Journal du Barreau de Marseille
numéro 4 - 2016
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tion personnalisée, ce qui était inimaginable il n'y a pas si long-
temps. Sur ce point-là, je suis par principe moins enjoué de voir
le virage qui a été pris par la profession. Si on procède par voie
de sondage, je pense que dans sa grande globalité, la profes-
sion est plutôt opposée à ce type de virage. Cependant, au-
jourd'hui on fait avec la légalité actuelle, et donc on s'adapte.
Quel est ton avis sur les conditions d'entrée au centre de forma-
tion à la profession d'avocat, et sur l'entrée dans la profession ?
Je ne suis pas hostile à un examen national, parce qu'on obser-
vait trop de disparités au niveau des conditions d'entrée dans la
profession en fonction de la localité géographique. A Aix-en-
Provence, par exemple, l'examen d'entrée avait comme réputa-
tion d'être difficilement accessible. On ne va donc pas porter
préjudice à nos étudiants en espérant un examen national. Dans
un souci d'égalité, il parait logique que l'examen soit désormais
national, même s'il sera toujours organisé, en tout cas pour l'ins-
tant, à l'échelon local. Il va donc falloir quand même que cet
examen national s'accompagne aussi au niveau des correcteurs
d'une exigence qui soit identique, sinon on va en réalité mainte-
nir une certaine iniquité.
Sur le rétablissement du stage, j'y suis parfaitement favorable.
Du temps où j'ai prêté serment, on nous imposait pendant
deux ans une sorte de tutelle, qui était confortable en réalité.
Il ne faut pas le voir comme une entrave à l'exercice de la pro-
fession, mais au contraire comme un accompagnement,
comme un soutien.
Quels sont les conseils que tu donnerais à un jeune confrère qui
vient de prêter serment ?
Etre audacieux, ambitieux et humble, ce qui ne va pas forcé-
ment de paire. Etre conscient qu'il faut apporter une plus-value.
Le service qu’apporte l’avocat à son client doit être un service
sur mesure, du manufacturé. Le jeune avocat, comme le vieil
avocat d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de différence à cet égard,
doit être parfaitement conscient de la qualité qu'il doit offrir.
Vous me parlez des jeunes avocats, donc forcément je fais le
lien avec les avocats qui interviennent au niveau de la défense
pénale d'urgence, au titre de la commission d'office etc.. J'ai
parfois constaté que l'avocat était là pour assurer une mission
qui lui était confiée, qu'il faisait de son mieux, mais qu'il n'était
pas dans une logique de fidélisation de sa clientèle, alors qu'on
ne peut pas toujours compter sur les permanences et sur les
commissions d'office. Pour que les personnes reviennent, il faut
qu'elles considèrent que leur avocat n'est pas interchangeable
ce qui signifie avoir un soin tout particulier pour la gestion de la
clientèle, être accessible également. Le jeune avocat doit être
accessible, ce qui suppose qu'il soit joignable et surtout capa-
ble d'expliquer. Il y a un véritable travail d'accessibilité et un tra-
vail de soin qu'il convient d'apporter à un dossier, de plus-value
qu'il faut apporter à un dossier.
On parlait de l'évolution de la profession tout à l'heure, on peut
faire le lien. Aujourd'hui, vous avez des outils qui sont extraordi-
naires et dont on ne disposait pas quand on a commencé. Au-
jourd'hui, en trois clics en se connectant sur une base de
données (Lexbase par exemple pour laquelle on dispose d'un
abonnement pour tout le barreau), vous avez toute la jurispru-
dence, la doctrine, les encyclopédies. Vous avez la possibilité de
prendre des conclusions très étoffées, très documentées et d'of-
frir un travail de qualité.
Toute la plus-value qu'on est susceptible d'apporter, au-delà de
l'argumentation et de l'expression orale parce que cela reste for-
midablement important et heureusement, il y a aussi un travail
en amont qui doit être fait avec beaucoup de rigueur. Si on est
capable d'être rigoureux, sérieux, éloquent, je ne vois pas qui
marchera sur nos plates-bandes.
Par rapport aux autres prestataires de services, les légal start up,
outre notre déontologie et nos compétence, notre valeur ajou-
tée n'est-elle finalement pas aussi de consacrer du temps et de
l'humain ?
Bien sûr, c'est de l'humain et je rebondis très volontiers là-dessus
parce que la façon dont tu as formulé ta question sur les legal
start up me fait penser « aux robots intelligents ». Et bien nous,
nous sommes des humains, et déjà à ce titre-là, on sera plus intel-
ligent que le robot. Par définition, la plus-value, elle est aussi là.
Un avocat, c'est quelqu'un qui va être là pour écouter, pour aller
à la pêche aux informations, qui va valablement questionner son
client pour arriver à extirper parfois d'un magma d'informations
ce qui va être nécessaire et indispensable à la bonne constitu-
tion du dossier et à la résolution du litige. Un questionnaire in-
formatique ne le remplacera jamais.
Quelles sont, d'après ton expérience privilégiée, les spécificités
liées au barreau de Marseille par rapport aux autres barreaux
français ?
D'abord, un marqueur positif : le nombre de confrères qui vien-
nent de l'extérieur pour ouvrir un bureau secondaire à Marseille
est considérable. Ce qui veut dire quand même que le barreau
de Marseille est considéré comme très attractif et pas simple-
ment au regard des conditions météorologiques offertes par la
région ! Le barreau de Marseille reste particulièrement convivial
et pas seulement au travers des festivités comme le Beaujolais
ou comme la rentrée solennelle dont on nous dit régulièrement
qu'elle est la plus belle de France. Ce qui fait la richesse du bar-
reau de Marseille et ce qui le rend si attractif est que malgré un
nombre considérable (2200 avocats), nous nous connaissons
presque tous.
Pourquoi ? Parce que d'abord d'un point de vue ordinal, on a la
volonté de connaître nos confrères. En ce qui me concerne, j'ai
reçu toutes les visites protocolaires pendant deux ans. A chaque
fois qu'un avocat est venu s'inscrire au barreau de Marseille, il
est venu me rencontrer ainsi que les membres du Conseil de
VOTRE BARREAU