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Journal du Barreau de Marseille

numéro 4 - 2016

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En quoi le droit de l'environne-

ment reste-t-il un sujet majeur

alors que le terrorisme fait la

une des journaux ?

Je ne suis pas sûre qu'on parle

de choses si différentes.

D'abord, la Déclaration des

droits de l'humanité n'est pas

une déclaration qui ne s'inté-

resse qu'à l'environnement. Elle

s'intéresse par exemple au pro-

grès technologique, à l'accès

aux ressources, à la santé envi-

ronnementale. Elle s'intéresse à

beaucoup d'autres choses que

l'environnement stricto sensu.

C'est le premier point.

Deuxièmement, parce que, en

réalité, les sujets sont au-

jourd'hui totalement intercon-

nectés. Vous me parlez de

terrorisme et vous avez raison.

C'est un sujet qui mobilise, à

juste titre, nos opinions pu-

bliques parce que nous avons

perdu 237 de nos concitoyens depuis le début de l'année du

fait du terrorisme et que dans le monde c'est quasiment une fois

par semaine que ça saute quelque part. Sauf que, quand vous

regardez les choses d'un peu plus près, vous vous rendez

compte qu'une des causes du terrorisme, mais pas la seule, se

trouve dans la dégradation de la situation environnementale

des gens. Tout simplement parce qu'ils ne peuvent plus vivre là

où ils étaient. Je vous donne un exemple, le lac Tchad. Le lac

Tchad faisait 25 000 km2. Au-

jourd'hui est-ce que vous savez

combien il fait de km2 ? 1 800

km2. C'est-à-dire que tous les

gens qui vivaient, que ce soit

de la pêche en bas ou de la

culture en haut, parce qu'il y a

des collines autour, n'ont plus

de quoi vivre. Quand vous

ajoutez à cela qu'ils n'ont pas

la même religion et que les uns

accusent les autres de rendre

leur vie impossible, vous avez une partie de l'explication des

problèmes du monde actuel. Une partie des problèmes que

nous avons sont liés à des problèmes de sécheresse, des pro-

blèmes d'impossibilité de s'alimenter, des orientations agricoles

absolument délirantes qui font que l'agriculture ouvrière est en

train de disparaitre totalement de toute une série de pays du

monde. Ça, c'est une réalité, j'allais dire ça n'a rien à voir avec

l'environnement, si ça a à voir avec l'environnement. Je crois

qu'il faut arrêter de voir les problèmes les uns après les autres.

Si on fait ça on est foutus, on ne résoudra jamais rien du tout. Il

faut au contraire essayer d'avoir une approche transversale pour

essayer de comprendre comment les sujets sont imbriqués les

uns dans les autres et comment on peut essayer progressive-

ment, en s'occupant de l'un, de s'occuper aussi des autres.

Quand j'ai commencé ma carrière, il y a très longtemps, le droit

de l'environnement était un droit territorial. C'étaient des pol-

lutions, des nuisances d'une entreprise, c'était la nature qui

était mal protégée, telle ou telle rivière, ou telle ou telle forêt,

ou tel ou tel sol. Aujourd'hui

vous avez des phénomènes

qui sont totalement globaux.

La question du climat est glo-

bale. La question de la dispa-

rition de la biodiversité est

globale. La question de la

pollution chimique est glo-

bale. Donc, on ne parle plus

du tout de la même chose. En

fait, on parle des conditions

de vie des gens, des condi-

tions de la vie économique, des conditions de la vie sociale,

des conditions de la vie tout court. Et c'est à ça que s'intéresse

la déclaration universelle. Elle ne s'intéresse pas uniquement à

l'environnement stricto sensu, parce qu'effectivement ça pour-

rait paraître accessoire. Sauf que quand on voit ce qui est en

train de se préparer sur le plan climatique, je vous assure que

ça ne va pas paraître accessoire aux gens très longtemps.

PROPOS RECUEILLIS

PAR JULIEN AYOUN

VOTRE BARREAU

Corinne Lepage entourée de Fabrice Giletta, bâtonnier, Geneviève Maillet, bâtonnier élu

Il faut au contraire essayer d'avoir

une approche transversale pour

essayer de comprendre comment

les sujets sont imbriqués

les uns dans les autres (...).