journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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« On me dit que des Charlie se sont glissés dans la salle. Ça ne
me gêne pas, mais ce que j’ai à vous dire ne va pas leur plaire …
et pour cause. Vous savez, je pense qu’il ne faut pas être si …
tranché, et surtout si critique envers les derniers attentats, tout
de même bénéfiques; quoi que je préfère que l’on parle des der-
niers « évènements », évitons toute polémique ! Et je suis toujours
aussi étonnée de tant d’incompréhension, et de réaction me cou-
vrant d’invectives. Pourtant c’était assez clair, moi Al QAIDA, j’ai
mandaté, moi KOUACHI, j’ai exécuté. Et j’avais prévenu, on ne
peut pas dire que c’était une véritable surprise. Alors non, il ne
faut pas s’étonner. Mais pourquoi ? Allez-vous me demander. Je
vais vous le dire.
Voyez-vous, le système français, bien trop permissif, ne condamne
jamais . . . »
Tandis que Nathalie lui répond en haranguant
son public.
Nathalie fouque, c’est une malicieuse qui nous glace, en se
glissant dans la peau du fanatique pour mieux nous horrifier
et nous montrer la fragilité de la démocratie.
Et Sarah poursuit pour fustiger ceux qu’elle
nomme les terroristes de la pensée.
« . . . Armés de nos mots empreints de Liberté, commence alors notre
caricature, qu’il s’agisse d’une défense de proximité ou bien de rupture.
Hors de question de laisser gagner ces terroristes de la pensée, et
« Tant pis, Madame le Président, Monsieur l’Avocat général, si les
fresques que mes mots dessinent dans l’esprit des jurés vous choquent,
vous heurtent ou vous dérangent ». Terminée la nature morte, j’écla-
bousse à la Pollock. Pour redonner ses véritables traits au portrait qui
vient d’être gribouillé. Ne vous en déplaise.
Je pose ma voix qui au début légèrement tremble, parce que moi
aussi j’ai peur d’être fusillée. Et doucement le rythme augmente, les
mots déferlent et je prends tout, tous mes outils pour réaliser ma
toile : du bleu, du rouge, du jaune, du vert, de la Vie. Je raconte ce qui
s’est passé vraiment, et quels chemins ont été empruntés pour fina-
lement se retrouver les mains liées dans un box d’accusé . . . »
« . . . Et elle se vante, l’impertinente France, elle se vante de res-
pecter le parfait équilibre entre les garanties de presse et la limite
de ses abus. Résultat, au classement de ladite liberté, toujours
une bonne longueur d’avance sur le Tadjikistan et le Mali. Et
aujourd’hui, cette salle remplie de gens qui disent ce qu’ils pensent,
d’arrogants plaideurs, qui déclament librement, impunément…
Mais que fait la justice ? . . . »
julia Sépulcre, c’est un regard engagé et militant.
Est-ce un rêve ou la réalité ce . . .
« Mercredi 7 janvier 2015, alors que la mort vient de s’abattre
sur Charlie Hebdo et deux policiers, les vers d’Aragon se reflè-
tent dans la sanglante réalité. La sentence est tombée. Mais
ici on ne parle même plus de rêver. Aux yeux de la folie, de
l’ignorance et de la bêtise, c’est le rire qui est un criminel
méritant d’être condamné, c’est lui qu’on a exécuté. De maniè-
re froide, brutale et sans appel. Un bain de sang pour des
dessins, un journal décapité. Chez moi devant ma télé, je
regarde médusée les images qui défilent. Je n’en crois pas
mes yeux. Le rire est à la morgue et les crayons à la poubelle.
La France est choquée, touchée. Touchée, mais pas coulée.
Charlie est mort, vive Charlie ! . . . »
Et Nathalie lapiquepour la réveiller :
« Ces crayons me dérangent.
Ces dessins m’agacent.
Ces rires m’insupportent.
Ces moqueries, ces parodies, je les condamne. Cette liberté,
je la tais. Je serai ma propre justice. Mon tribunal est ma foi.
Je suis le procureur et je me proclame le juge divin. . . »