DéoNToLoGIE
journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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A
lors que j’errais
comme une âme
en peine, enrobé
(ce qui n’illustre nullement ma
corpulence, mais indique que
je portais le costume de notre
profession), dans le nouveau
Palais Montyon, cherchant
désespérément une de ces
nouvelles salles d’audiences,
navigant entre marmotte et
bunker, je fis une rencontre
hors du commun. Un jeune
garçon aux longues boucles et
au teint pâle, vêtu d’une
simple écharpe blanche et de
vêtements verts, se tenait au milieu d’un couloir, seul,
et m’interpella. S’en suivit alors une discussion dont je
vous rapporte la teneur :
Le jeune homme :
Dis Monsieur, pourquoi cours-tu ?
Moi :
Parce que je suis Avocat jeune homme et que je
suis en retard à mon audience.
Le jeune homme :
ah bon ? Mais c’est quoi Avocat ?
Avocat ? Jeune homme, certains te diront que c’est un
métier, d’autres une profession, d’autres encore un état,
et d’autres enfin une vocation. Mais pour te résumer
cela, mon métier c’est « conseiller et défendre ».
Le jeune homme :
ah bon ? Mais pourquoi portes-tu un
tel vêtement noir ?
Ce n’est pas un vêtement ordinaire jeune homme ! C’est
ma ROBE ! Ma robe est le costume de ma profession. Elle
est ma force, elle est mon armure, elle est celle qui à la
barre me consacre Avocat et me fait l’égal de chacun de
mes confrères, quels qu’ils soient, d’où qu’ils soient.
Elle est même inscrite dans la Loi, puisque l’article 3 de la
Loi du 31 décembre 1971 dispose que « les Avocats sont
des auxiliaires de justice … ils revêtent, dans l’exercice de
leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession ».
Le jeune homme :
Ah bon ? Elle est belle, elle me plaît,
j’aimerais bien pouvoir en porter une et me promener
avec.
Surtout pas malotru ! La robe ne se porte que dans le
cadre de l’exercice de la profession, et ce dans les fonctions
judiciaires. Ainsi, je la revêts aux audiences, quelle que
soit la raison de ma présence (renvoi d’un dossier, dépôt,
plaidoirie), je la revêts encore lorsque j’interviens devant
un Juge, par exemple un Juge d’instruction, un JLD où
j’assiste un client, ou encore devant une commission
administrative ou disciplinaire pour laquelle j’assiste
ou représente un client…
Par contre, hors de ces fonctions judiciaires ou juridic-
tionnelles, je me contente de mes vêtements civils.
Et ainsi, à l’occasion de mon intervention dans un com-
missariat pour assister un client pendant le temps de
sa garde à vue, lorsque j’assiste à une expertise judi-
ciaire ; ma robe reste à mon cabinet.
Le jeune homme :
Ah bon ? Quel dommage j’aimerais
tant en porter une et me promener avec dans la rue…
Ah lala jeune homme c’est strictement interdit, et même
si je dois aller de ce bâtiment, que l’on appelle le Tribunal
d’Instance, à l’autre bâtiment, qu’il soit le Tribunal Cor-
rectionnel ou le Tribunal de Grande Instance, la bien-
séance veut que je retire ma robe, même si je n’ai que
quelques mètres à franchir dans la rue.
Et ce n’est qu’en d’exceptionnelles occasions que je suis
autorisé à revêtir ma robe hors d’une audience ou de
fonctions juridictionnelles.
Par exemple, à l’occasion d’une manifestation profes-
sionnelle il est admis que je puisse revêtir ma robe et
même à cette occasion y apposer des signes distinctifs
tels que des patches, des badges ou même un rabat
rouge ; ornements protestataires que je devrais retirer
ensuite de ma robe une fois cette manifestation pro-
fessionnelle achevée.
Le jeune homme :
Ah bon ? Tout ceci me semble bien
compliqué…
Certes, mais ces règles résultent d’usages séculaires
que je me dois de perpétuer, parce que je suis Avocat.
Sur ce, le jeune garçon, à l’évidence déçu de mes expli-
cations et de ne pouvoir revêtir une robe comme il
l’entendait, avant de tourner les talons et de disparaitre
dans les couloirs, se contenta de me demander de lui
dessiner un mouton …
Fabien DUPIELET
Membre du Conseil de l’Ordre
DESSINEMoI
uNERoBE
La robe ne se porte que dans le cadre
de l’exercice de la profession,
et ce dans les fonctions judiciaires.