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12 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU « promu » par la mesure de justice restaurative et ce qui a fini par me convaincre des biens faits de celle-ci. Concrètement, pouvez-vous nous expliquer le déroulement de la mesure ? L’accès à la justice restaurative peut être mise en œ uvre pour n’importe quelle infraction pénale à condition que l’auteur (majeur ou mineur) ait reconnu les faits constitutifs de l’infraction et sa responsabilité. Elle fonctionne sur le concept du volontariat qui donne tout son sens à l’objectif poursuivi. Lorsqu’une personne émet le souhait d’y recourir, l’auteur comme la victime peuvent en prendre l’initiative, des entretiens préparatoires au nombre de quatre vont se mettre en œ uvre soit au sein même de la détention soit au sein d’un lieu partenaire. A cette occasion la personne est reçue individuellement et les objectifs de la mesure lui sont exposés. Sont également recueillies ses craintes et appréhensions afin de préparer du mieux possible la rencontre finale. Il convient de préciser que le processus peut être interrompu à tout moment, à la demande de l’auteur comme de la victime. Enfin les rencontres sont toujours encadrées par des professionnels formés, qu’ils appartiennent à une association d’aide aux victimes, à une association de suivi socio-judiciaire ou aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. Il existe aussi une catégorie appelée « Membre de la communauté » qui sont des personnes bénévoles, représentant la société civile et permettant ainsi de conforter l’idée que la justice est l’œ uvre de tous. Avez-vous déjà été amenée à proposer d’y recourir aux personnes que vous rencontrez dans le cadre de vos fonctions de responsables du SAVU à l’AVAD ? Quelles ont été les réactions ? L’évocation du principe de justice restaurative se fait généralement dans le cadre des entretiens menés par les juristes de l’association : le but étant de les informer en premier lieu sur l’existence même de la mesure et sur son fonctionnement. L’évocation se veut généralement succincte en ce que l’objectif est d’instiller progressivement la mesure dans l’esprit de la victime et qu’elle soit libre des suites qu’elle entend y donner ; le moment où elle s’en saisira effectivement importe finalement peu. Avec le recul il m’est possible de dire que les réactions des personnes reçues au sein de l’association sont généralement positives, parfois interrogatives. A ce stade je n’ai pas été confrontée à une personne réfractaire. Quelles seraient les motivations des « auteurs » pour participer à ces ateliers ? Il est important de souligner que le recours à une mesure de justice restaurative n’entraine aucun traitement de faveur pour l’auteur que ce soit au stade du procès ou au stade de l’aménagement peine ; le caractère volontaire de la démarche assure de son authenticité. Si le magistrat en charge de la procédure peut être informé de la mise en œ uvre d’une mesure de justice restaurative, les propos tenus par chacune des parties ne peuvent pas faire l’objet d’une transmission sauf à obtenir leurs accords. Ainsi quel que soit le déroulement de la mesure, son succès ou son échec, cela est sans incidence sur la réponse pénale. La motivation des « auteurs » est guidée par une volonté de préparer la réinsertion et ainsi se reconstruire, cela leur permet de se voir mais également d’être vu autrement que comme « un auteur d’infraction pénale ». Diriez-vous que ce concept a permis de mettre en avant une profession souvent ignorée du grand public que sont les CPIP ? La mission principale du conseil pénitentiaire d’insertion et de probation vise à lutter contre la récidive, ils ont vocation à travailler avec les auteurs d’infraction en les accompagnant dans le processus de préparation à la sortie. Leur rô le dans la mise en œ uvre d’une mesure de justice restaurative est fondamental et a effectivement été mis en lumière : ils sont les premiers acteurs vers qui vont se diriger les « auteurs » volontaires, ils vont leur permettre de définir leurs attentes mais également les préparer à envisager celles des victimes et à appréhender leurs éventuelles réactions. Il est vrai que la plupart des films ou documentaire « policier / judiciaire » ont rarement mis en avant le travail de ces professionnels du droit pourtant indispensable au bon fonctionnement de la justice ; le film « je verrais toujours vos visages » me semble être une bonne occasion pour le grand public pour se familiariser avec la fonction mais également pour prendre conscience de leur importance. Pour finir, pensez-vous que la justice restaurative pourrait à terme remplacer le procès pénal ? Absolument pas, il convient de ne pas confondre les buts poursuivis par le procès pénal et par la justice restaurative, qui s’ils peuvent se rejoindre parfois poursuivent in fine des objectifs bien différents. La justice restaurative n’a pas vocation à se substituer ni à devenir une alternative à la justice pénale car elle fonctionne sur des principes radicalement différents : si le procès pénal et la condamnation apparaissent comme une nécessité pour préserver la paix sociale en démocratie, la reconnaissance de la souffrance personnelle d’autrui et la possibilité d’exprimer aussi librement que possible ses émotions relèvent du rô le de la justice restaurative. A mon sens la justice restaurative vient en complémentarité du procès pénal, elle permet un dialogue qui a pu apparaitre comme tronqué au cours de la procédure mais également au cours du jugement : chacune des parties peut être conseillée, les propos tenus ne sont forcément révélateurs de la pensée de l’individu qui les livrent mais potentiellement orientés dans le cadre d’une stratégie procédurale notamment en défense. A l’inverse, la justice restaurative a pour but de remettre de la sincérité au cœ ur des échanges.

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