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permanence et des formations destinées à prévenir les expulsions locatives, dans le cadre du CD AD . N ous avons alors monté un groupe d’avocats spécialisés au sein du barreau de M arseille, dédié à cette question particulièrement sensible. Le soutien du bâ - tonnier Paolacci a été décisif pour doter ce groupe de moyens concrets et nous a permis d’organiser des sessions de formation en six séances à destination des confrères. En tant que praticienne de cette justice du quotidien, vous aviez un point de vue privilégié des réalités concrètes du mal logement ? J ’ai eu la chance de faire des rencontres extraordinaires et d’échanger avec des personnes à l’écoute. En croisant mes réseaux parisien et marseillais, j’ai été mise en contact avec N ancy Bouché qui était alors administratrice civile du ministère du Logement, notamment lorsque J ean-Louis Borloo occupait le poste rue de V arenne. C’est elle qui a créé le Pô le de lutte contre l’Habitat indigne et qui a rédigé l’essentiel des textes relatifs à ce sujet. J ’ai eu l’opportunité de travailler à ses cô tés, ou du moins d’être consultée par elle dans la préparation de ces textes, et au début des années 2000, les premières décisions en matière de lutte contre l’habitat indigne ont été rendues par les juridictions marseillaises et la cour d’appel d’Aix. C’est à cette époque, dans le cadre de cette implication croissante dans les questions de lutte contre l’habitat indigne, que j’ai rencontré F rançois M olins, qui était alors Procureur à Bobigny et que le Procureur de l’époque, J acques D allest a été sensibilisé à cette problématique au point de créer le groupe opérationnel de lutte contre l’habitat indigne au sein du parquet de M arseille. Après, près de trente ans de lutte contre l’habitat indigne, vous avez été un témoin privilégié d’un des événements les plus marquants de ces dernières décennies en France, l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne à Marseille le 5 novembre 2018. Quelle a été votre réaction ? U ne grande tristesse et une grande colère. Il faut savoir qu’avant ce 5 novembre 2018, plus de mille-quatre-cents signalements n’avaient pas été traités par la V ille. Sempiternellement on me répondait en mairie qu’il s’agissait de relations privées, entre bailleurs et locataires, et que les pouvoirs publics n’avaient pas à s’y immiscer. J ’étais donc révoltée par cette incurie, d’autant que dès 2015, le rapport N icole pointait du doigt avec clarté l’état de la situation. Ce drame était donc prévisible et évitable. J ’étais révoltée par l’attitude de certains bailleurs qui étaient au courant de l’état de leurs biens et exploitaient la misère de leurs locataires, écœ urée par la politique de la municipalité d’alors qui ne se donnait pas les moyens d’agir. Depuis lors, est-ce que les pouvoirs publics, au niveau national et local, ont pris les mesures nécessaires pour éviter de telles tragédies ? J ’estime que les moyens existent depuis longtemps sur le plan législatif ; le droit positif n’est pas en cause ici ; il faut simplement l’appliquer et disposer d’une volonté politique ferme pour mettre fin à ces situations. Les magistrats doivent aussi être davantage sensibilisés aux réalités concrètes qui se cachent derrière des textes de loi et des arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité. J ’ai le souvenir, au début des années 2000, d’une juge d’instance qui avait décidé – dans un dossier où j’intervenais – de transporter le tribunal sur les lieux pour voir de ses yeux la réalité. Il s’agissait d’un hô tel meublé du centre-ville et disons qu’elle n’a pas été déçue du voyage ! C’est en se confrontant à la réalité du terrain que les magistrats peuvent juger de manière juste et éclairée. M ais pour y parvenir, la justice a besoin de moyens. Il serait aujourd’hui impossible d’organiser un transport sur HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU 5 1 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 [ C’est donc à M arseille que j ’ai découvert – ou plutô t que j e me suis pleinement investie – dans les questions relatives au logement.]

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