BARREAu PRATIQuE
journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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A
ujourd’hui, le pre-
mier réflexe d’une
partie de nos clients
est de se tourner vers le Net
pour trouver une réponse à
leurs questions, et si le besoin
s’en fait sentir, pour y recher-
cher un avocat, souvent et
nous ne pouvons que le déplorer, à un moindre coût. Ce secteur de
l’intermédiation juridique suscite d’ailleurs la convoitise de certains
grands groupes. En même temps, la prestation juridique en ligne
constitue une activité à part entière de l’avocat régie par l’article
6.6 du RIN.
Dès lors que la participation d’avocats à ces sites est réelle et que
les conseils juridiques sont fournis par des avocats justifiant d’une
inscription à un barreau français, les services d’intermédiation pro-
posés par ces sites sont-ils véritablement préjudiciables à notre pro-
fession ? Nombre de confrères n’ont pas les moyens de se doter
d’une infrastructure dédiée qui leur assure une visibilité sur cette
« place de marché » incontournable qu’est devenu Internet.
La participation à ces sites peut toutefois donner lieu à de véritables
entorses à nos règles professionnelles et déontologiques (interdiction
du partage d’honoraires, respect du secret professionnel, gestion
des conflits d’intérêts, etc.) au détriment des ‘’internautes-usagers
du droit’’, ce qui est facteur d’insécurité juridique. Notre profession
ne peut pas non plus concevoir de laisser un agent économique
tiers capter la prestation d’avocat ou instrumentaliser son image
avec le risque de voir généraliser l’intermédiation ou le courtage
comme mode privilégié de contact avec l’avocat.
Fort de ce constat, le Conseil National des Barreaux a décidé de
lancer une étude en vue de la création d’un site internet ayant pour
finalité de permettre la délivrance de consultations juridiques à dis-
tance par les avocats. Il a été également donné mandat à la Com-
mission de l’exercice du droit à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir
depuis de nombreuses années, d’élaborer une véritable charte.
Notionde sitede tiers et typologiedes sites visés
On entend par sites de tiers, les sites internet édités et gérés par
des personnes n’appartenant pas à la profession d’avocat, le plus
souvent des sociétés commerciales, et qui proposent au grand public
les services de confrères qui y sont inscrits ou référencés. Les articles
54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, réservent,
sous peine de sanctions pénales (aggravées par la loi du 17 mars
2014 relative à la consommation), l’activité de consultation juridique
et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui exercée à titre
habituel et rémunéré aux seuls professionnels du droit dont les
avocats (article 66 de la loi de 1971), ces derniers disposant également
d’un monopole restreint pour la représentation et l’assistance en
justice. (article 4 de la loi de 1971). La loi ne donnant aucune
définition de la consultation juridique, un flou subsiste exploité par
certains acteurs économiques qui proposent, sous couvert d’infor-
mation juridique qui elle est libre, de véritables services d’assistance
et de conseils juridiques délivrés par des non professionnels du droit
parallèlement à la mise en relation avec un avocat. Les confrères ne
doivent pas prêter leur concours à ces pratiques répréhensibles et
constitutives d’une concurrence déloyale.
Lanotionde sitede tiers est trèsdiverse
On distingue
les sites de référencement
d’avocats qui fonction-
nent comme des annuaires téléphoniques sur lesquels l’avocat va
afficher ses coordonnées, ses certificats de spécialisation ou ses
domaines de compétence. L’internaute contacte l’avocat de son
choix suivant des modalités prévues et une fois le contact établi,
l’avocat est supposé avoir une relation autonome avec son client.
La notion de référencement n’est pas toutefois sans ambigüité, dans
la mesure où elle suppose un choix préalable, un tri, voire une
recommandation entre plusieurs acteurs concurrents. Ce constat
renvoie au problème du référencement prioritaire qui, par certains
aspects, porte atteinte à l’égalité des avocats.
Les sites d’intermédiation et de courtage juridique
proposent
aux internautes de les mettre en rapport avec des confrères suscep-
tibles de répondre à leurs questions. Le principal écueil réside dans
un risque d’ingérence de l’éditeur du site dans la relation entre le
Philippe AMRAM
INTERNET, ouTIL INDISPENSABLE
àMANIERAVECPRéCAuTIoN
L’évolution des comportements des usagers du droit et l’importance prise par les
nouvelles technologies de l’information dans la pratique professionnelle
commandent de préciser ou de repréciser les conditions d’intervention des
avocats sur des sites qui, sous des modalités très diverses, prétendent servir
d’intermédiaire entre le client et l’avocat.