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C’est en raison de cette révolte contre l’injustice des hommes, que vous vous êtes orientée vers une formation juridique ? V ers la fin des années 1970, nous avons déménagé à V annes dans le M orbihan, où mes trois enfants étaient scolarisés. Enfin, j’allais pouvoir suivre une formation ! Et le droit est une orientation logique lorsqu’on ne supporte pas les injustices. Après des années de bénévolat, j’en avais aussi un peu marre que mes interlocuteurs me regardent avec un œ il condescendant et j’étais résolue d’étudier le droit pour étayer ma sensibilité sur de solides arguments juridiques. En 1978, une antenne de la faculté de droit de Rennes a ouvert à V annes et j’ai pu y suivre ma première année de D EU G . La carrière de mon mari nous a conduit à Rennes, puis à Paris, où j’ai pu poursuivre mes études. En 1980, je me suis inscrite à la faculté de N anterre, où j’ai étudié pendant deux ans avant d’intégrer l’école des avocats à Paris. C’était un monde nouveau pour vous ? J eune mère de famille qui débarque de sa Bretagne natale, la faculté de N anterre et le bouillonnement de la vie étudiante et intellectuelle parisienne ont effectivement été un grand choc pour moi. Au départ, j’étais passionnée par le droit mais je ne pensais pas devenir avocate. A l’époque, l’aide juridictionnelle n’existait pas et l’idée de demander de l’argent pour pouvoir défendre des personnes me gênait profondément. J e me destinais davantage à la magistrature, et j’espérais faire carrière en tant que juge des enfants ou juge d’instance, pour privilégier cette dimension humaine de la justice qui a toujours fait sens pour moi. M ais passé vingt-sept ans, je n’avais plus l’â ge pour intégrer l’EN M … Et quelles rencontres ont été déterminantes pour vous décider à devenir avocate ? U n ami avocat m’a présenté Henri Leclerc et M adeleine T errasson qui venaient de créer les boutiques de droit en complément de leur cabinet. Le soir, après 18h30, ils recevaient des justiciables, avec des travailleurs sociaux pour des consultations gratuites. J ’ai tout de suite été séduite par les personnages, leur approche de la profession et leur mode de fonctionnement. Henri Leclerc m’a sensibilisé aux questions d’accès au droit des plus défavorisés et au rô le central de l’avocat dans la lutte contre les injustices du quotidien. Cette rencontre a été déterminante. Henri Leclerc restera toujours un modèle pour moi et il comptera toujours énormément dans ma vie. Et c’est grâ ce à lui que j’ai adhéré au SAF , où j’ai mené des combats qui faisaient sens. Henri Leclerc et les confrères rencontrés au SAF ont su me convaincre que je pourrais être avocate sans renier mes convictions. Comment parvient-on à mener de front et concilier une vie de famille et une vie professionnelle dans ce contexte ? J ’avais la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil ! J e ne voulais pas que mes études et mon exercice professionnel nuisent à mes enfants. Aussi, je me suis toujours débrouillée, durant mes études et mes premières années d’exercice professionnel pour ne pas rentrer tard, jamais après 19 h, et pour travailler sur les dossiers entre 5 h et 8 h avant le réveil des enfants. J ’ai d’abord travaillé dans le cabinet de J ean-Paul Levy et Basile Y ak ovlev rue Saint-M artin dans le cadre de mon préstage et pour ma première année de stage. C’était passionnant et bouillonnant mais difficilement conciliable, à long terme, avec la vie de famille. Pour trouver un juste équilibre, j’ai donc terminé mon stage dans un cabinet du barreau de N anterre. Et quand nous avons décidé d’avoir un quatrième enfant, mon mari a renoncé à présenter l’EN A et j’ai mis mon activité en pause pendant trois ans. Et surtout, la naissance de notre quatrième enfant coï ncide avec notre arrivée à M arseille, en 1986. Qu’avez-vous découvert en arrivant à Marseille ? Qu’est-ce qui a changé dans votre vie professionnelle ? C’est une ville que j’ai toujours aimée, ma famille maternelle est de T oulon et j’étais souvent venue à M arseille avant de m’y installer. Au milieu des années 1980, M arseille était une ville en crise, frappée par les difficultés économiques du port et une grande paupérisation. C’est donc à M arseille que j’ai découvert – ou plutô t que je me suis pleinement investie – dans les questions relatives au logement. Il faut dire que l’état déplorable du parc locatif marseillais – et de l’immobilier en général – sautait littéralement aux yeux quand on arrivait à M arseille à cette époque. Quel était le contexte juridique de l’époque en matière de logement et où s’est porté votre engagement ? Avant la loi du 6 juillet 1989, les relations entre bailleurs et locataires étaient purement contractuelles et quasi-exclusivement régies par le code civil. J e me suis donc investie dans un premier temps avec l’AM PIL pour mener des médiations entre bailleurs et locataires, ainsi qu’avec des associations comme " Un centre-ville pour tous". La loi du 29 juillet 1998 nous a permis de renforcer les moyens de lutter concrètement contre les exclusions, notamment dans le domaine du logement. J e me suis alors rapprochée de M arie-Christine Leroy et du président du T G I de M arseille pour mettre en place une HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU 5 0 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 [ Un ami avocat m’a présenté H enri Leclerc et M adeleine T errasson. Cette rencontre a été déterminante.]

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