JDB_N2_COUV_2023_PRINTV3.indd

15 | JDB MARSEILLE 2 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / INTERNATIONAL en place un véritable espace judiciaire européen sans frontières dans lequel les autorités communiquent les unes avec les autres sur la base du principe de reconnaissance mutuelle. D emeure alors la question de la mise en pratique, grâ ce à des supports opérationnels comme Eurojust. Cette légitimité va s’imposer lors de la vague terroriste de 2015 ; Eurojust et Europol sont la source de 17 réunions de coordination pour mener à bien l’enquête. Pas moins de 14 états membres et les É tats-U nis sont concernés dans cette enquête à ampleur mondiale. Pourtant aucun pouvoir institutionnel réel n’existe, seulement un soutien opérationnel gouvernemental, qui pose très clairement les limites de T ampere. Avec le sommet de Lisbonne, le parquet européen voit le j our le 1er j uin 2021, vraie nouveauté ( art 8 6 T F UE) avec un transf ert de pouvoir j udiciaire et donc un transf ert de souveraineté. Ce nouvel organisme qui résulte de la coopération renforcée de 22 états membres a pour objectif de lutter contre les activités qui portent atteinte au budget de l’U nion européenne. Premier parquet supranational à être mis en place, il est chargé de procéder à des enquêtes et des poursuites pénales concernant les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’U E telles que : • La fraude liée aux dépenses et aux recettes, • La fraude à la T V A (si elle concerne deux Etats membres ou plus et porte sur un montant d’au moins 10 millions d’euros), • Le blanchiment des avoirs, • La corruption active et passive ou le détournement de fonds, • La participation à une organisation criminelle. Le parquet européen mè ne ses enquê tes et ses poursuites en toute indépendance par rapport à la commission, aux autres institutions et organes de l’UE, ainsi qu’aux É tats membres. Dirigé par Laura Codruța Kövesi, il est basé à Luxembourg, et constitué d’un procureur européen par Etat membre participant. Les procureurs européens délégués situés dans les É tats membres f ont ainsi partie intégrante de cet organisme totalement indépendant. Le Parquet européen est doté de chambres permanentes pour suivre et diriger les enquêtes, les poursuites, et également assurer la bonne coordination dans le cadre d’affaires transfrontalières. Ces chambres ont aussi la charge de veiller à l’exécution des décisions prises par le collège. Après un an de pratique cet « accélérateur de particules » présente un bilan chiffré inégalé, dont le dossier « Amiral » en est l’enquête emblématique ainsi que les escroqueries à la T V A de type «carrousel » dans le domaine de l’électronique grand public. Cela représente 2,2 M ds € de préjudice global estimé, avec plus de 200 perquisitions dans 14 Etats membres, et 33 échelons décentralisés du Parquet européen mobilisés. L’année 2022 en quelques chiffres, c’est 3300 signalements reçus, dont 58% proviennent de parties privées. La fraude à la T V A représente 20% des enquêtes mais près de 50% du préjudice global (6,7 M ds€), 40 % des enquêtes en cours portent sur des fraudes aux dépenses de l’U E (dans ou hors marchés publics), près de 900 délégations de mesures d’enquêtes échangées entre les procureurs européens délégués, 20 condamnations obtenues et 73 procédures en phase de jugement. L’activité au 31/12/2022 en F rance est significative également : 85 enquêtes en cours à ce jour, 119 dossiers traités en 2022 avec pas moins de 58 enquêtes en cours, ouvertes en F rance, 61 enquêtes déléguées exécutées pour un préjudice global estimé à 390 M € et 60 enquêtes déléguées dans d’autres Etats membres en cours. Ces chiffres sont plus qu’éloquents. F ace à cette boulimie, quelles perspectives s’annoncent et doivent être anticipées par notre profession ? T out d’abord une extension aux infractions environnementales. Puis la nécessité d’assurer une exécution « effective » et harmonisée de la norme pénale, au-delà des stratégies et intérêts nationaux et la mise en place d’une politique pénale européenne intégrée. L’extension à la violation des sanctions U E (dites mesures restrictives) comme par l’adoption du Règlement U E 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’U k raine, accompagné de paquets de sanctions et de directives concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l' U nion européenne, et enfin les mesures liées aux euro-crimes. Autant d’explosion de perspectives dont l’avocature doit se saisir. Car même si le parquet Européen peut être comparé à un « monstre à plusieurs têtes dont il ne faut pas avoir peur » selon M adame D elmas M arty, il n’en demeure pas moins que le rô le de l’avocat est de rappeler au procureur européen que par le règlement, il est soumis aux principes européens devant la Cour, qu’il n’est pas à lui tout seul le maître d’œ uvre et le maître d’ouvrage, et que le rô le de l’avocat ne peut y être nié. N otre profession a le devoir de veiller aux respects des droits de la défense, et aux grands principes qui gouvernent notre droit tel le principe du contradictoire, l’accès au dossier, cheval de bataille pour des demandes d’actes, procédure négociée, procédure pénale harmonisée, renvois préjudiciels… Cette institution indispensable ne laisse que très peu de marge de manœ uvre à l’avocat et c’est là notre devoir que de conquérir une place afin que droits fondamentaux de l’homme soient respectés. L’essence de la commission internationale et Europe au travers de notre barreau est de s’ouvrir à cette dimension et f aire entendre sa voix dans la construction d’une j ustice européenne.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=