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suivante, il a déclaré : « Il m’a été reproché une humilité condescendante. Je réponds à ce grief qui me parait immérité… ». A l’issue de cette séance, nous avons plaisanté sur la nécessaire liberté d’expression entre avocats et magistrats. Jeune avocat, j’ai rencontré Me Bruel-Isnard, sans doute l’une des premières avocates avoir exercé à Marseille. Malgré ses cheveux blancs, elle m’a confié : « J’ai gardé une âme de jeune fille », et elle m’a invité à lire quelques poèmes naïfs et touchants. Plaidant une affaire de mœurs, elle exposait avec gêne et réserve : « Je vais parler de choses, Monsieur le président, qui sont bien peu à leur place dans la bouche d’une femme », provoquant l’hilarité de la salle. Dans une autre affaire, elle a intitulé sa plaidoirie : « Le délit impossible ». « Monsieur le président, Messieurs, voyez cet homme chétif, malingre, qui ne pourrait soulever plus de quelque kilo. Il lui est reproché d’avoir volé 300 capotes militaires. Chacune pèse au moins 5 kilos. Comment voulez-vous qu’il ait pu soustraire et emporter sur ses frêles épaules une charge de 1500 kilos ? » Le président lui a fait observer : « Maître ces capotes étaient anglaises ». Indignée, elle a aussitôt répliqué : « Lorsque l’honneur d’un homme est en jeu, peu importe la nationalité des capotes ». Le Président annonce alors : « Jugement. ». Elle s’emporte : « Une affaire aussi grave, vous ne pouvez pas la juger ex cathedra ! ». Le président répond : "Nous ne jugerons pas ex cathedra, mais ex sede" (excédés !)". Je vous propose une anecdocte d'un passé révolu : Maître Desrousseau et le parapluie paraphernal. Maître Desrousseau était bon avocat mais très naïf. Il était allé plaider avec certains confrères marseillais à Nîmes. En fin d’audience, leur train ne partant que trois heures plus tard, ils lui ont proposé de les accompagner chez « Madame Claude ». A cette époque, les maisons closes étaient ouvertes aux « élites ». Maître Desrousseau, très gêné, les a suivis. Il pleuvait à torrent et la tenancière lui avait prêté un parapluie. Devant son innocence, ses confrères ont imaginé de monter une blague avec le concours même d’un magistrat. Ils ont ainsi lancé une procédure fictive devant le « tribunal civil de Marseille » « à la requête de Mme Claude, tenancière de maison close, contre le Sieur Desrousseau » tendant à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts pour n’avoir pas restitué rapidement le parapluie qualifié de « paraphernal ». Un magistrat se prêtant au jeu, l’affaire a été évoquée devant le tribunal. Le magistrat a demandé à Maître Derousseau « Comment se fait-il, qu’étant avocat vous n’ayez pas détecté le caractère paraphernal de ce parapluie ? ». Notre confrère, très confus, a reconnu sa défaillance. Le juge, après en avoir délibéré a prononcé la sentence : « Maître Derousseau est condamné à [ Les avocats ne s’exprimeront utilement que devant les Cours d’assises� 50 | JDB MARSEILLE 3 / 2023

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