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Chantal Bourglan, vous avez prêté serment devant la cour d’appel de Paris en 1983 et vous avez quitté la profession en décembre 2022. Entre temps, vous avez acquis une expérience et une réputation d’avocate engagée au service des plus démunis. Qu’est-ce qui vous a conduit vers cette carrière ? Ch antal Bourglan : T oute ma vie, depuis ma plus tendre enfance ; j’ai été révoltée par l’injustice. En primaire, j’étais scolarisée dans un établissement catholique très bourgeois de Q uimper et je me souviendrai toujours de cette camarade de classe, issue d’un milieu très défavorisé et de l’accueil qui lui a été réservé. Elle subissait les moqueries de toute la classe et ce comportement me révoltait. J e n’ai pas hésité à faire face à mes camarades, qui venaient du même milieu que moi, pour leur dire à quel point leur attitude était dégueulasse. A la même époque, j’ai eu de graves problèmes de santé et j’ai été déscolarisée pendant un an pour être soignée à Paris. D e cette époque de souffrances, je conserve surtout le souvenir ému d’un enfant de mon â ge, couché sur un brancard dans les couloirs de l’hô pital de Bicêtre, avec lequel je m’étais amusée quelques instants en échangeant des grimaces et des regards complices, comme le font les enfants. Lorsque l’infirmière est venue le chercher pour ses examens, elle a soulevé la couverture sous laquelle cet enfant était allongé et j’ai vu qu’il n’avait pas de membres, ni bras ni jambes. Cette image m’a bouleversée. J ’ai vite compris qu’il y avait deux types d’injustices, une, contre laquelle nous ne pouvons rien, qui tient à la nature et à la physique, celle de la mort, de la maladie ou de l’isolement ; et une autre injustice, qui résulte du fonctionnement des sociétés humaines ; contre laquelle il est possible de s’insurger pour contribuer à améliorer la situation de nos semblables. C’est de là que date votre engagement politique et syndical ? C’est un engagement humaniste ou humanitaire avant d’être politique ou syndical. J ’ai toujours voulu m’impliquer contre les injustices des hommes. J e me suis mariée jeune, à dix-neuf ans, et, par choix – c’est important ! – à vingtquatre ans, j’avais déjà trois enfants. Inutile de préciser qu’entre dix-neux et vingt-cinq ans, je n’ai pas eu beaucoup de temps à consacrer à autre chose qu’à ma famille. J ’ai tout de même pu travailler avec des associations en tant que bénévole, notamment chez SOS J eunes et dans les associations d’aides aux travailleurs immigrés. Au milieu des années 1970, dans le contexte de la Révolution des œ illets au Portugal et de la fin du franquisme en Espagne, la F rance a connu une importante vague migratoire en provenance de la péninsule ibérique. M es engagements se portaient vers les personnes qui avaient besoin d’aide, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU [ T oute ma vie, depuis ma plus tendre enf ance ; j ’ai été révoltée par l’inj ustice.] 4 9 | JDB MARSEILLE 2 / 2023

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