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16 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISSIONS / COMMISSION PENALE Habitué à l'écriteau ripoliné l'invitant poliment à régler ses honoraires par chèque, espèces3 ou carte bancaire, il est surpris par cette nouvelle recommandation� Son regard se porte alors sur une drôle de boite, fièrement posée sur la banque d'accueil. Rectangulaire, toute en fibre de carbone, il est en train de contempler ce que l’agent d’accueil appelle une cage de faraday4. Il doit y déposer tous ses appareils électroniques le temps du rendez-vous : téléphone, ordinateur, montre connectée et, pour les plus audacieux lui dit l’agent, Svakom Siime Eye. Perplexe face à tant de prévenance, le client ne remarque pas tout de suite que la sonnerie d’un téléphone est en train de retentir. Ça n’est pourtant pas l’habituelle Marimba qui résonne entre les murs désespérément vides de ce drôle de cabinet, mais un son plus rugueux, craché par les entrailles d’un vieux téléphone rotatif en métal avec combiné en bakélite, siglé Cofratel. « Le seul qui échappe aux IMSI Catchers » lui dira plus tard son avocat avec un air convenu, comme si le client y comprenait quelque chose... Alors qu’il élabore une excuse pour quitter ce repère de joyeux doux dingues, l’avocat apparait enfin. Le rendez-vous peut débuter. La chaleur humide qui règne dans le bureau brouille immédiatement les sens du client. Il ne peut toutefois pas occulter le marcel blanc en nid d’abeille tâché de transpiration que porte l’avocat sur un élégant pantalon en lin olive et une audacieuse paire de Geox à scratchs aérées sur le dessus. Surpris par le style peu conventionnel de l’avocat, le client l’est tout autant par la décoration du bureau. Le mur qui lui fait face est entaillé d’une profonde cicatrice de deux mètres de long. A ses pieds, un immense amas de dossiers papiers à même le sol et de feuilles qui volent au gré des courants d’air. Ailleurs, aucun signe d’un téléphone ou d’un ordinateur. L’avocat, qui anticipe les interrogations de son invité, s’explique. Il a lu il y a quelques semaines que les climatiseurs modernes pouvaient être connectés à la domotique. Bien qu’il ne sache pas exactement ce que cela impliquait dans son cas, il a décidé d’agir immédiatement pour se protéger des surveillances policières ! Epaulé par deux stagiaires, il a démonté manuellement des climatiseurs et arraché les raccordements en passant directement par le mur. Quant aux ordinateurs, ils ont été dépecés et ses composantes ont été jetés à sept endroits différents de la ville. Face à l’anxiété perceptible de son client, en proie à une violente crise de sudation, l’avocat se veut rassurant. Dans son cabinet, rien de sérieux ne sera évoqué en présence d'un appareil électronique ! En essuyant ses pieds sur le paillasson, le client peut lire la nouvelle devise du cabinet : « No place to hide »1. Modestement anglophone, il ne devine pas encore qu'en poussant la porte, il va pénétrer dans l'univers dystopique de techno-vigilants à tendances paranoïaques qu'on ne trouve que dans les romans de John le Carré. Invité à s'asseoir en attendant son avocat, le client découvre, posée entre un MarieClaire corné de la dernière décennie et un numéro des Nouvelles Publications, une affichette rose bonbon2 : « Merci de déposer vos appareils électroniques dans la boite située à l'accueil du cabinet avant votre rendez-vous ». ME TOM BONIFAY UNE RÉVOLUTION POUR LA DÉCORATION INTÉRIEURE DE NOS CABINETS

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