LIBRES PRoPoS
journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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J
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aimais beaucoup
Christian Atias pour
son intelligence lumi-
neuse, ses qualités humaines, sa grande élévation intel-
lectuelle. Christian Atias était à l’évidence un Homme
hors du commun. Il irradiait et laissait la plus forte
impression auprès de tous ceux qui l’ont côtoyé, étudiants,
magistrats, avocats, collègues d’université. J’admirais
aussi, comme bien d’autres chez lui, le grand juriste et
le grand professeur. J’ai appris dans un premier temps
à le connaître par ses ouvrages, ses chroniques qu’il écri-
vait au DALLOZ, la qualité de ses consultations ou ses
interventions dans les colloques. Dans tous les cas il s’y
montrait d’un brio époustouflant, dominant la plupart
du temps de la tête et des épaules son auditoire, sans
hésiter d’ailleurs à développer un rare esprit critique y
compris quelquefois à l’égard de positions contestables
adoptées par la jurisprudence ou le législateur. J’appréciais
aussi sa réflexion sur le droit et spécialement sur la phi-
losophie du droit, développée avec une hauteur de vue
remarquable. Plusieurs de mes collaborateurs m’ont éga-
lement rappelé les raisons pour lesquelles ils avaient
tant apprécié son enseignement, au-delà d’une érudition
toujours limpide : le Maître les avait incités d’abord à
réfléchir avant d’emmagasiner des connaissances. Former
(les esprits) avant d’informer, savoir poser la bonne ques-
tion face à des problématiques juridiques, bref transmettre
un art de la réflexion, du raisonnement juridique, de la
rigueur, de l’argumentation, telle était la marque de
Christian Atias, Professeur de droit.
Oui, il y avait bien du Philosophe derrière le grand Juriste
et le Grand Professeur de droit qui enseignait à apprendre
le droit avec pertinence. Le Barreau ne cessa de lui mani-
fester sa gratitude et sa fierté d’avoir rejoint ses rangs
avec simplicité, modestie et gentillesse. Christian Atias
avait en effet la modestie des Grands, preuve supplé-
mentaire s’il en est besoin qu’il était unique et excep-
tionnel. Nous autres, Avocats, pouvions légitimement
nous enorgueillir de compter parmi nous un des meilleurs
spécialistes fran-
çais connu et
reconnu du Droit
des Biens et de la
Copropriété.
Christian Atias en
effet n’était pas
seulement un
grand Professeur,
figurant au pal-
marès des majors
d’agrégation et
des plus jeunes
agrégés de France, il était aussi un grand Avocat, ayant
réussi le tour de force très rare de fondre dans une même
passion, et au niveau le plus élevé, ses deux carrières
d’avocat et d’enseignant. J’ai eu plusieurs fois à l’affronter
dans des procès difficiles relatifs à des disciplines qui
pourtant ne relevaient pas de sa spécialité. Je fus toujours
impressionné par la rigueur, la clarté, la subtilité de son
raisonnement et la forme parfaite de ses interventions.
À son contact, et dans le prétoire, on se sentait « grandir »
en tentant de se mettre à son niveau.
Je garde enfin, comme beaucoup de mes confrères, le
souvenir de son exquise courtoisie, de sa parfaire confra-
ternité, et surtout de sa rare gentillesse. Il avait été jusqu’à
me communiquer spontanément son numéro de télé-
phone de ligne personnelle au bureau, pour m’apporter
en cas de besoin son aide à la solution de tel ou tel pro-
blème juridique. Ses réponses étaient toujours brillantes
et limpides. Je garde de lui précieusement une lettre de
la fin de l’été 2014 dans laquelle il évoquait quelques
moments heureux passés en famille pendant une courte
rémission de sa maladie qui, malheureusement devait
par la suite l’emporter : « Adieu vive clarté de nos étés
trop courts » (Baudelaire) .
Aussi, aujourd’hui tous ceux qui l’ont apprécié, admiré
et aimé tiennent pour entretenir le fil rouge du souvenir
avec ce petit édito qui ne peut être écrit sans émotion,
à lui faire un cortège d’honneur.
Jean-Louis BONNABEL
Christian Atias était un chef-d’œuvre d’humanité. Tout ce que l’on peut mettre sous ce mot
d’intelligence, d’élégance dans les rapports humains, de finesse et d’autorité naturelle il l’a
accompli avec la plus grande maîtrise au terme d’une vie si riche qu’il semble en avoir vécu
plusieurs. Il y a des Hommes que l’on aime, des Professeurs que l’on admire, des Confrères,
avocats, dont on aurait aimé davantage cultiver l’amitié au-delà des contacts
professionnels déjà en eux-mêmes si fructueux.
IL YA3MoIS, ENféVRIER2015,
MouRAITCHRISTIANATIAS