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Dans le film Retour vers le Futur 2 sorti en 1989, le héros de la Trilogie, Marty Mc Fly découvre dans une coupure de presse que son fils a été condamné à quinze ans de prison ferme après seulement deux heures d’audience� Pour ce contemporain des années 1980 propulsé dans une dystopie cauchemardesque des années 2010 où la brute épaisse qui martyrisait son père au lycée est devenu l’homme le plus puissant de la ville, l’incompréhension domine logiquement. C’est alors que son acolyte, le "Doc" Emett Brown lui explique, comme une évidence que « le système judiciaire est beaucoup plus performant depuis que l’on a supprimé les avocats »! Si cette réplique est rapidement devenue culte, elle cristallise parfaitement une des injonctions contradictoires du monde contemporain lorsque les préceptes d’efficacité et de rapidité sont appliqués à la sphère judiciaire : comment concilier la rapidité d’un procès avec une défense de qualité ? Cette interrogation est parfois tranchée dans le vif, de manière brutale en supprimant ces incorrigibles fauteurs de troubles aux intentions dilatoires que sont les avocats. Dans le film Minority Report (2002), Steven Spielberg se projette dans les années 2050 pour explorer un système policier – prétendument – infaillible qui rend obsolète toute procédure judiciaire telle qu’on la connait, du moins dans le champ pénal. Dans cet univers étouffant, interpellations et condamnations sont en effet réalisées à titre préventif, avant que les crimes ne soient commis grâce au système expérimental "Precrime" reposant sur les prédictions de trois "Précogs". Si ce film, sorti dans le contexte de "guerre préventive" chère à George W. Bush, a suscité lors de sa sortie de grands débats cinématographiques et politiques, le développement récent de la justice prédictive a confié à cette œuvre une seconde jeunesse, régulièrement citée comme l’horizon effrayant du système judiciaire. Dans un style radicalement différent, une autre œuvre du début du siècle nous met face à une justice sans avocat, au grand dam des justiciables, fussentils dotés de pouvoirs magiques. Dans Harry Potter et l’Ordre du Phenix (2007), les trois apprentis sorciers de l’école de magie Poudlard doivent en effet faire face à un tribunal particulièrement inique et intimident lorsque Harry est convoqué en chambre disciplinaire pour avoir réalisé des sortilèges en présence de non-sorciers. Dans cet épisode résolument sombre de la saga du jeune sorcier, le héros de JK Rowling doit se défendre seul face à une foule d’accusateurs patibulaires dont les toges et les couvre-chefs évoquent clairement les procès de l’Inquisition. Sans avocat et sans accès au dossier, tel un Joseph K à baguette magique, Harry doit son salut à l’intervention du mage Dumbeldore qui s’impose en "témoin de la défense" pour renverser l’accusation. A cette occasion, l’univers d’Harry Potter, habituellement coloré et dominé par des sentiments positifs, s’assombrit et se fait plus grave, comme pour matérialiser la dérive autoritaire du ministère de la magie et de l’école de Poudlard, reprises en main par l’intrigante Dolores Ombrage. Etrangement, dans ce monde où les robes noires sont les attributs des sorciers, aucune place n’est accordée aux avocats, alors même que le droit y est omniprésent. Dans un ouvrage collectif décalé et très pertinent paru en 2019 Le droit dans la Saga Harry Potter, on ne trouve en effet aucune entrée "avocat" dans l’index ou la table des matières, comme pour signifier que magie et plaidoirie ne font pas forcément bon ménage (ou pour suggérer qu’il s’agit du même souffle surnaturel).i CULTURE / POP AVOCAT 44 | JDB MARSEILLE 3 / 2023 UN MONDE SANS AVOCATS ME PIERRE LE BELLER Depuis le développement fulgurant de l’intelligence artificielle, la profession s’interroge sur son avenir dans un univers dominé par les algorithmes et la justice prédictive. Dans ce numéro, Pop avocat met en parallèle trois œuvres que tout oppose si ce n’est la mise hors-jeu des robes noires.

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