journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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être utiles à mon entretien. Que neni ! Ni couture, ni rien, mes
boutons tombent et finissent au mieux dans la poche, mes manches
s’effilochent et nous vieillissons ensemble, coutures qui lâchent
pour moi, rides qui apparaissent pour elle, je suis encore sa seconde
peau, son costume d’ombre et de lumière, sa vieille complice.
J’ai bien vécu et je pourrais même vous dire que je les ai entendues
et entendues encore les autres robes noires, vous savez, vous les
connaissez bien, celles qui déambulent dans les salles d’audience,
bavardent sans cesse, parfois pour ne rien dire, s’agitent au-dessous
de nous comme si elles voulaient atteindre l’estrade, lieu si convoité,
mais toujours refusé. Elles se demandent souvent ce que ma maîtresse
porte sous sa robe, mais là vous ne saurez rien, j’ai tout de même
prêté serment de ne trahir aucun secret, de le garder religieusement
et de fidèlement remplir mes fonctions...
Je peux seulement vous dire que si pour elle ce n’est pas l’année de la
robe, ce sera toujours l’année de la jupe et que celle qui me porte ne
s’associera jamais aux propos de Monsieur de LA FONTAINE lorsqu’il
écrivait que : “ D’un magistrat ignorant, c’est la robe qu’on salue”
Une fois son autorité acquise grâce à moi (n’oublions pas que dans
mon histoire je suis une robe faite pour les hommes) J’ai dû cacher
sa peur aux assises, camoufler ses tremblements de genoux, ses bat-
tements de cœur et éponger ses sudations... Mais après ce rôle quasi
médical, quel bonheur d’entendre : 15 ans, 20 ans et d’avoir par
mon seul costume pu aider cette jeune femme, blonde de surcroît,
à imposer la vérité et la justice.
Je lui ai donné le ton juste, car le noir est une couleur qui force le
respect, symbole de l’unité du corps et porteuse d’une histoire forte...
Bon, je vous l’accorde, ce n’est pas une petite robe GUCCI noire, je
n’ai rien de sexy, mais j’en impose !!!
De la même façon, fidèle à mon magistrat, j’ai protégé l’enfant
qu’elle portait, ma couleur noire comme un paravent contre l’igno-
rance, le mensonge et la bêtise humaine, masquant à la vue de ce
petit être, la laideur du monde. J’ai été sa cuirasse. Vous voyez tous
les souvenirs vécus avec elle en 23 ans de vie commune !
J’espérais que s’agissant d’une femme dont les talents ne devaient
être à l’origine que ceux d’une mère au foyer, ces derniers pourraient
journéE dE LA FEMME
L’HABIT fAIT LA fEMME
vendredi 6 mars 2015
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