journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2015
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client et l’avocat, voire d’atteinte au secret professionnel, notamment
si le courtier se propose d’assurer un suivi de la qualité du service
rendu ou d’intervenir dans le règlement des éventuels litiges avec
le professionnel. Pour assurer un service adapté à la demande, ces
sites réclament parfois au client des informations précises sur la
nature du litige, voire sur le montant des honoraires qu’ils accepte-
raient de verser au professionnel. Les avocats sont ainsi appelés à
répondre à des « demandes de devis » sous des modalités proches
d’un appel d’offres. Cette mise en relation apparaît trompeusement
gratuite pour l’internaute, le site se rémunérant sur les frais d’ins-
cription versés par l’avocat ou sur une participation prélevée sur le
montant des honoraires. Il arrive également que l’exploitant du site
perçoive directement du client le montant de la prestation qui est
ensuite reversé à l’avocat après le prélèvement d’une commission.
Si l’article 6.6.4.3 du RIN autorise l’avocat à donner mandat à l’en-
treprise télématique de percevoir pour son compte les honoraires
qui lui reviennent, cette pratique ne saurait donner lieu à un partage
d’honoraires prohibé ou à une rémunération par apport d’affaires
également interdite. La rémunération de l’exploitant du site ne doit
pas être en fonction du montant des honoraires perçus par l’avocat
au titre de la consultation juridique facturée au client.
Les sites de commercialisation de prestations juridiques
et judiciaires
au travers desquels l’éditeur du site apparaît à
l’égard du client-internaute, pour les conseils, voire les procédures
qu’il commercialise, comme le véritable prestataire de services juri-
diques, alors même qu’il n’est pas habilité à exercer le droit. Il capte
ainsi la clientèle pour la rediriger vers des « avocats partenaires »
chargés d’exécuter la prestation au bénéfice de l’exploitant du site
qui apparaît comme le véritable donneur d’ordre. Dans ce schéma,
l’avocat n’intervient qu’au second plan, en qualité de sous-traitant.
L’exploitant perçoit directement du client le montant des honoraires
dont une partie est rétrocédée à l’avocat, alors que le RIN n’autorise
à percevoir des honoraires que de son client ou d’un mandataire
de celui-ci (article 11-3). L’avocat perd en outre la maîtrise de la
relation avec le client final tout en assumant sur le plan professionnel
l’entière responsabilité des prestations délivrées.
Ces dérives concernent principalement la matière judiciaire, en
particulier le secteur du divorce ou de la défense pénale de l’auto-
mobiliste, étant observé que le commerce en ligne des activités
judiciaires est prohibé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l’économie numérique (article 16).
Le CNB, les Ordres des Avocats au Barreau de Marseille, d’Aix-en-
Provence et de Montpellier ont obtenu en référé la condamnation
du site « DIVORCE DISCOUNT » qui prétendait assurer la gestion
et le traitement d’une procédure de divorce par consentement
mutuel avec le concours d’avocats « partenaires » (ordonnance de
référé TGI Aix-en-Provence du 24 décembre 2013 confirmée par la
cour d’appel d’Aix-en-Provence).
S’agissant des sites d’assistance aux automobilistes, on se référera
aux décisions d’annulation de contrats d’intermédiation rendues
par le tribunal d’Instance de Courbevoie à raison de l’illicéité de
l’objet, décisions confirmées par la Cour d’appel de Paris.
BARREAu PRATIQuE
Laparticipationdes avocats àdes sitesde tiers
La participation des confrères aux sites de référencement ou de
courtage peut les amener à violer certaines règles et principes essen-
tiels de notre profession.
La communication adoptée par certains sites peut être constitutive
d’un démarchage juridique prohibé et il convient de se reporter à
l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et à l’article
10.6 du RIN, mais ces dispositions appréhendent la situation de
l’avocat qui ouvre son propre site internet et non celle où l’avocat
participe en qualité de prestataire à un site de référencement ou
de courtage édité par un tiers à la profession.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (article 13) a
toutefois exclu les avocats de l’infraction de démarchage juridique
et complète l’article 3 bis de la loi du 31 décembre 1971 par un
alinéa autorisant à recourir à la publicité et à la sollicitation per-
sonnalisée. Les modalités de ce nouveau dispositif ont été fixées
par un décret du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communi-
cation de l’avocat, la notion de sollicitation personnalisée a également
été introduite à l’article 10-3 du RIN.
En tout état de cause, il est interdit aux avocats d’utiliser les services
d’un tiers dans le but de contourner les interdictions et limitations
posées par le nouvel article 10 du RIN.
Une atteinte à la réglementation de l’exercice du droit n’est pas
non plus à exclure. Il convient de rappeler que l’article 54 de la loi
du 31 décembre 1971 modifiée vise également les consultations
juridiques fournies par personne interposée. Si un avocat agit de
concert avec les exploitants de ces sites, il peut volontairement ou
involontairement contribuer ainsi à favoriser un exercice illégal de
la profession par une société commerciale au risque de s’en rendre
complice sans préjudice des sanctions disciplinaires encourues.
Ce bref exposé démontre à quel point le développement d’internet
et des nouvelles technologies impactent sur notre profession qui a
l’obligation de s’adapter en ne reniant pas ses règles professionnelles
et déontologiques. Il en va aussi de la sécurité de l’usager du droit
qui doit avoir l’assurance de bénéficier de la meilleure des garanties
au travers du concours d’un professionnel du droit non seulement
compétent, mais aussi astreint à une déontologie exigeante.