journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
38
E
n lisant l’organigramme, j’ai pris connaissance de la chrono-
logie des interventions ; Philosophie de la robe, la vie de la
robe en trois temps. Alors j’ai interrogé ma consœur, Carla,
qui m’a révélé une légende selon laquelle il y a trois robes d’avocat,
et on meurt dans la troisième ... Dubitative, je me suis transformée
en détective. Tous âges et barreaux confondus – aucun ne la connaît
– je n’ai pas pu en savoir plus... Alors je suis revenue vers ma robe,
ma compagne, mon amie, ma confidente, et j’ai entrepris de dialoguer
avec elle, et de vous faire part de ce dialogue.
À 21 ans, j’ai prêté serment à la cour d’appel d’Aix-en-Provence où
j’ai exercé pendant des années avant de m’inscrire au barreau de
Marseille. Nous étions deux femmes inscrites au barreau d’Aix-en-
Provence... Aujourd’hui, en France, plus de la moitié des avocats
sont des femmes. La société est en marche... Elle est en marche,
mais elle a eu du mal pour secouer des siècles de traditions cimentées.
Nous n’en sommes plus au stade des droits de la femme et de la
compétition entre les hommes et les femmes, mais de la parité et
de l’égalité. La femme a encore la charge de la preuve. L’homme,
lui, n’est pas dans l’obligation de titrer annuellement « la journée
internationale de l’homme », pour assumer et légiférer sur ses droits.
C’est pour cette raison que le barreau se penche aujourd’hui sur la
robe d’avocat, et sa symbolique... Chacun la vit comme s’il l’avait
toujours portée, parce que c’est un contrat de fidélité, et que notre
profession est un combat permanent, en particulier à l’audience
jusqu’à la théorie des risques, jusqu’à la violence de l’affrontement.
Autrement dit, il n’y aquedes avocats !!!
C’est un statut, une promesse, un acte de résistance à l’adversité.
Notre profession, chacun la vit selon sa vie personnelle. On ne naît
pas femme, on le devient, a écrit Simone de Beauvoir. On ne naît
pas avocat, on le devient; et l’angoisse et le doute nous accompagnent
tout au long de notre trajet. Nous portons la robe, hors audience,
en prorogeant notre Combat pour la Justice. C’est une lutte journalière
pour énucléer les clichés, les fausses évidences, renverser les tabous
et questionner les questions. C’est une passion.
Pourmapart, jedois tout amonpère
Ma jeunesse en Corse à l’époque de l’occupation, mon père résistant
arrêté, torturé, jugé par un tribunal militaire et déporté en Italie ;
j’avais 16 ans. Ces événements m’ont rendue précocement adulte
et responsable, en ses lieu et place. Je dois à mon père la combativité.
Je dois à ma mère la tendresse.
jepenseque j’ai été invitéepour vousdirecequemonvécu
professionnelm’aapporté
A 23 ans, j’ai hérité du dossier Marcel Ythier qui avait tué deux gen-
darmes et en a blessé un troisième. C’est l’époque où le Code pénal
titre dans un article « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ».
La stagiaire est désignée par un déshérité. Je plaide avec Maître
Raoul Bottai qui me dit gentiment « nous ne serons pas trop de
deux ». Je découvre la révolte, le droit et le devoir à la désobéissance.
Le droit et le devoir à faire abroger un texte.
Condamné à mort, de quel droit ? Quels que soient les faits. La peine
de mort est abolie en 1981. Il a fallu une chaîne d’union d’avocats
pour y arriver. Robert Badinter, le hiératique, l’administratif, le dia-
lecticien, avait eu un commentaire: « Parmi ces aubes ensanglantées
Intervention de Camille Giudicelli
Avocat au Barreau de Marseille
Extraits
journéE dE LA FEMME
L’HABIT fAIT LA fEMME
vendredi 6 mars 2015
EVENEMENTS DES DERNIERS MoIS