VOTRE BARREAU
Journal du Barreau de Marseille
numéro 3 - 2016
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Tu as été au cœur des nombreuses discussions de
la profession durant ces deux dernières années.
Pourrais-tu nous faire part de ton expérience
concrète comme président de la Conférence des
bâtonniers ?
Un mandat passionnant, exigeant, mais très enrichissant.
Ce mandat s’est inscrit dans une période de réforme et de
crise : la loi Macron, d’une part et la énième crise du fi-
nancement de l’aide juridictionnelle, d’autre part. Il a
fallu, dans ce contexte, se battre pour faire avancer nos
idées et convaincre nos gouvernants de la pertinence de
nos positionnements (maillage territorial, accès au droit
et à la justice . . .). J’ai fait le triste constat du décalage qui
existe entre le pouvoir et la réalité d’un exercice profes-
sionnel; j’ai aussi, comme beaucoup, regretté l’empresse-
ment brouillon d’un exécutif sommé par Bruxelles de
réformer la France.
Un débat a mobilisé pendant de longs mois la
profession : l’avocat salarié en entreprise, s’agit-il
vraiment d’une nouvelle forme d’exercice de la
profession dont la majorité ne veut pas ?
Ce débat occupe la profession, non pas depuis quelques
mois, mais depuis 20 ans. Il est souvent faussé par des in-
terlocuteurs qui ne parlent pas de la même chose. D’au-
cuns réclament la confidentialité des échanges, d’autres
un nouveau mode d’exercice de la profession d’avocat.
L’équilibre à trouver dans l’intérêt de nos clients et la pro-
fession est difficile; nous avons refusé l’avocat salarié en
entreprise, en proposant d’autres pistes permettant de ré-
pondre aux besoins des entreprises, tout en protégeant les
valeurs de la profession d’avocat. Il semble que ces pistes,
pourtant pragmatiques, ne fédèrent pas beaucoup.
N’existe-t-il pas de possibilité de manifester la volonté des
avocats de se rapprocher du monde de l’entreprise, sans
trahir l’âme de la profession, de trouver de nouveaux
modes d’exercice professionnel ?
Les avocats sont reconnus par les chefs d’entreprise
comme des acteurs de confiance et de sécurité juridique.
Cette expertise doit être affirmée au soutien du dévelop-
pement des entreprises. La profession doit se doter d’une
culture entreprise, être disponible et réactive. Elle doit sa-
voir aussi se vendre dans le cadre d’une offre de prix com-
pétitive et transparente.
Quels sont les défis sur la réforme de la forma-
tion qui sont lancés aux nouveaux confrères qui
rentrent dans la profession ? Est-elle en cours ?
Il s’agit d’organiser et de rationaliser l’accès à la profes-
sion. Il fallait le faire. Pour autant, il nous faudra rapide-
ment produire des efforts pour encore améliorer dans un
contexte de forte concurrence, la formation initiale de nos
futurs jeunes confrères.
La profession finance désormais seule la formation, ce qui
constitue une charge importante, mais se faisant, elle
construit son propre avenir. Il me semble qu’à l’instar de ce
qui existe dans d’autres filières scientifiques ou commer-
ciales, il nous faudra améliorer encore nos écoles, les profes-
sionnaliser, les internationaliser et favoriser d’une manière
générale des doubles cursus de formation pour nos élèves.
Comme président de la conférence des bâton-
niers, tu as dû gérer 163 barreaux, 163 bâton-
niers. Que te fait penser la diversité de la
profession d’avocat, la diversité des territoires ?
La profession exprime une très grande force par son nom-
bre de professionnels, lequel a cru de façon très impor-
tante ces dernières années. Elle dégage néanmoins une
forme de faiblesse dans son expression politique due à
À Marseille, on ne présente plus Marc Bollet : sportif accompli, ancien bâtonnier de l'Ordre des
avocats du barreau de Marseille, ancien président de l'École des Avocats du Sud Est et président de
la Friche de la Belle de Mai, il vient de terminer son mandat de président de la Conférence des
bâtonniers. Il était naturel que le Journal du Barreau le rencontre pour connaître son point de vue
sur les débats qui animent la profession depuis quelques années.
MARCBOLLET,
Ancien président de lA conférence des bâtonniers
«UNMANDATPASSIONNANT, EXIGEANT, MAISTRÈSENRICHISSANT»
Propos recueillis par Jérôme Gavaudan et Julien Ayoun
LA PAROLE À