Philippe Baron, a récemment alerté l’assemblée générale du C.N .B. sur le fait que, sur les 45 000 adresses électroniques des avocats de province, environ 20 000 ne sont pas attachées à un nom de domaine professionnel. La probabilité de piratage de ces boites et la multiplication de fraudes au R.I.B. s’en trouve donc démultipliée. T ant que des outils modernes permettant de vérifier automatiquement la cohérence RIB / identité du titulaire n’existeront pas, outre l’abandon des boites mails non sécurisées, seule la vigilance de chacun permettra de limiter le développement de ce type de sinistres qui menacent l’équilibre des polices collectives R.C. professionnelle souscrites par les ordres.

ANNONCES LÉGALES FORMALITÉS LÉGALES PRESSE DÉCOUVREZ NOS SERVICES SUR www.legal2digital.fr TRAVAUX PUBLICS & BÂTIMENTS DU MIDI Loire Isère Rhône

10 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU La justice restaurative reste un concept peu connu des praticiens du droit mais également des justiciables, comment vous y êtes-vous intéressée ? D ans le cadre de l’exercice de mes fonctions au sein de l’association d’aide aux victimes mon rô le est de proposer un cadre d’accueil et d’écoute à des personnes s’estimant victime d’une infraction pénale, quel que soit le stade d’avancement de la procédure pénale. Il m’est souvent apparu que le procès pénal n’apportait pas nécessairement toutes les réponses attendues par les victimes et qu’un espace de dialogue devait être mis en place entre les acteurs principaux du procès : les auteurs et les victimes. Lorsqu’en 2018 l’association F rance victime a proposé des formations sur le concept de justice restaurative je m’y suis tout de suite intéressée : cela a été l’occasion de connaitre les enjeux liés à la mesure, savoir comment informer les personnes susceptibles de vouloir y participer et correctement les orienter. Au cours de la formation j’ai été amenée à travailler sur les deux types de rencontres La loi du 15 aout 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales est venue consacrer le concept de justice restaurative, la circulaire relative à sa mise en œ uvre ne sera diffusée qu’à compter du 15 mars 2017. Le nouvel article 10-1 du code de procédure pénale prévoit que des mesures de justice restaurative peuvent être instaurées « à l'occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure », ou dans la phase d’exécution de la peine. En complément du procès pénal, la mesure de justice restaurative a donc pour but de reconstruire le lien social entre des personnes se reconnaissant auteurs et victimes d’infractions pénales. A l’occasion de la sortie du film « Je verrais toujours vos visages » écrit et réalisé par J eanne Herry qui met en scène le parcours d’individus ayant souhaité se confronter à une mesure de justice restaurative, la commission du jeune barreau a interrogé M adame Camille J ourdan, cheffe du service d’Aide aux victimes d’urgence au sein de l’AV AD et animatrice des rencontres organisées entre les auteurs et victimes à M arseille. PRO PO S RECCUEILLIS PAR M E G IULIA PET I T LA JUSTICE RESTAURATIVE : RÉPARER LES MAUX AVEC LES MOTS

11 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU possibles : des rencontres entre détenus-victimes qui ne sont pas concernés par la même affaire au sein de la détention (RD V ) et des rencontres condamnés-victimes organisées en dehors de tout établissement pénitentiaire (RCV ). Par la suite j’ai eu l’occasion d’être formée à la médiation restaurative : il s’agit d’une mesure qui offre à la victime et à l’auteur concernés par la même infraction pénale un espace de dialogue pour échanger sur les faits ou sur les répercussions de l’acte. J ’ai pu suivre cette formation en présence de Conseils Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (CPIP) intéressés par la justice restaurative et avec lesquels nous devions par la suite former des binô mes, binô mes ayant vocation à assurer les entretiens préparatoires puis les rencontres. Selon vous quel est l’objectif poursuivi par la justice restaurative ? A mon sens la justice restaurative permet de créer un espace de dialogue et de reconstruction confidentiel et sécurisant. La mesure apporte une réponse complémentaire au procès pénal mais également une forme de réparation autre que purement financière. Si le procès pénal peut avoir un effet thérapeutique sur le plan du droit et de l’indemnisation cela est moins vrai sur le plan psychologique. Le dialogue qui se crée entre les individus permet également de leur redonner toute leur place au sein de la société et d’ainsi restaurer le lien social endommagé par l’infraction et les conséquences qui en découlent et de prévenir la récidive. Il s’agit de déconstruire les étiquettes « juridiques » pour mettre en lumière les personnes dans leur individualité et leurs émotions. Pourriez vous nous parler de l’une de vos expériences ? Au cours des différentes formations nous avons été amenés à organiser des mises en situations : les formateurs nous remettent des « scénarios » qui ont d’ores et déjà fait l’objet d’une mesure de justice restaurative dans d’autres ressorts de juridiction. A cette occasion le travail consiste à tenter de se mettre à la place de la personne concernée (qu’il s’agisse de l’auteur ou de la victime) pour comprendre les attentes de chacun. Il est frappant de voir à quel point cela m’a permis de visualiser le cheminement acquis au fur et à mesure et le soulagement ressenti à la fin de l’exercice, ce qui est finalement l’objectif [ .../... les rencontres sont touj ours encadrées par des prof essionnels f ormés, qu’ils appartiennent à une association d’aide aux victimes, à une association de suivi socioj udiciaire ou aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. ] ❚ M e G iulia Petit et Camille J ourdan, ch ef f e du service d’Aide aux victimes d’urgence au sein de l’AV AD et animatrice des rencontres organisées entre les auteurs et victimes.

12 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU « promu » par la mesure de justice restaurative et ce qui a fini par me convaincre des biens faits de celle-ci. Concrètement, pouvez-vous nous expliquer le déroulement de la mesure ? L’accès à la justice restaurative peut être mise en œ uvre pour n’importe quelle infraction pénale à condition que l’auteur (majeur ou mineur) ait reconnu les faits constitutifs de l’infraction et sa responsabilité. Elle fonctionne sur le concept du volontariat qui donne tout son sens à l’objectif poursuivi. Lorsqu’une personne émet le souhait d’y recourir, l’auteur comme la victime peuvent en prendre l’initiative, des entretiens préparatoires au nombre de quatre vont se mettre en œ uvre soit au sein même de la détention soit au sein d’un lieu partenaire. A cette occasion la personne est reçue individuellement et les objectifs de la mesure lui sont exposés. Sont également recueillies ses craintes et appréhensions afin de préparer du mieux possible la rencontre finale. Il convient de préciser que le processus peut être interrompu à tout moment, à la demande de l’auteur comme de la victime. Enfin les rencontres sont toujours encadrées par des professionnels formés, qu’ils appartiennent à une association d’aide aux victimes, à une association de suivi socio-judiciaire ou aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. Il existe aussi une catégorie appelée « Membre de la communauté » qui sont des personnes bénévoles, représentant la société civile et permettant ainsi de conforter l’idée que la justice est l’œ uvre de tous. Avez-vous déjà été amenée à proposer d’y recourir aux personnes que vous rencontrez dans le cadre de vos fonctions de responsables du SAVU à l’AVAD ? Quelles ont été les réactions ? L’évocation du principe de justice restaurative se fait généralement dans le cadre des entretiens menés par les juristes de l’association : le but étant de les informer en premier lieu sur l’existence même de la mesure et sur son fonctionnement. L’évocation se veut généralement succincte en ce que l’objectif est d’instiller progressivement la mesure dans l’esprit de la victime et qu’elle soit libre des suites qu’elle entend y donner ; le moment où elle s’en saisira effectivement importe finalement peu. Avec le recul il m’est possible de dire que les réactions des personnes reçues au sein de l’association sont généralement positives, parfois interrogatives. A ce stade je n’ai pas été confrontée à une personne réfractaire. Quelles seraient les motivations des « auteurs » pour participer à ces ateliers ? Il est important de souligner que le recours à une mesure de justice restaurative n’entraine aucun traitement de faveur pour l’auteur que ce soit au stade du procès ou au stade de l’aménagement peine ; le caractère volontaire de la démarche assure de son authenticité. Si le magistrat en charge de la procédure peut être informé de la mise en œ uvre d’une mesure de justice restaurative, les propos tenus par chacune des parties ne peuvent pas faire l’objet d’une transmission sauf à obtenir leurs accords. Ainsi quel que soit le déroulement de la mesure, son succès ou son échec, cela est sans incidence sur la réponse pénale. La motivation des « auteurs » est guidée par une volonté de préparer la réinsertion et ainsi se reconstruire, cela leur permet de se voir mais également d’être vu autrement que comme « un auteur d’infraction pénale ». Diriez-vous que ce concept a permis de mettre en avant une profession souvent ignorée du grand public que sont les CPIP ? La mission principale du conseil pénitentiaire d’insertion et de probation vise à lutter contre la récidive, ils ont vocation à travailler avec les auteurs d’infraction en les accompagnant dans le processus de préparation à la sortie. Leur rô le dans la mise en œ uvre d’une mesure de justice restaurative est fondamental et a effectivement été mis en lumière : ils sont les premiers acteurs vers qui vont se diriger les « auteurs » volontaires, ils vont leur permettre de définir leurs attentes mais également les préparer à envisager celles des victimes et à appréhender leurs éventuelles réactions. Il est vrai que la plupart des films ou documentaire « policier / judiciaire » ont rarement mis en avant le travail de ces professionnels du droit pourtant indispensable au bon fonctionnement de la justice ; le film « je verrais toujours vos visages » me semble être une bonne occasion pour le grand public pour se familiariser avec la fonction mais également pour prendre conscience de leur importance. Pour finir, pensez-vous que la justice restaurative pourrait à terme remplacer le procès pénal ? Absolument pas, il convient de ne pas confondre les buts poursuivis par le procès pénal et par la justice restaurative, qui s’ils peuvent se rejoindre parfois poursuivent in fine des objectifs bien différents. La justice restaurative n’a pas vocation à se substituer ni à devenir une alternative à la justice pénale car elle fonctionne sur des principes radicalement différents : si le procès pénal et la condamnation apparaissent comme une nécessité pour préserver la paix sociale en démocratie, la reconnaissance de la souffrance personnelle d’autrui et la possibilité d’exprimer aussi librement que possible ses émotions relèvent du rô le de la justice restaurative. A mon sens la justice restaurative vient en complémentarité du procès pénal, elle permet un dialogue qui a pu apparaitre comme tronqué au cours de la procédure mais également au cours du jugement : chacune des parties peut être conseillée, les propos tenus ne sont forcément révélateurs de la pensée de l’individu qui les livrent mais potentiellement orientés dans le cadre d’une stratégie procédurale notamment en défense. A l’inverse, la justice restaurative a pour but de remettre de la sincérité au cœ ur des échanges.

13 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / DROIT DE LA FAMILLE Il porte, notamment, sur la reconnaissance et l’ex écution des décisions en matière de responsabilité parentale. Il est entré en application le 1er août 2022. Le décret n° 2023-25 du 23 janvier 2023 pris, notamment, pour l' application des règlements européens en matière familiale, modifie, à compter du 1er mai 2023, les dispositions relatives à l’audition de l’enfant en justice, en ce compris les procédures en cours. Un nouvel alinéa a été ajouté à l’article 338-1 du Code de procédure civile : « ………….. Dans toute décision concernant un mineur capable de discernement, mention est faite que le ou les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, la personne ou le service à qui il a été confié, se sont acquittés de leur obligation d’information prévue au premier alinéa » En pratique, dans un souci de sécurité juridique et pour permettre au juge d’apposer dans la décision à intervenir cette mention, il a été convenu avec les magistrats du pô le famille du tribunal judiciaire de M arseille de joindre au stade du dépô t papier du second original des assignations délivrées devant le juge aux affaires familiales à compter du 1er mai 2023, un formulaire d’information d’audition de l’enfant capable de discernement et d’annexer l’original au dossier de plaidoirie. Il s’agit des procédures dans lesquelles le J uge aux affaires familiales est amené à statuer sur les modalités de l’autorité parentale, en ce compris les procédures à bref délai. Pour ce qui concerne la saisine par requête, le formulaire devra être joint au stade de son dépô t. Aucun modèle de formulaire n’ayant été transmis à ce jour par la Chancellerie au Pô le F amille, le formulaire communiqué par la cour d’appel d' Aix-en-Provence nous semble pouvoir être utilisé dans l’attente de la parution de la circulaire qui sera prise en application dudit décret. Retrouvez ce formulaire sur le site de l' ordre du barreau de M arseille : w w w .barreau-marseille.avocat.fr Si votre client est dans d’impossibilité d’y procéder, par exemple en cas de rupture de lien du demandeur à l’instance avec l’enfant discernant concerné, vous devrez en expliquer les raisons au plus tard le jour de l’audience. N ous tenons, également, à vous informer de l‘ ajout de l’article 1568-1 dans le Code de procédure civile lequel concerne les nouveaux titres exécutoires issus d’accord consécutifs à une médiation, une conciliation, une procédure participative prenant la forme d’un acte contresigné par avocats. Article 1568-1 du Code de procédure civile : « Lorsque l'accord porte sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, il est fait mention dans l'acte de ce que le mineur capable de discernement a été avisé de son droit à être entendu et, le cas échéant, qu'il n'a pas souhaité faire usage de cette faculté. A défaut, le greffier rejette la demande. » Aussi, de la même façon et pour les mêmes raisons, vous appartient-il d’introduire dans vos actes une clause relative à l’information de l’enfant capable de discernement de son droit à être entendu et, le cas échéant, qu’il n’a pas souhaité faire usage de cette faculté, en annexant le formulaire signé par l’enfant en justifiant. FOCUS SUR LE RÈGLEMENT BRUXELLES II TER : Le règlement Bruxelles IIter a été adopté par le conseil de l’union européenne le 25 juin 2019. L’audition de l’enfant en justice et la modification de l’article 338-1 du code de procédure civile issue du décret n°2023-25 du 23 janvier 2023 M E AD ELI N E PO URCI N M E N AT H ALIE RAM PAL M E J ULIE T AX IL

14 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / INTERNATIONAL Le Parquet européen est né d’une volonté commune de fortification et d’orientation stratégique d’une politique pénale européenne efficace, et harmonisée, dont l’enj eu est l’union de droits. D epuis toujours, l’évolution de la J ustice est liée à des évènements déclencheurs politiques et sociétaux. Avant les années 90 il n’existait aucune coopération judiciaire dans les domaines pénaux et civils. U ne coopération bilatérale naissante et faible s’est instaurée entre la F rance et l’Italie après l’assassinat du juge M ichel. Puis au début des années 90 avec l’émergence d’une criminalité organisée transnationale, les Italiens ont été contraints de se spécialiser et s’organiser. Période d’essor d’une coopération judiciaire prometteuse, mais ralentie par l’assassinat du J uge F alcone et de ses collègues. U n constat est alors mis en évidence : il n' y a aucun dispositif dans le cadre de la coopération judiciaire entre les pays de l’Europe, alors que les services de police disposent d’agents de liaison dans les ambassades depuis longtemps. Emerge alors l’idée d’un magistrat de liaison, support de coopération judiciaire entre pays, points de contact technique des ministères de la justice. Il s’agit de la préhistoire de la coopération judiciaire, qui fonctionne sur la base des conventions du Conseil de l' Europe de la fin des années 50. Bases solides qui ont synthétisé des pratiques préexistantes mais restreintes à une vision intergouvernementale de la coopération strictement judiciaire limitée. D euxième partie des années 1990, une nouvelle pression politique est exercée par les magistrats à travers un appel lancé à partir de G enè ve, acte politique initié par les magistrats européens tel que le juge V an Ruymbek e et le soutien journalistique. Il s’agit alors de pouvoir communiquer librement. L' écho politique est plutô t favorable. C' est un moment de grâ ce où le pouvoir politique est au soutien de ces nécessités judiciaires. 1997, sous le corpus juridique de Madame Mireille Delmas Marty, est proposé la création d'un parquet européen. L’objectif étant qu’un procureur européen agirait dans le cadre d' une procédure pénale harmonisée, dans le cadre de la protection des intérêts financiers de l' U E. Ainsi, une « révolution »s’amorce le 15 et 16 octobre 19 9 9 sous l’égide du conseil européen de T ampere en F inlande, au f ondement du Parquet européen. S’y joue l’institution des relations directes entre les autorités judiciaires d' émission et les autorités judiciaires d' exécution. Les autorités communiqueront directement entre elles sur la base du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. C' est un changement de paradigme. Principe existant déjà dans le champ économique mais absent jusque-là du champ judiciaire : reconnaissance et exécution d’une décision étrangère comme s' il s' agissait d' une décision nationale, voir assimilation, avec pour stratégie de limiter au maximum les refus d’exécution. En parallèle est créé Eurojust chargé de transmettre les demandes d' entraides et d' organiser les réunions de coordination dans les dossiers multilatéraux ou bilatéraux. M ais l’engouement politique retombe vite au profit de la souveraineté ministérielle étatique. Et, coup de tonnerre : les attentats du 11 septembre 2001. Cette date clé contraint les européens à renforcer la coopération en matière pénale. Eurojust est alors débloqué et en quelques semaines est rédigé le principe du mandat d’arrêt européen (juin 2002). C' est la conséquence directe des attentats. Se met alors très rapidement LE PARQUET EUROPÉEN Quels enjeux pour les avocats ? Le 14 avril 2023 se tenait à Bruxelles une journée dédiée à cette institution novatrice : ses origines, son premier bilan, et ses perspectives. D ans le prolongement de l’envol de notre barreau vers ces entretiens européens avec la D éléguation des barreaux de F rance (D BF ), il est utile de s’interroger sur la place de l’avocat en son sein. M E H É LÈ N E BIV ILLE-AUBERT , D É LÉ G UÉ E D U BÂ T O N N IER PO UR L’EURO PE

15 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / INTERNATIONAL en place un véritable espace judiciaire européen sans frontières dans lequel les autorités communiquent les unes avec les autres sur la base du principe de reconnaissance mutuelle. D emeure alors la question de la mise en pratique, grâ ce à des supports opérationnels comme Eurojust. Cette légitimité va s’imposer lors de la vague terroriste de 2015 ; Eurojust et Europol sont la source de 17 réunions de coordination pour mener à bien l’enquête. Pas moins de 14 états membres et les É tats-U nis sont concernés dans cette enquête à ampleur mondiale. Pourtant aucun pouvoir institutionnel réel n’existe, seulement un soutien opérationnel gouvernemental, qui pose très clairement les limites de T ampere. Avec le sommet de Lisbonne, le parquet européen voit le j our le 1er j uin 2021, vraie nouveauté ( art 8 6 T F UE) avec un transf ert de pouvoir j udiciaire et donc un transf ert de souveraineté. Ce nouvel organisme qui résulte de la coopération renforcée de 22 états membres a pour objectif de lutter contre les activités qui portent atteinte au budget de l’U nion européenne. Premier parquet supranational à être mis en place, il est chargé de procéder à des enquêtes et des poursuites pénales concernant les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’U E telles que : • La fraude liée aux dépenses et aux recettes, • La fraude à la T V A (si elle concerne deux Etats membres ou plus et porte sur un montant d’au moins 10 millions d’euros), • Le blanchiment des avoirs, • La corruption active et passive ou le détournement de fonds, • La participation à une organisation criminelle. Le parquet européen mè ne ses enquê tes et ses poursuites en toute indépendance par rapport à la commission, aux autres institutions et organes de l’UE, ainsi qu’aux É tats membres. Dirigé par Laura Codruța Kövesi, il est basé à Luxembourg, et constitué d’un procureur européen par Etat membre participant. Les procureurs européens délégués situés dans les É tats membres f ont ainsi partie intégrante de cet organisme totalement indépendant. Le Parquet européen est doté de chambres permanentes pour suivre et diriger les enquêtes, les poursuites, et également assurer la bonne coordination dans le cadre d’affaires transfrontalières. Ces chambres ont aussi la charge de veiller à l’exécution des décisions prises par le collège. Après un an de pratique cet « accélérateur de particules » présente un bilan chiffré inégalé, dont le dossier « Amiral » en est l’enquête emblématique ainsi que les escroqueries à la T V A de type «carrousel » dans le domaine de l’électronique grand public. Cela représente 2,2 M ds € de préjudice global estimé, avec plus de 200 perquisitions dans 14 Etats membres, et 33 échelons décentralisés du Parquet européen mobilisés. L’année 2022 en quelques chiffres, c’est 3300 signalements reçus, dont 58% proviennent de parties privées. La fraude à la T V A représente 20% des enquêtes mais près de 50% du préjudice global (6,7 M ds€), 40 % des enquêtes en cours portent sur des fraudes aux dépenses de l’U E (dans ou hors marchés publics), près de 900 délégations de mesures d’enquêtes échangées entre les procureurs européens délégués, 20 condamnations obtenues et 73 procédures en phase de jugement. L’activité au 31/12/2022 en F rance est significative également : 85 enquêtes en cours à ce jour, 119 dossiers traités en 2022 avec pas moins de 58 enquêtes en cours, ouvertes en F rance, 61 enquêtes déléguées exécutées pour un préjudice global estimé à 390 M € et 60 enquêtes déléguées dans d’autres Etats membres en cours. Ces chiffres sont plus qu’éloquents. F ace à cette boulimie, quelles perspectives s’annoncent et doivent être anticipées par notre profession ? T out d’abord une extension aux infractions environnementales. Puis la nécessité d’assurer une exécution « effective » et harmonisée de la norme pénale, au-delà des stratégies et intérêts nationaux et la mise en place d’une politique pénale européenne intégrée. L’extension à la violation des sanctions U E (dites mesures restrictives) comme par l’adoption du Règlement U E 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’U k raine, accompagné de paquets de sanctions et de directives concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l' U nion européenne, et enfin les mesures liées aux euro-crimes. Autant d’explosion de perspectives dont l’avocature doit se saisir. Car même si le parquet Européen peut être comparé à un « monstre à plusieurs têtes dont il ne faut pas avoir peur » selon M adame D elmas M arty, il n’en demeure pas moins que le rô le de l’avocat est de rappeler au procureur européen que par le règlement, il est soumis aux principes européens devant la Cour, qu’il n’est pas à lui tout seul le maître d’œ uvre et le maître d’ouvrage, et que le rô le de l’avocat ne peut y être nié. N otre profession a le devoir de veiller aux respects des droits de la défense, et aux grands principes qui gouvernent notre droit tel le principe du contradictoire, l’accès au dossier, cheval de bataille pour des demandes d’actes, procédure négociée, procédure pénale harmonisée, renvois préjudiciels… Cette institution indispensable ne laisse que très peu de marge de manœ uvre à l’avocat et c’est là notre devoir que de conquérir une place afin que droits fondamentaux de l’homme soient respectés. L’essence de la commission internationale et Europe au travers de notre barreau est de s’ouvrir à cette dimension et f aire entendre sa voix dans la construction d’une j ustice européenne.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=