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LIBRES PRoPoS

journal du Barreau de Marseille

numéro 2 - 2015

19

J

aimais beaucoup

Christian Atias pour

son intelligence lumi-

neuse, ses qualités humaines, sa grande élévation intel-

lectuelle. Christian Atias était à l’évidence un Homme

hors du commun. Il irradiait et laissait la plus forte

impression auprès de tous ceux qui l’ont côtoyé, étudiants,

magistrats, avocats, collègues d’université. J’admirais

aussi, comme bien d’autres chez lui, le grand juriste et

le grand professeur. J’ai appris dans un premier temps

à le connaître par ses ouvrages, ses chroniques qu’il écri-

vait au DALLOZ, la qualité de ses consultations ou ses

interventions dans les colloques. Dans tous les cas il s’y

montrait d’un brio époustouflant, dominant la plupart

du temps de la tête et des épaules son auditoire, sans

hésiter d’ailleurs à développer un rare esprit critique y

compris quelquefois à l’égard de positions contestables

adoptées par la jurisprudence ou le législateur. J’appréciais

aussi sa réflexion sur le droit et spécialement sur la phi-

losophie du droit, développée avec une hauteur de vue

remarquable. Plusieurs de mes collaborateurs m’ont éga-

lement rappelé les raisons pour lesquelles ils avaient

tant apprécié son enseignement, au-delà d’une érudition

toujours limpide : le Maître les avait incités d’abord à

réfléchir avant d’emmagasiner des connaissances. Former

(les esprits) avant d’informer, savoir poser la bonne ques-

tion face à des problématiques juridiques, bref transmettre

un art de la réflexion, du raisonnement juridique, de la

rigueur, de l’argumentation, telle était la marque de

Christian Atias, Professeur de droit.

Oui, il y avait bien du Philosophe derrière le grand Juriste

et le Grand Professeur de droit qui enseignait à apprendre

le droit avec pertinence. Le Barreau ne cessa de lui mani-

fester sa gratitude et sa fierté d’avoir rejoint ses rangs

avec simplicité, modestie et gentillesse. Christian Atias

avait en effet la modestie des Grands, preuve supplé-

mentaire s’il en est besoin qu’il était unique et excep-

tionnel. Nous autres, Avocats, pouvions légitimement

nous enorgueillir de compter parmi nous un des meilleurs

spécialistes fran-

çais connu et

reconnu du Droit

des Biens et de la

Copropriété.

Christian Atias en

effet n’était pas

seulement un

grand Professeur,

figurant au pal-

marès des majors

d’agrégation et

des plus jeunes

agrégés de France, il était aussi un grand Avocat, ayant

réussi le tour de force très rare de fondre dans une même

passion, et au niveau le plus élevé, ses deux carrières

d’avocat et d’enseignant. J’ai eu plusieurs fois à l’affronter

dans des procès difficiles relatifs à des disciplines qui

pourtant ne relevaient pas de sa spécialité. Je fus toujours

impressionné par la rigueur, la clarté, la subtilité de son

raisonnement et la forme parfaite de ses interventions.

À son contact, et dans le prétoire, on se sentait « grandir »

en tentant de se mettre à son niveau.

Je garde enfin, comme beaucoup de mes confrères, le

souvenir de son exquise courtoisie, de sa parfaire confra-

ternité, et surtout de sa rare gentillesse. Il avait été jusqu’à

me communiquer spontanément son numéro de télé-

phone de ligne personnelle au bureau, pour m’apporter

en cas de besoin son aide à la solution de tel ou tel pro-

blème juridique. Ses réponses étaient toujours brillantes

et limpides. Je garde de lui précieusement une lettre de

la fin de l’été 2014 dans laquelle il évoquait quelques

moments heureux passés en famille pendant une courte

rémission de sa maladie qui, malheureusement devait

par la suite l’emporter : « Adieu vive clarté de nos étés

trop courts » (Baudelaire) .

Aussi, aujourd’hui tous ceux qui l’ont apprécié, admiré

et aimé tiennent pour entretenir le fil rouge du souvenir

avec ce petit édito qui ne peut être écrit sans émotion,

à lui faire un cortège d’honneur.

Jean-Louis BONNABEL

Christian Atias était un chef-d’œuvre d’humanité. Tout ce que l’on peut mettre sous ce mot

d’intelligence, d’élégance dans les rapports humains, de finesse et d’autorité naturelle il l’a

accompli avec la plus grande maîtrise au terme d’une vie si riche qu’il semble en avoir vécu

plusieurs. Il y a des Hommes que l’on aime, des Professeurs que l’on admire, des Confrères,

avocats, dont on aurait aimé davantage cultiver l’amitié au-delà des contacts

professionnels déjà en eux-mêmes si fructueux.

IL YA3MoIS, ENféVRIER2015,

MouRAITCHRISTIANATIAS