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journal du Barreau de Marseille

numéro 2 - 2015

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La façade est ici ornée d’un péristyle de six colonnes

ioniques surmonté du fronton triangulaire traditionnel.

Le péristyle est l’écrin d’une entrée monumentale donnant

sur une salle des pas perdus carrée de 16 mètres de côté,

surmontée d’une galerie tandis que les salles d’audience

sont directement desservies par ladite salle des pas perdus.

Sur la galerie, on trouve divers bureaux et services. On y

trouvait d’ailleurs la bibliothèque de l’ordre et le bureau

du bâtonnier jusqu’en 1997.

Le 4 novembre 1862, l’inauguration prend la forme d’une

audience solennelle de rentrée (l’année judiciaire dure

alors d’octobre à juillet). Celle-ci se tient précisément

dans la salle des pas perdus tendue de drap rouge, en

présence de la magistrature et du barreau, des autorités

civiles et militaires après que l’évêque de Marseille ait

dit une grand’messe le matin même dans une des salles

d’audience. Nous sommes 40 ans avant la loi de 1905.

La recension de cette inauguration telle que l’on peut

la trouver dans l’« Histoire des juridictions et des palais

de justice de Marseille » est délicieusement désuète,

nous parlant d’un temps bien éloigné de notre propre vie judiciaire.

Les discours du Procureur impérial et du Président du tribunal civil

sont ainsi bien loin de la volonté de nos audiences et de notre temps

de toujours faire court pour, paraît-il, privilégier l’efficacité…

au risque de manquer l’essentiel parfois. À l’inverse du

Tweet et du statut Facebook, l’époque est à l’emphase.

Parquet et Siège partagent manifestement avec le Barreau

le goût de l’éloquence et de la rhétorique.

Au-dessus de l’assemblée, trônent déjà dans les caissons

du plafond les quatre grands législateurs que nous pouvons

encore voir aujourd’hui : Solon, Justinien, Charlemagne

et Napoléon. Chacun est accosté de 4 figures plus petites

de juristes de leur temps. À l’extérieur, la statuaire est

choisie en accord avec la mission assignée au palais.

Au fronton de l’édifice, œuvre du sculpteur Eugène

GUILLAUME, la Justice trône ainsi entourée de la Force, la

Prudence, l’Innocence et… du Crime. Seul vice au milieu

des vertus, il vient rappeler ainsi l’éternel combat de celles-

ci contre celui-là. À moins que ce ne soit l’inverse ! Sur les

façades latérales, on trouve des allégories de l’artiste Pierre

TRAVAUX, en forme de statues représentant d’un côté la

Fermeté et la Tempérance (façade Breteuil) et de l’autre,

la Vigilance et la Sagesse (Façade Pollak). Les vertus sont

ainsi multiples sur les façades de l’édifice, gardiennes du

Palais. Pour Platon, les vertus cardinales sont au nombre

de quatre : la force, la prudence, la tempérance et bien sûr,

la justice. Le mot latin Cardo désigne le pivot, le gond

d’une porte. La vertu cardinale est ainsi celle qui ouvre à

la vie droite. Ce qui ferait volontiers dire à notre époque

relativiste que les vertus sont une histoire de vieux gonds.

Ne serait-ce pas passer à côté du sujet ? Sans vertu, quelle vie en

société est encore possible ?

On pourrait ainsi appeler le palais Monthyon le palais des vertus,

de la Vertu même, garante de l’ordre public dans la philosophie

judiciaire qui a présidé à sa construction. Ni grande ni petite, la

vertu du palais Monthyon est plurielle. Le nom même de la place

qui l’accueille prédestinait de fait le palais à ce surnom. En forme

de conclusion, il faut en effet à ce stade faire mémoire d’un autre

avocat, Jean Baptiste de MONTYON. Intendant de Provence à la fin

du 18e siècle, il donna son nom (avec un « h » d’écart) à la place

de Marseille qu’il finança pour partie sur ses propres deniers. Avant

d’être intendant de Provence, il fut avocat au châtelet (encore un

confrère) puis Maître des requêtes au Conseil d‘État. Académicien,

il est à l’origine d’un prix décerné chaque année depuis 1782 par

l’Académie Française. Bien loin du Vieux-Port et du Palais qui porte

son nom, MONTYON est évoqué chaque année sur les quais de

Seine pour un prix qui rappelle notre palais et sa statuaire : le prix

de la Vertu… Avec ce palais, on y revient toujours.

Aujourd’hui encore, le palais Monthyon nous rappelle ainsi par ses

pierres rénovées et ses statues à la nouvelle jeunesse une vérité que

tous les professionnels qui fréquentent ses salles d’audience ne

peuvent oublier : palais par accident, la justice est avant tout vertu.

DES CHAMBRES PLuS NoMBREuSES,

MAIS uNE juSTICE PLuS LoINTAINE

outre les chambres et services du Tribunal d’Instance et du Tribunal de Police qui y

étaient déjà installés avant la rénovation, le palais Monthyon accueille désormais

une partie du Tribunal de Grande Instance :

- la 9e chambre (jEX, procédures collectives, audiences des saisies),

- la 4e chambre (famille sauf tutelles mineurs),

- la CIvI,

- les bureaux du TAss (les audiences sont maintenues au Palais Autran).

un regret pour le barreau : l’éloignement des magistrats et des greffes se creuse

encore avec l’instauration d’un bureau d’accueil unique. L’avocat devra passer par

ce bureau pour avoir accès au juge ou au greffe. un ancien bâtonnier évoquait, en

marge de la réouverture du palais, l’époque, pas si lointaine, où une buvette était

installée au sein même du palais Monthyon. Le matin, avant l’audience, l’avocat

croisait en prenant son café le magistrat. Il pouvait même lui parler ! Autre temps,

autres mœurs ! un palais traduit toujours l’idée de justice de son temps ...

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