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19 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / DROIT DE L'IMMOBILIER 3 mois ne surprendra pas, tant il est prégnant dans le monde des MARD. Gardons à l’esprit sur un plan pratique, que l’avocat saisi à l’approche de l’expiration du délai d’action, devra tout de même avant de pouvoir agir, trouver le temps de saisir le conciliateur (et d’être informé du délai d’organisation de la première réunion de conciliation). Quoiqu’il en soit, ce texte est de retour et peut enfin être analysé in globo, quant à sa portée dans le droit de l’immobilier en général et de la construction en particulier. II. Le cas particulier du trouble anormal de voisinage. La philosophie générale de l’article 750-1 dans sa rédaction originelle issue du fameux décret de procédure du 11 décembre 2019, était donc de désencombrer les juridictions en imposant pour les plus petits litiges, cette tentative de MARD : En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du code de l'organisation judiciaire. Le seuil de 5000 euros n’est pas sans rappeler l’adage de nos aînés : De minimis non curat praetor, conseillant de réserver le recours à justice, aux litiges qui en vaudraient la peine (conception qui paraît en rupture avec le principe constitutionnel de l’accès au droit, on y revient). D’aucuns veulent plutôt y voir une expérimentation avant une possible généralisation de ce dispositif de préalable obligatoire ; les MARD ont pesé, on le sait, dans les états généraux de la justice (le rapport du 8 juillet 2022) ou encore, dans le discours de M. le Garde des Sceaux du 5 janvier dernier - discours annonciateur des dispositions de la césure du procès civil et de l’audience de règlement amiable, édictées par le décret 2023-686 du 29 juillet 2023. Pour rappel et si besoin, l’objectif annoncé par les pouvoirs publics est le suivant : "Mon objectif est qu’au terme du quinquennat, les délais de procédures en matière civile, soient en moyenne divisés par deux". Les MARD font donc nécessairement partie du dispositif qui permettra - ou pas - d’atteindre cet objectif ambitieux (le qualificatif ne paraît pas trop fort) de diviser par deux la durée du procès civil d’ici 2027. L’ intégration au sein de l’article 750-1 du CPC, du trouble anormal de voisinage, va incontestablement dans ce sens, par l’adjonction en fin d’article, d’un nouveau domaine d’application : "… la demande en justice est précédée (d’un MARD) … lorsqu’elle est relative… à un trouble anormal de voisinage ". On notera à la faveur de ce texte, l’entrée dans nos codes du vocable "trouble anormal de voisinage", qui est à l’origine une création prétorienne, traditionnellement invoquée au visa de l’article 544 du code civil (ou de l’article 1240 pour les plaideurs moins inspirés). Le trouble anormal de voisinage suppose en effet désormais, le recours préalable à un MARD, sans limitation de montant. C’était déjà l’innovation du décret 2022-245 du 25 février 2022 à l’origine de l’ajout du trouble anormal de voisinage dans le champ d’application de cet article ; cette disposition pourtant considérable, était un peu passée inaperçue, et pour cause, puisque le texte dans son entier avait été annulé moins de trois mois après… Or, cette obligation est assortie de la lourde sanction de l’irrecevabilité, et vaut pour toute demande en justice, même en référé. Ce moyen est peu objecté en défense pour l’heure (le juge peut cependant le soulever d’office) mais la résurrection de l’article 750-1 va sans aucun doute, aiguiser les appétits légitimes de nos confères. Et la force de cette disposition, réside dans l’absence de seuil : toute action fondée sur le trouble anormal de voisinage, quel qu’en soit le montant, relèvera du régime du préalable. C’est là, la double originalité du texte : - d’une part, contrairement aux actions des articles R211-2-3 et 8 du COJ (bornages et distances) qui sont en général des affaires à deux parties, le trouble anormal de voisinage met en scène les riverains du chantier et le chantier luimême, dans toute sa complexité et sa pluralité consubstantielle, - d’autre part, ces actions peuvent avoir pour origine la ruine d’un immeuble voisin du chantier, engageant le cas échéant, des sommes considérables. Nous en sommes là de ce droit en construction. On attribue en général à Balzac cette citation : "La plus mauvaise transaction est meilleure que le meilleur procès". Difficile de partager cette conception - au demeurant largement galvaudée. Gageons qu’elle témoigne de la rancœur d’un mauvais justiciable (car il faut bien de temps en temps, séparer l’homme du justiciable). Selon le professeur Graham Mayeda qui s’est intéressé à la conception balzacienne de la justice : "Dans l’œuvre de Balzac, lorsque le droit entre en scène, c’est en général la tragédie et non pas la justice, qui s’ensuit". Une bonne transaction vaut mieux qu’un mauvais procès : là, nous sommes tous d’accord ! Et c’est dans cette perspective d’une résolution des différends efficace et qualitative, que s’inscrit la démarche constante du barreau de Marseille, décidément en pointe dans le domaine des MARD, avec notamment le lancement d’AMMA et une commission MARD particulièrement active !

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