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J D BM JOURNAL DU BARREAU DE MARSEILLE 2023 /2 © Yohan Brandt 32 e JURIS’CUP VIEUX FARCEUR À L’HONNEUR HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU LE CLIN D’ŒIL DU BÂTONNIER HENRI BOLLET MAÎTRE HENRY FOURNIER A FÊTÉ SES 100 ANS ! +

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Numéro 3 - 2023 - Revue de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille - ISSN : 2269-448X - Marc Ringlé, fondateur du Journal du barreau et directeur honoraire de la publication - Maison de l’avocat : 51, rue Grignan 13006 Marseille Téléphone : 04 91 15 31 13 - Télécopie : 04 91 55 02 10 • e-mail : sao@barreau-marseille.avocat.fr - site internet : www.barreau-marseille.avocat.fr • bâtonnier : Mathieu Jacquier • Directeur de la publication : Manuel Guidicelli • Comité de rédaction : Yann Arnoux-Pollak, Julien Ayoun, Geneviève Maillet, Jérôme Gavaudan, Christian Baillon-Passe, Sylvie Campocasso, Julien Bernard, Philippe Daumas, Bertrand de Haut de Sigy, Jimmy Impinna, Nathalie Olmer, Isabelle Antonakas • Communication, coordination et photographies : Isabelle Zalachas - Xdr • Réalisation : Publications Commerciales / Sabine Guglielmetti. 04 91 13 66 00 • Publicité commerciale : Sophie Magnan 06 17 27 71 61. JDB MARSEILLE BKA le Journal du barreau de Marseille est réalisé depuis plus de 15 ans en partenariat avec les Nouvelles Publications SOMMAIRE ÉDITO ��������������������������������������������������������������������������� P 3 VOTRE BARREAU�����������������������������������������������������P 4 L'AVOCAT HONORAIRE ........................................ P 4 - la protection juridique et la déontologie (épisode 1) LA CONF' .....................................................................P 6 - Concours de la conférence 2023, le barreau de Marseille attend ses nouveaux lauréats DES NOUVELLES DE LA CARPA �������������������������P 8 - Actualités LA PAROLE AUX COMMISSIONS�����������������������P 10 JEUNE BARREAU................................................ P 10 - La profession d’avocat à l’épreuve de l’intelligence artificielle PÉNALE ................................................................ P 12 - « Ne parlez pas trop fort on nous écoute » - Une révolution pour la décoration intérieure de nos cabinets IMMOBILIER .........................................................P 18 - 750-1 - SAISON 2 : la résurrection du préalable LA PAROLE AUX SYNDICATS �����������������������������P 20 - ACE : évolutions numériques, intelligence artificielle Quel point de vigilance ? -SAF : Les lieux privatifs de liberté le SAF s’investit aux côtés de l’Ordre pour lutter pour plus de dignité -UJA : Quand la crise sanitaire redéfinit les pratiques, focus sur la collaboration inter-barreaux EN DIRECT DU CNB������������������������������������������������P 24 - Grande rentrée des avocats 2023 : une première édition réussie DOSSIER �������������������������������������������������������������������P 26 32 E JURIS'CUP - Le mot du bâtonnier - La Juris’Cup 2023 a été un immense succès - Et ce n’est pas près de s’arrêter - Notre barreau transforme victorieusement l’essai européen - Le barreau de Marseille vainqueur de la Juris’Cup 2023 : interview de l'équipage - À la barre ! LIBRES PROPOS����������������������������������������������������P 40 - Les nouvelles du droit public, façon abecedaire CULTURE ������������������������������������������������������������������P 42 LA PLUME & LA ROBE ........................................ P 42 - L'Enragé - Combien de lunes - Cultures obliques,une librairie pas comme les autres POP AVOCAT ........................................................ P 44 - Un monde sans avocats - Vu Lu Su /sélection du JDB des séries judiciaires du moment HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU �����������P 46 - Le clin d’œil du bâtonnier Henri Bollet - Maître Henry Fournier a fêté ses 100 ans ! interview ÉVÈNEMENTS DES DERNIERS MOIS ������������P 52 - Revue 2023 : feu d'artifice aux calanques EN BREF���������������������������������������������������������������P 56

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3 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 ÉDITO Le comité de rédaction du journal du barreau de Marseille a le plaisir de vous présenter ce nouveau « JDB ». Un numéro d’automne, qui parait à mi-chemin entre la rentrée judiciaire et la fin de l’année, à l’heure où les feuilles tombent et où les projets naissent, où l’on sent déjà poindre la période de Noël, mais où l’été nous paraît encore tout proche, presque à portée de main… Une période propice à se tourner vers l’avant, mais également à savourer ce qui a eu lieu hier, surtout lorsque « hier » est fait de saveurs agréables, aux notes de rhum et d’embruns, et de noms dont on aime se délecter, tel que celui de « Juris’cup ». Cette année, la 32e édition de la Juris’cup a de nouveau connu un franc succès. La fête a été d’autant plus belle que le barreau de Marseille a, pour la première fois, remporté la compétition, grâce à son équipage embarqué à bord du « Vieux farceur ». Vous trouverez l’interview de ses membres dans le dossier de ce numéro dédié à l’évènement où vous pourrez notamment y lire l’article de notre consœur Zoé Poncelet qui nous livre un texte magnifique (« A la barre ! ») sur les liens entre la voile et la profession d’avocat. Si la mer a, pendant de nombreux siècles, été pour les navigateurs un horizon d’inconnu et d’espoirs, il en va de même pour les réformes législatives, notamment en matière pénale, dont la prochaine nous laisse entrevoir peu d’espoir et nous plonge assurément dans l’inconnu. Le 5 octobre dernier, le Conseil de l’Ordre a voté à l’unanimité une motion s’opposant avec fermeté à l’article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 autorisant, comme nouvelle technique d’enquête, l’activation à distance des appareils connectés. Les articles de nos confrères Tom Bonnifay et Xavier Pizarro, nous permettent d’appréhender les enjeux de cette disposition et le risque d’atteinte inacceptable au secret professionnel des avocats qui en découle, plus largement du risque de violation grave de nos droits et libertés. Ces articles font écho à celui de notre confrère Pierre Le Beller « Un monde sans avocats », que vous pourrez lire dans la rubrique Pop avocat et qui met en parallèle trois œuvres de fiction « que tout oppose si ce n’est la mise horsjeu des robes noires » (Retour vers le Futur 2, Minority Report, Harry Potter et l’Ordre du Phénix). Avec ou sans avocats, cette nouvelle loi qui se profile, semble davantage avoir été rédigée avec la plume d’Orwell qu’avec celle de J. K. Rowling. Pour éviter que la réalité rejoigne la fiction, soyons vigilants, essayons de peser dans les débats ! MANUEL GUIDICELLI DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

4 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 VOTRE BARREAU / L'AVOCAT HONORAIRE En effet, même si dans la masse croissante de dossiers traités par la commission de la déontologie des cas résultant de la PJ sont peu nombreux, il existe néanmoins des difficultés liées à l’existence de plusieurs relations juridiques se superposant. Les problèmes peuvent naître dans deux configurations possibles, à savoir lorsque c’est l’avocat et son client qui saisissent la compagnie d’assurances ou inversement, lorsque celle-ci saisit un avocat pour qu’il représente les intérêts de son assuré. C’est la première situation que nous allons examiner. La seconde sera examinée plus tard. L’hypothèse où, en accord avec son client, l’avocat actionne la PJ est la plus simple car elle est la conséquence d’une rencontre préalable de l’avocat avec son client et de la volonté de limiter les conséquences financières du litige pour le client surtout s’il doit y avoir une expertise. Avant de saisir la compagnie d’assurances il est indispensable et même obligatoire d’après le code des assurances, d’établir une convention d’honoraires entre l’avocat et son client. Bien évidemment, il ne faudra pas omettre de préciser dans cette convention que le paiement de l’assureur sera sans doute inférieur au montant des honoraires mis à la charge du client. Il peut également être utile de préciser que l’assureur réglera directement l’avocat de la quote part prévue par son barème et il faut ajouter qu’en vertu de l’article L127-2-2 du code des assurances les frais exposés par le client avant d’avoir saisi l’assurance ne sont pas dus par celle-ci sauf si l’assuré peut justifier d’une urgence à les avoir exposés. Lorsque la convention d’honoraires a été signée il peut arriver que l’assureur refuse sa prise en charge et dans ce cas, il est souvent demandé à l’avocat de faire modifier le point de vue de cet assureur mais si un tel refus résulte du fait que d’après l’assureur l’action est inutile ou vouée à l’échec il est délicat pour l’avocat de soutenir au contraire que l’action ne peut qu’aboutir ! Enfin, si la prise en charge est acceptée et que la procédure peut démarrer un nouveau problème se pose qui est celui du rôle de l’assureur pendant la procédure. Dès lors que l’avocat a été chargé d’une mission par son client, l’assuré, seul celui-ci devrait exposer son point de vue. En réalité on ne doit reconnaître qu’un simple droit de véto au profit de l’assureur lorsqu’il considère qu’un acte ou une demande est inutilement onéreux. Le même problème peut d’ailleurs se poser lorsqu’il faut décider ou non de faire appel. Dans ces deux cas l’article L127-4 prévoit que la difficulté peut être réglée par l’intermédiaire d’une tierce personne ou par une action contre l’assureur devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond. Ce même article prévoit une disposition ambigüe, lorsque l’assuré conteste la position de l’assureur au terme de laquelle « le délai de recours contentieux est suspendu pour toutes les instances juridictionnelles qui sont couvertes par la garantie d’assurances. ». En conclusion, il faut également signaler qu’il y a un domaine sensible en matière de protection juridique qui est celui de la confidentialité. Certes l’article L127-7 prévoit que « les personnes qui ont à connaître des informations données par l’assuré sont tenues au secret professionnel » mais il peut arriver que certaines pièces utilisées par les parties et qui ont été communiquées à l’assureur fassent apparaître implicitement des éléments de fait pouvant préjudicier à l’assuré (par exemple un état antérieur en matière médicale, ou une modification non déclarée sur un bâtiment…). Il faut donc que l’avocat vérifie auprès de son client que aucun renseignement défavorable ne soit révélé. Après avoir traité précédemment de l’article 700 NCPC dans le cas de la protection juridique il faut faire quelques observations sur les problèmes déontologiques pouvant résulter de la protection juridique (PJ). ME MICHEL ROUSSET LA PROTECTION JURIDIQUE ET LA DÉONTOLOGIE (ÉPISODE 1)

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CONCOURS DE LA CONFÉRENCE 2023 LE BARREAU DE MARSEILLE ATTEND SES NOUVEAUX LAURÉATS Comme chaque année, le concours de la Conférence du barreau de Marseille revient au mois de novembre. Tradition ancienne et incontournable de la vie ordinale, la Conférence est une institution qui réunit dans le cadre d’un concours d’éloquence, les jeunes avocats inscrits au barreau de Marseille depuis moins de quatre années. Moments d’échanges, de liberté et d’impertinence, la conférence consacre annuellement trois orateurs qui ont l’honneur durant une année de représenter leur barreau et son éloquence. 6 | JDB MARSEILLE 3 / 2023

L’année dernière, Manuel Guidicelli, Alexandra Costecalde-Bossy et Alexis Coiseur ont eu l’honneur d’être distingués, après avoir respectivement concouru sur les sujets suivants : « Faut-il continuer de croire au matin ? », « Faut-il conclure ? », « La robe est-elle une malédiction ? ». Cette année, les candidats devront choisir parmi les douze sujets suivants : - Faut-il rester dans son palais ? - Le silence des pantoufles est-il pire que le bruit des bottes ? - Faut-il poncer le parquet ? - Peut-on défendre tout le monde sans être choisi par personne ? - Sommes-nous nés sous la même étoile? - Faut-il nécessairement casser des œufs pour faire une omelette ? - Avez-vous quelque-chose à ajouter ? - Le jugement dernier sera-t-il un procès équitable ? - N’y a-t-il que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ? - L’empire est-il obscur ? - Faut-il privilégier le château de sa mère à la gloire de son père ? - La parole est d’argent mais le silence est d’or. La nouveauté de cette édition 2023 est que le concours sera organisé en deux tours. Le premier tour (28 novembre en journée) aura vocation à sélectionner les trois lauréats. La finale (5 décembre en soirée) aura pour objectif de les départager en établissant un classement. Cette finale aura lieu surtout pour permettre aux consœurs et confrères d’avoir l’occasion d’écouter les trois prestations qui auront emporté l’adhésion du premier jury. En effet, rares sont les confrères qui ont la possibilité de s’absenter une journée entière de leur cabinet pour assister aux passages des quelques trente participants concourant en journée. L’organisation d’une finale en soirée sera également l’occasion de se retrouver autour d’un verre lors de la proclamation des résultats, qui aura lieu le soir même, en même temps que ceux des élections des membres du Conseil de l’ordre et de la CARPA. A noter comme seconde nouveauté de cette édition, le fait que celle-ci n’a pas été organisée uniquement par les lauréats actuels, comme cela est de coutume, mais par l’Association de la Conférence, qui a récemment vu le jour. Le but de cette association est de contribuer, par tout moyen, au rayonnement national et international du barreau de Marseille, œuvrant pour la défense de la langue française et plus généralement de l'art oratoire en organisant des événements, réunions, concours ou autres manifestations. L’association a également pour ambition de rassembler tous les anciens lauréats de la Conférence, lors d’un ou plusieurs événements annuels à caractère festif, comme cela existe déjà dans d’autres barreaux, aux fins que ces derniers se rencontrent et tissent davantage de liens. Le bureau de l’association est actuellement composé des membres suivants Président : Monsieur le bâtonnier Mathieu Jacquier Vice-président : Kevin Lefebvre-Goirand (lauréat 2021) Secrétaire : Alexandra CostecaldeBossy (lauréate 2022) Trésorier : Xavier Pizarro (lauréat 2021). Les statuts de l’association prévoient que les membres fondateurs en soient membres de droit (Monsieur le bâtonnier Mathieu Jacquier, Monsieur le bâtonnier Jean-Raphaël Fernandez, Kevin Lefebvre-Goirand, Charles Benoit, Adrienne Callejas et Xavier Pizarro), tout comme les lauréats durant l’année de leur lauréature, ainsi que le bâtonnier en exercice. Nous invitons bien évidemment tous les anciens lauréats à y adhérer. Enfin, nous profitons de cet espace qui nous est offert dans le Journal du barreau pour vous présenter la devise de l’association : « Verba argentum nec silentia aurum ». « La parole est d’argent mais le silence est d’or ». Comme vous l’aurez remarqué, il s’agit du douzième sujet, celui qui pourra être choisi par ceux qui auront à cœur de nous éclairer sur le sens de cette maxime, que nous avons trouvée jolie, mais dont nous n’avons en toute sincérité pas encore saisi l’entière signification… À vos plumes, à vos mots ! Bien confraternellement. La Conférence VOTRE BARREAU / LA CONF' 7 | JDB MARSEILLE 3 / 2023

8 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 Les équipes de la CARPA n’ont pas échappé à ces désagréments� Outre les nécessaires changements de comptes, il a fallu rencontrer nos nouveaux interlocuteurs et faire face aux nombreux changements de méthode et de logiciels� Pour ne citer qu’un exemple, on pourra citer celui des RIB qui vous permettent de plus en plus souvent de faire parvenir les fonds destinés à vos clients sur votre sous-compte CARPA. Il faut le rappeler, ces RIB ne vous sont délivrés, après la création d’une affaire, qu’à l’issue d’un délai de 24 heures ; ce temps étant destiné à l’indispensable rapprochement des identités des protagonistes avec la base de données de gel des avoirs, sujet brûlant d’actualité. Ces IBAN sont dits « virtuels », ils ne sont valables que pour l’affaire concernée. Au moment de la bascule il a fallu gérer tous ces RIB en circulation et les faire correspondre en banque et mettre en service les nouveaux pour aboutir finalement sur le bon compte. Le travail dévoué de nos équipes a permis que la transition se fasse sans trop de heurts et il faut les en remercier. Il ne s’agit que de l’une des problématiques que nous avons eu à affronter, tant et si bien que Monsieur le bâtonnier et le Conseil de l’Ordre ont décidé de mener une remise à plat des contrats qui nous lient avec notre banque de flux. Une réflexion globale, aussi bien en ce qui concerne la CARPA que les relations entre notre banque, l’Ordre et les avocats est en cours au sein de nos institutions sur ce sujet. Bien entendu, toutes vos idées ou remarques sont les bienvenues. Par ailleurs, la remontée des taux d’intérêts ne vous aura pas échappé et pour autant qu’elle ne constitue pas une bonne nouvelle pour les consommateurs que nous sommes, elle permet à notre collectivité de voir notre patrimoine et l’activité de la CARPA redevenir productifs. C’est ainsi que nous travaillons à pérenniser des placements qui nous permettront de maintenir un budget et donc un niveau de service, au moins équivalent pour la prochaine décennie. Il faut à ce propos, rendre hommage au travail qui a été fait dans le passé et qui nous a permis, lorsque la rentabilité n’était plus là, de maintenir des revenus par les placements judicieux décidés par nos aînés et au plus bas de la crise de rationnaliser et de réduire nos budgets, toujours pour garantir le même service à nos confrères. Je pense bien entendu à l’action menée avec constance par Me Philippe Cornet en qualité de président délégué de la CARPA durant cinq ans. Sur un autre sujet qui fait l’objet d’interrogations régulières, c’est avec regret que je vous informe que, malgré le travail énorme fourni par Me Cornet lors des travaux préparatoires à une éventuelle fusion avec la CARPA d’Aix en Provence, ce projet n’a pas abouti et a été abandonné. Dans le même temps, nous avons commencé la préparation à l’arrivée du nouveau logiciel de maniement de fonds, EMDF, ce programme national devant remplacer notre vénérable Lacydon et son interface, WEBCARPA. Nous nous attachons à peser sur sa conception pour, notamment, nous assurer que notre niveau de prestation à vos cabinets soit au moins équivalent à ce qu’il est aujourd’hui, en ergonomie et en rapidité. En tout état de cause, je reste attaché à ce que vos relations avec la CARPA restent les plus proches possible et à garantir que notre travail soit toujours sous le contrôle de l’un d’entre nous. Si notre nécessaire indépendance passe forcément par l’indépendance économique, elle doit aussi se traduire par la maîtrise et l’appropriation du cadre légal, je pense bien entendu à la conformité (compliance). Je termine cette rapide revue d’actualité par l’annonce d’un nouveau triptyque de formation CARPA dédié à la conformité. Les trois ateliers de ce cycle se tiendront les 8 novembre, 13 décembre 2023 de 11h30 à 13h30 en distanciel et le 17 janvier 2023 de 17h00 à 19h00 en présentiel à la Maison de l’avocat. Je souhaite que le dernier volet de janvier, soit consacré à des problématiques que vous rencontreriez en la matière. Je vous invite à nous faire part de vos suggestions de sujets que nous pourrions aborder ensemble, via le formulaire d’inscription de cette formation disponible sur le site du barreau de Marseille. J’ai sollicité nos différents syndicats à vous interroger dans le même but. ACTUALITÉS Comme à l’accoutumée l’été ne fut pas paisible et la rentrée mouvementée. Le mariage de notre banque historique a engendré des conséquences négatives pour beaucoup d’entre nous à titre professionnel et parfois personnel. DES NOUVELLES DE LA CARPA ME LIONEL FEBBRARO PRÉSIDENT DÉLÉGUÉ DE LA CARPA

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10 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 Et ils ont raison de s’émouvoir ! Alors qu’un avocat américain n’a pas hésité à utiliser des décisions trouvées grâce à l’intelligence artificielle, sans vérifier si cette dernière ne les avait pas fabriquées de toute pièce, « CHATGPT» a pour sa part réussi l’examen du barreau de New York avec un score proche de celui des meilleurs candidats ! Ces débats sur l’avenir ne sont pas sans rappeler ceux qui divisèrent, dans une plus large proportion l’Europe tout entière à l’aube du vingtième siècle sur la résurgence de l’outil face à la machine et in fine de la place de l‘homme à l’ère du machinisme. "La différence décisive entre les outils et les machines trouve peut-être sa meilleure illustration dans la discussion apparemment sans fin sur le point de savoir si l'homme doit « s'adapter » à la machine ou la machine s'adapter à la « nature » de l'homme. » (Hannah Arendt dans la Condition de l'homme moderne, 1958, Éd. Calmann-Lévy, p. 165). Il est déconcertant de remarquer aujourd’hui avec quelle facilité, la réflexion d’Hannah Arrendt peut être transposée à celle de l’intelligence artificielle et notamment de « CHATGPT» qui occupe aujourd’hui le centre du débat. Lasse des réflexions théoriques, la Commission Jeune barreau vous propose une approche empirique, laquelle consistera à poser directement la question au principal concerné à savoir « CHATGPT » : Peux-tu remplacer un avocat ? Réponse de « CHATGPT» : « Je peux fournir des informations, des réponses à des questions et des conseils basés sur les informations dont je dispose jusqu'à ma date de coupure en sepMES JULIE GAUTIER ET MARTIN REY LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU Depuis maintenant de nombreuses années, les avocats s’interrogent sur le devenir de leur profession au regard des nouvelles technologies. Justice prédictive et intelligence artificielle font ainsi s’émouvoir de nombreux universitaires et avocats dont certains prédisent la disparition et d’autres le renforcement de notre profession. LA PROFESSION D’AVOCAT À L’ÉPREUVE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Fin ou pérennité d’un dévouement ?

11 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / JEUNE BARREAU tembre 2021. Cependant, je ne suis pas un substitut complet à un avocat. Si vous avez besoin de conseils juridiques spécifiques, en particulier dans des situations complexes ou litigieuses, il est fortement recommandé de consulter un avocat qualifié. Les avocats sont formés pour interpréter les lois, les règlements et les précédents juridiques, et ils peuvent vous fournir des conseils adaptés à votre situation particulière. » Je suis avocat et j’ai peur de perdre mon métier par ta faute Réponse de « CHATGPT» : « Je comprends vos préoccupations, mais il est important de clarifier que je suis conçu pour être un outil d'assistance et d'information pour diverses tâches, y compris dans le domaine juridique. Cependant, je ne remplace pas les compétences, l'expérience et le jugement d'un avocat qualifié. » Peux-tu aider les avocats à faire leur métier ? Réponse de « CHATGPT» : « Oui, je peux être utile aux avocats en fournissant des informations, en effectuant des recherches juridiques, en rédigeant des documents et en offrant des suggestions générales (…) » Après cette conversation très instructive qui nous as rassuré du fait de notre qualification, il nous a semblé inévitable de suivre les instructions de « CHATGPT» et de recourir à ses services pour nous aider dans l’exercice de notre profession. Quelles sont les dispositions de l'article 1240 du Code civil ? Réponse de « CHATGPT» : « L'article 1240 du Code civil français concerne la responsabilité civile en cas de dommages causés par le fait des choses. Voici le texte de l'article 1240 du Code civil : "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son sfait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Il est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde." (…) » A la lecture de cette réponse, doublement erronée, nous (Avocat qualifié) sommes tombés des nues. Comment un si « brillant outil » pouvait-il être à ce point si mauvais ? Comment pouvait-il alors qu’il est à jour de septembre 2021 ignorer notre sacerdoce, conjurer notre intime 1382 déjà travesti en 1240 et le confondre avec son voisin 1384 devenu 1242… Ecœurés par tant d’irrespect et éprouvés par cette expérience que nul bête à par nous aurait pu mener, nos conclusions ont été les suivantes. Consœurs, Confrères, croyez donc en « CHATGPT», l’heure de notre remplacement n’a pas sonné ! Méfiez-vous cependant des fausses décisions de justice qu’il peut inventer et de son aide qui ne sera jamais comparable à celle que pourra vous apporter un confrère ou à celle que vous vous apporterez vous-même par votre travail, votre rigueur et votre dévouement… [ - Ecœurés par tant d’irrespect et éprouvés par cette expérience que nul bête à par nous aurait pu mener, nos conclusions ont été les suivantes� Consœurs, Confrères, croyez donc en « CHATGPT », l’heure de notre remplacement n’a pas sonnée ! ]

12 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE Déjà qualifiée de « Pure folie ! »4 par le vice-bâtonnier Nioré, la plus remarquée de ces mesures censées nous protéger introduit une nouvelle technique d’enquête : l’activation à distance d’un appareil électronique� En clair, il s’agit d’autoriser le déclenchement à distance d’un appareil électronique pour sonoriser une pièce et, par exemple, de capter une conversation au moyen d’un smartphone. L’extension du domaine de la lutte Les techniques d’enquête que sont la géolocalisation et la captation de sons et d’images ne sont pas nouvelles5, elles sont rendues possibles par la mise en place, par les services d’enquête, de dispositifs techniques sur des véhicules ou dans des lieux publics ou privés, cela n’est visiblement plus suffisant ou intrusif. En effet, selon l’étude d’impact6 de ce nouveau projet de loi « ce mode opératoire a perdu de son efficacité face à des délinquants qui ont appris à s’en prémunir et peut présenter des risques sérieux pour les enquêteurs ». C’est là l’expression d’une tendance de fond qui voudrait que la souris soit par nature plus rapide et inventive que le chat et qu’en conséquence, il faille de temps à autre procéder à des "adaptations technologiques", afin d’éviter que les enquêteurs ne soient dépassés. L’argument, a fortiori lorsqu’il est invoqué de façon lapidaire et incantatoire7 sur trois paragraphes non argumentés et non illustrés d’exemples probants ne peut que peiner à convaincre. De mêmes suites, il est éloquent de remarDe bien mauvaises choses se préparent, se trament et se décident en octobre concomitamment au bouclage de cette édition de notre cher JDB. La réparation de notre justice continue au rythme effréné de la désormais habituelle réforme d’envergure annuelle, avec toujours l’ambition de rendre la justice « plus rapide, plus efficace, plus protectrice et plus proche de nos concitoyens ». Cette fois-ci, c’est à la justice pénale de se montrer « plus proche » et « plus protectrice », limite intrusive, à la faveur d’un article 31 d’un projet examiné en moins de 15 jours2, qui introduit de très substantielles innovations en matière pénale3. ME XAVIER PIZARRO « NE PARLEZ PAS TROP FORT ON NOUS ÉCOUTE »

13 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE quer que le principal sous argument qui tient au risque pour la vie des agents des services d’enquêteurs qui posent physiquement les dispositifs actuels, n’a pas trouvé un début de matérialisation en près de 20 ans de pratique. Autre argument, scandé cette fois-ci par le ministre8 dans la presse, le déclenchement à distance d'appareils connectés est déjà utilisé par les services de renseignement sans l'autorisation du juge qui sera désormais indispensable. Cela relèverait donc d’une logique de mise à jour de la protection des droits. Ce second argument est beaucoup plus inquiétant, surtout si l’on considère l’autorité de laquelle il émane. Idem pour la logique à l’œuvre qui confine à la légalisation forcée de pratiques discutables du seul fait de leur existence. Une rédaction permissive Outre la justification branlante, la légèreté légistique du texte inquiète, puisque sont concernés tous les appareils électroniques. Il ne semble faire aucun doutes des débats que les rédacteurs et rapporteurs du texte n’avaient en vue que les téléphones et ordinateurs portables mais cette intention peine à se traduire textuellement. Et faute d’amendements ou de réserves interprétatives qui viendront peut-être, en l’état, comme a pu le soutenir le député Ugo Bernalicis dans un coup communicationnel non dénué de malice, le texte ne pose pas de limite et nul ne peut prévoir ce que l’ingéniosité des enquêteurs rendra possible demain. Ce constat avait d’ailleurs conduit ce dernier à déposer un amendement qui n’a bien évidemment pas prospérer pour exclure les objets sexuels connectés9 du dispositif. Plus sérieusement, certaines associations comme La Quadrature du Net craignent, que tout objet connecté ne devienne un potentiel mouchard, et forcé de constater que vu la pénétration totale dans le quotidien des appareils électroniques connectés, il n’est en effet pas à exclure qu’à la faveur de l’imagination des enquêteurs, les objets du quotidien puissent se transformer en potentiels mouchards. A cet effet, la liste est interminable et des plus inquiétante : téléphones fixes connectés, les assistants vocaux, les montres, les babyphones, les trottinettes, les frigos connectés, les systèmes GPS, systèmes d’alarmes connectés… et même sex-toy connectés. Des garanties illusoires Signe de notre époque, toute atteinte à nos libertés s’accompagne désormais de la nécessaire et parfois incantatoire « conciliation équilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée ». Premier garde-fou invoqué, le désormais traditionnel critère tiré de la gravité de la sanction encourue. Or force est de constater, que dans un contexte d’inflation à la hausse du quantum des peines et de criminalisation à outrance en ouverture des procédures délictuelles, cette garantie n’en est malheureusement plus une. Deuxième garde- fou invoqué, le contrôle du juge en flagrance, en préliminaire ou en information judiciaire ainsi que la limitation de la durée de l’utilisation de cette méthode d’investigation.10 Relativement à celui-ci, on aimerait en voir figurer dans l’étude d’impact des données chiffrés permettant d’envisager depuis une perspective concrète le ratio demandes/autorisations en présence dans des demandes déjà soumises à autorisation d’un magistrat. Nul doute alors que nous aurions été surpris par l’infinitésimale quantité de décisions de refus. Le troisième garde-fou invoqué tient de la protection de ceux qui travaillent dans le secret. En l’état, la captation ne pourrait jamais être mise en œuvre dans le cabinet d’un avocat, son domicile ou son véhicule, et ce à peine de nullité. Premier problème de taille, ce contrôle n’intervient qu’à posteriori une fois que la captation a eu lieu. Ainsi, l’exploitation hors procédure de ce qui ne devait pas être enregistré reste possible par les enquêteurs. Ne manquera pas de se poser également la question d’une écoute illégale qui viendrait révéler la commission ou la participation à une infraction.11. Enfin, rien n’est explicitement prévu pour les collaborateurs de ceux qui travaillent dans le secret, et ce, à l’heure ou nos habitudes de travail ont changés et que les secrets professionnels sont devenus des secrets partagés.12 L’heure des incertitudes A l’heure ou le modeste auteur de ces quelques lignes manque de s’ébouillanter avec son café en parcourant le projet de loi, et que son estimé 1 Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 20232027 2 Dans le cadre d’une procédure d’examen accélérée 3 Extension de la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit, réforme du statut du témoin assisté, limitation de la détention provisoire, choix laissé au procureur d'ouvrir ou non une information judiciaire, placement sous bracelet électronique en cas de détention provisoire irrégulière etc. 4 Vincent Nioré, Actu-juridique.fr 23/05/2023 5 Encadrées respectivement par les articles 230-32 à 230-44 et 706-96 à 706-98 du code de procédure pénale. La captation a été introduite en Droit français à la faveur d’une loi de 2004 dite « adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ». Initialement réservée au cadre protecteur de l’information judiciaire elle a fini par être étendue à la faveur de trois réformes à l’ensemble de la procédure pénale 6 NOR : JUST2305124L/Bleue-1 p.131 à 142 7 Sans la moindre donnée chiffré ou la moindre référence à un avis technique ou expertal ou à une audition d’un professionnel 8 EDM repris par le Point, dont l’excellent Me Charles BENOIT ne s’était pas trompé en annonçant sa mort comme avocat lors de notre dernière rentrée solennelle https://www.lepoint.fr/politique/justice-l-assemblee-approuve-l-activation-descameras-et-micros-de-telephones-a-distance-05-07-2023-2527561_20.php#11 9 Aussi surprenant que cela puisse sembler, Il est précisé que de tels appareils existent réellement, vous pouvez par exemple acquérir pour quelques centaines d’euros un « Svakom Siime Eye » connecté au wifi et qui jouit d’une prodigieuse autonomie de 2h30 10 Dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, l’autorisation, en l’état actuel du projet, serait délivrée par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, pour une durée d’un mois renouvelable une fois. Dans le cadre d’une information judiciaire, cette autorisation serait délivrée par le juge d’instruction pour une durée de 4 mois renouvelable dans la limite de 2 ans. 11 Que la jurisprudence récente de la Cour de Cassation n’a eu de cesse de valider

14 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE 12 Quid par exemple du téléphone de nos assistantes et juristes de nos cabinet, d’un consultant universitaire ou de celui d’un assistant parlementaire avec lequel le titulaire du secret collabore étroitement ? 13 Notre excellent confrère Tom BONNIFAY 14 Composition de la commission mixte paritaire https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/cmp/programmation-justice-2023-2027/composition?- date=#tableau 15 Vote en première lecture à l’Assemblée Nationale 80 voix contre 24 (Les députés du camp présidentiel, de LR et du RN ont voté pour. Ceux de la Nupes ont voté contre) - Vote en première lecture au Sénat, 340 votants, 244 suffrages exprimés, 231 pour et 13 contre. Seuls les groupes Groupe communiste républicain citoyen et écologiste et Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires se sont abstenus ou ont votés contre - Vote en première lecture n° 2356 18 juillet 2023 sur l’ensemble du texte à L’AN Pour l'adoption : 388 Contre : 111Abstention : 45 Unanimité Renaissance et Rassemblement national + 90 % LR 16 Pt 15 de l’avis Cet avis a été délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 13 avril 2023 et par la commission permanente du Conseil d’Etat dans sa séance du mardi 2 mai 2023. 17 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 Considérant n°6 , le Conseil constitutionnel considère que le législateur pouvait prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes ou des délits sous réserve que ces mesures soient réservées aux infractions d’une gravité et d’une complexité particulières, dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire et que les restrictions qu’elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations injustifiées 18 En application de l’article 8 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont posé plusieurs exigences entourant le recours à des techniques spéciales d’enquête telles que la géolocalisation ou la sonorisation. À cette occasion la Cour a notamment rappelé que de telles ingérences doivent être « prévues par la loi », poursuivre « un but légitime » et être « nécessaires dans une société démocratique » pour atteindre ces buts 19 arrêt du 29 mars 2005 Matheron C/ France (relatif à des écoutes téléphoniques) partenaire de crime13, hautement perturbé par la violence symbolique de l’atteinte à venir, revient à la machine à écrire et inaugure un nouveau genre « Dark-dystopico-réalisto-New age », seul est certain le calendrier de l’examen du projet. A ce titre, la CMP va se réunir pour tenter de s'accorder sur une version finale dans le courant du mois d’octobre, soit bien après le rendu de cet article, dont la parution est prévue pour le 31 octobre. En cette occasion, la fin de l’avocat parlementaire, libéral ou journaliste ne manquera pas de poser un nouveau problème sur la capacité de la profession à peser dans le débat législatif du fait de sa faible représentation au sein des assemblées14. La volonté du gouvernement est là et il est peu probable, sauf évènement exceptionnel, que la représentation nationale amende significativement ce projet vis-à-vis duquel les désaccords entre les deux chambres sont assez limités. Surtout que les résultats des votes des assemblées en première lecture ne furent guères encourageants15. Du côté des institutions de contrôle, de manière assez surprenante, cette nouvelle mesure d’enquête ne retient pas de manière particulière l’attention du Conseil d’État pourtant saisi pour avis de l’entier projet de loi par le gouvernement16, qui a estimé que « le recours à cette technique est aujourd’hui une condition du maintien de l’efficacité des techniques spéciales d’enquête en présence de certaines formes, particulièrement redoutables, de criminalité et de délinquance en bande organisée. » Quant à la CNIL qui devra se prononcer quant au traitement de ces données l’occasion d’un décret d’application pris en la forme d’un décret en Conseil d’État, sa marge de manœuvre sera quasi inexistante. Du côté du contrôle de constitutionnalité a priori, il est malheureusement vraisemblable que les sages suivent la logique déjà retenue à l’occasion du contrôle de constitutionnalité à priori de l’examen de la loi qui avait introduit la captation de sons et d’images non activé à distance dans sa mouture actuellement en vigueur17. La situation n’est guère plus enviable même à l’envisager du point de vue de la conventionnalité des mesures à venir. En effet si les juges de la Cour européenne des droits de l’homme ont posé plusieurs exigences18 entourant le recours à des techniques spéciales d’enquête telles que la géolocalisation ou la sonorisation dans un arrêt « Matheron »19, elle a également rappelé la large marge de manœuvre des États en pareille matière et validé tout récemment des dispositifs analogues. En toute hypothèse, si rappel à l’ordre il doit y avoir, il ne pourra intervenir que dans quelques années. Des raisons d’espérer ? A ce stade, face à un processus auquel nous ne sommes pas partie, une chose reste fort heureusement hors d’atteinte d’un législateur mal intentionné à notre encontre : notre pratique. Si le chat est devenu tigre, il faut que les robes noires rétrécissent la largeur de la chatière et prennent l’habitude de fermer la porte à clé. A ce titre, il est urgent que les organes de la profession, les barreaux, nos commissions, nos groupes de formation se penchent sur l’élaboration de documents pratiques susceptibles de nous guider au quotidien, afin de sécuriser par une pratique collective prudente, harmonisée et réfléchie les secrets dont nous sommes les garants. A l’heure des incertitudes, une chose est certaine, notre commission y prendra toute sa part.

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16 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE Habitué à l'écriteau ripoliné l'invitant poliment à régler ses honoraires par chèque, espèces3 ou carte bancaire, il est surpris par cette nouvelle recommandation� Son regard se porte alors sur une drôle de boite, fièrement posée sur la banque d'accueil. Rectangulaire, toute en fibre de carbone, il est en train de contempler ce que l’agent d’accueil appelle une cage de faraday4. Il doit y déposer tous ses appareils électroniques le temps du rendez-vous : téléphone, ordinateur, montre connectée et, pour les plus audacieux lui dit l’agent, Svakom Siime Eye. Perplexe face à tant de prévenance, le client ne remarque pas tout de suite que la sonnerie d’un téléphone est en train de retentir. Ça n’est pourtant pas l’habituelle Marimba qui résonne entre les murs désespérément vides de ce drôle de cabinet, mais un son plus rugueux, craché par les entrailles d’un vieux téléphone rotatif en métal avec combiné en bakélite, siglé Cofratel. « Le seul qui échappe aux IMSI Catchers » lui dira plus tard son avocat avec un air convenu, comme si le client y comprenait quelque chose... Alors qu’il élabore une excuse pour quitter ce repère de joyeux doux dingues, l’avocat apparait enfin. Le rendez-vous peut débuter. La chaleur humide qui règne dans le bureau brouille immédiatement les sens du client. Il ne peut toutefois pas occulter le marcel blanc en nid d’abeille tâché de transpiration que porte l’avocat sur un élégant pantalon en lin olive et une audacieuse paire de Geox à scratchs aérées sur le dessus. Surpris par le style peu conventionnel de l’avocat, le client l’est tout autant par la décoration du bureau. Le mur qui lui fait face est entaillé d’une profonde cicatrice de deux mètres de long. A ses pieds, un immense amas de dossiers papiers à même le sol et de feuilles qui volent au gré des courants d’air. Ailleurs, aucun signe d’un téléphone ou d’un ordinateur. L’avocat, qui anticipe les interrogations de son invité, s’explique. Il a lu il y a quelques semaines que les climatiseurs modernes pouvaient être connectés à la domotique. Bien qu’il ne sache pas exactement ce que cela impliquait dans son cas, il a décidé d’agir immédiatement pour se protéger des surveillances policières ! Epaulé par deux stagiaires, il a démonté manuellement des climatiseurs et arraché les raccordements en passant directement par le mur. Quant aux ordinateurs, ils ont été dépecés et ses composantes ont été jetés à sept endroits différents de la ville. Face à l’anxiété perceptible de son client, en proie à une violente crise de sudation, l’avocat se veut rassurant. Dans son cabinet, rien de sérieux ne sera évoqué en présence d'un appareil électronique ! En essuyant ses pieds sur le paillasson, le client peut lire la nouvelle devise du cabinet : « No place to hide »1. Modestement anglophone, il ne devine pas encore qu'en poussant la porte, il va pénétrer dans l'univers dystopique de techno-vigilants à tendances paranoïaques qu'on ne trouve que dans les romans de John le Carré. Invité à s'asseoir en attendant son avocat, le client découvre, posée entre un MarieClaire corné de la dernière décennie et un numéro des Nouvelles Publications, une affichette rose bonbon2 : « Merci de déposer vos appareils électroniques dans la boite située à l'accueil du cabinet avant votre rendez-vous ». ME TOM BONIFAY UNE RÉVOLUTION POUR LA DÉCORATION INTÉRIEURE DE NOS CABINETS

17 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE Vous trouvez cette description un peu trop romanesque voire ubuesque ? C'est pourtant celle d'un cabinet d'avocat soucieux de faire respecter le principe de confidentialité en 2023. Une intrusion clé en main dans les échanges avocats-clients La nostalgie nous étreint quand on lit ce vieil et bel arrêt de la Cour de cassation qui obligeait les pouvoirs publics, au nom du principe de « libre défense », à « respecter les communications confidentielles des accusés avec les avocats qu’ils ont choisis ou qu’ils veulent choisir comme défenseurs »5. C'était deux ans avant que Félix Faure ne trépasse d'un excès de zèle sexuel dans son bureau de l'Elysée. Depuis, nos cabinets ne sont plus des sanctuaires. La Haute juridiction a autorisé les enquêteurs à retranscrire des propos échangés entre l'avocat et son client lorsque les propos tenus « révèlent des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale » ou, pire, lorsque l'avocat « n'assure pas la défense de la personne placée sous surveillance, qui n'est ni mise en examen ou témoin assisté ni même n'a été placée en garde à vue dans la procédure en cause ». Si la loi du 22 décembre 2021 a consacré le « secret professionnel de la défense et du conseil », force est de constater que ce principe n'est pas appliqué par la jurisprudence6. Cette crispation du secret professionnel est d'autant plus problématique que, depuis une dizaine d'années, en raison notamment de la nécessité affichée de lutter contre le terrorisme, le marché de l' « intrusion clé en main » et de la cybersurveillance est en pleine expansion7. On assiste à une tendance de plus en plus forte des États à démanteler les protections de la vie privée, des domiciles, de l’intimité et à la multiplication des dispositifs de surveillance de masse et d’intrusion. L’État étend aujourd’hui sa sphère d’intervention et assimile le droit au secret au droit à l'impunité. L'affaire Pegasus nous en a donné confirmation. Les services de renseignement ont déjà les moyens d'exfiltrer les e-mails, les textos, les données, les photos et les vidéos, de contrôler les micros et les appareils photo de l'appareil en les activant à distance, et ce, quand ils le désirent. Ces moyens sont utilisés pour traquer les trafiquants de drogue et les terroristes mais également les avocats et d'autres membres de la société civile8. Face à l'émergence de ces « maieutech », c'est-à-dire de technologies capables de révéler nos secrets les plus intimes, et de la volonté des États de s'en servir à l'encontre de nos clients, il ne fait aucun doute que la confidentialité des échanges avocats-clients est menacée. L'avocat comme double de soi-même Ces nombreuses attaques portées au secret professionnel et à la confidentialité nous invitent à une réflexion. Pourquoi existe-t-il un secret de la défense ? Comment justifier démocratiquement qu’une relation échappe au regard de la justice, de la police et de la loi, et qu’un secret soit opposable à l’autorité judiciaire ? Comment justifier des traitements inégaux en démocratie ? La plus poétique justification de ce secret nous est donnée par le philosophe Geoffroy de Lagasnerie. Il nous explique que le client a besoin de son avocat parce qu'il est pris dans un État de droit, c’est-à-dire qu'il se trouve embarqué dans une situation dans laquelle l’État nous impose un ordre juridique, des procédures, un vocabulaire, des techniques dont le client est dépossédé. En d’autres termes, se retrouver dans une procédure pénale c’est se retrouver dans une situation paradoxale et impossible, où les individus sont obligés, pour se défendre, d’utiliser des instruments spécifiques sans disposer des compétences pour s’en servir. Dès lors, nous dit-il, on pourrait considérer qu’engager un avocat c’est en quelque sorte engager un double de soi-même, un soi-même doté de compétences nécessaires pour se défendre. Et de ce point de vue, on pourrait avancer que lorsque je parle à un avocat, au fond, je ne parle pas à quelqu’un d’autre, et que ce n’est pas une communication. Je me parle à moi-même. Je parle à mon double juridique, à mon moi si j’étais compétent juridiquement. Le caractère secret de cette conversation serait donc seulement une conséquence du fait que ce n’est pas une conversation, une communication, c’est un monologue intérieur, un dialogue que je me fais à moimême, entre mon moi empirique et mon moi juridique. S'opposer aux intrusions de l'État et de ses services dans nos cabinets, c'est tout simplement faire respecter le droit de ne pas s'auto-incriminer. Alors, avant que nos rendez-vous ne se tiennent eux-mêmes dans des cages protégées des ondes extérieures, il est urgent que notre profession pèse sur le débat législatif. 1« Nul part où se cacher » ; Emprunt à l'avocat et journaliste américain Glenn Greenwald, connu pour sa couverture de l'affaire Snowden. 2 Phénomène Barbie oblige. 3 Dans la sacro-sainte limite des 1.000 euros bien évidemment. 4 Une cage de Faraday est une structure métallique étanche aux champs électriques ou électromagnétiques. Elle empêche ces derniers de sortir comme de rentrer, protégeant ainsi ce qui se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur de la cage : cf. https://www.geo.fr/environnement/quest-ce-quune-cage-de-faraday-193636 5 Arrêt du 9 septembre 1897. 6 Crim. 13 septembre 2022, n°21-87.452. 7 M.O. Boisset et J. Langlois-Berthelot, « Une analyse de l'Affaire Pegasus », CRSI, novembre 2021. 8 Laurent Richard et Sandrine Rigaud, « Pegasus est l'arme de cybersurveillance la plus puissante du marché : les extraits du livre-enquête sur le logiciel espion », Le Monde, 13 septembre 2023.

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