BARREAu PRATIQuE
journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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D
epuis la Loi du 17
juin 2008 qui a
modifié les délais
de prescription, il existait une
certaine incertitude sur ce
point. En effet, avant la loi, l’ac-
tion en recouvrement des
honoraires des avocats se pres-
crivait conformément au droit
commun, soit 30 ans, exception faite des honoraires
concernant une affaire commerciale. Dans ce cas, l’action
était soumise à la prescription décennale. La loi du 17
juin 2008 a fixé le délai de prescription de droit commun
à 5 ans (C. civ., art. 2224). Cependant, les dispositions
de l’article L.137-2 du code de la consommation prévoient
une prescription particulière de deux ans qui s’applique
aux consommateurs personnes physiques.
Il s’agissait en l’espèce d’un médecin qui avait confié la
défense de ses intérêts professionnels et personnels à
un cabinet d’avocat sur une période allant de 1999 à
2008. En juillet 2009, l’avocat lui avait soumis une facture
récapitulative d’un montant total de 99 186 € HT faisant
apparaître un montant acquitté par le client de
55 171,59 € HT versé pour les litiges concernant son
activité professionnelle, le solde réclamé pour les litiges
concernant des dossiers personnels.
Sur un premier arrêt de cassation, l’affaire avait été ren-
voyée devant la Cour d’appel de Versailles devant laquelle
le médecin avait soutenu qu’une partie de la demande
de l’avocat était prescrite en application des dispositions
de l’article L.137-2 du Code de la consommation qui
édictent une prescription de deux ans pour le recouvre-
ment des sommes dues à des professionnels par des
personnes physiques ayant eu recours à leurs services à
des fins n’entrant pas dans le cadre d’une activité com-
merciale, industrielle, artisanale ou libérale. Cette argu-
mentation ayant été retenue par le juge de l’honoraire
de la Cour d’appel de Versailles, l’avocat s’est pourvu en
cassation, faisant valoir que les dispositions du code de
la consommation n’étaient pas applicables aux honoraires
des avocats.
Contre toute attente, et alors qu’à plusieurs reprises les
juridictions du fond avaient auparavant considéré que
ces dispositions n’étaient pas applicables aux honoraires
des avocats, la Cour de cassation, dans son arrêt du 26
mars 2015, a repris l’argument soutenu par le médecin
devant la Cour d’appel de Versailles, précisant que ces
dispositions devaient lui être appliquées en sa qualité
de consommateur.
Force est de constater que dans cette décision la Cour
de cassation a pris le contrepied des décisions rendues
au fond et notamment de la jurisprudence de la Cour
d’appel d’Aix-en-Provence qui considérait que la relation
avocat/client était une relation hors commerce n’entrant
pas dans le champ d’application de la protection des
consommateurs. La Cour de cassation en a donc décidé
autrement, sans doute influencée par une récente déci-
sion de la Cour de justice européenne qui a jugé qu’une
directive européenne sur les clauses abusives s’appliquait
aux relations client/avocat, reconnaissant que la prestation
fournie par un avocat à un particulier relevait du droit
de la consommation (CJUE 15 janvier 2015, aff C-537/13).
Chantal Fortuné
Membre du Conseil de l’Ordre
Dans son arrêt du 26 mars 2015, la 2e chambre civile de la Cour de
cassation vient de préciser clairement quel était le régime de
prescription applicable à l’action en recouvrement des honoraires des
avocats. Arrêt n° 494 du 26 mars 2015 (14-11.599).
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