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COMMISSION DU JEUNE BARREAU

Journal du Barreau de Marseille

numéro 3 - 2016

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Justine Catani : Quelles sont les modifications prévues par la

loi sur la réforme de la justice concernant la procédure de

divorce ?

Stéphanie Léandri Campana :

Dans le cadre du projet de loi pour

la justice du 21ème siècle, le gouvernement a présenté un amende-

ment prévoyant le divorce par consentement mutuel sans passage de-

vant le juge aux affaires familiales. Cette disposition est destinée à être

intégrée à l’article 17 TER de la loi, modifiant l’article 229 du Code

civil. Concrètement, les époux qui s’entendent sur la rupture du ma-

riage et ses effets pourront, assistés chacun par un avocat, constater

leur accord dans une convention qui sera ensuite enregistrée par un

notaire, ce qui permettra à ces derniers de s’en prévaloir sans avoir re-

cours à un juge. Les époux disposent d’un délai de 15 jours pour se ré-

tracter.

Cette simplification de la procédure de divorce par consen-

tement mutuel est elle souhaitable ?

Le Conseil national des barreaux, favorable à cette réforme, s’est réuni

en assemblée générale les 10 et 11 juin 2016 et a voté une motion afin

de solliciter que soit donnée force exécutoire aux actes d’avocat, et donc

s’affranchir du rôle du notaire. Le gouvernement a justifié cette procé-

dure par son souhait de désengorger les juridictions, réduire les délais

et maîtriser le coût. En l’absence du juge, des conventions déséquili-

brées peuvent être enregistrées (et ce,même si l’intervention de deux

avocats doit permettre cet équilibre), ce qui risque d’avoir pour effet

d’augmenter le nombre des procédures post-divorce. Le notaire n’est

pas formé pour apprécier l’intérêt de l’enfant ou déceler la réelle volonté

des époux qu’il n’entendra pas d’ailleurs séparément. Il n’est chargé que

d’enregistrer l’acte. La possibilité du refus du juge d’homologuer la

convention a une vertu préventive souvent utilisée par les avocats…

Par ailleurs, les divorces par consentement mutuel représentent 54 %

des divorces prononcés en France et ils sont en général audiencés dans

un délai de 4 mois. Quant au coût, il est prévu que les droits d’enregis-

trement seront fixés à la somme de 50 € alors que le recours au juge

est gratuit. Quid des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ? Le divorce

est un acte important de la vie civile et reste un acte juridictionnel. Le

juge doit rester le garant du contrôle de la validité d’une procédure

même si elle est consensuelle.

Qu’est-il prévu dans l’hypothèse où le couple

aurait un enfant ?

Dans l’hypothèse où un enfant mineur souhaiterait être entendu, les

époux ne pourront pas recourir à cette procédure, et le divorce sera

prononcé par un juge. Certains confrères spécialistes de la matière ont

cependant fait part de leurs inquiétudes à ce sujet. Qui est garant de

l’intérêt de l’enfant ? Qui va informer l’enfant de son droit à être en-

tendu ? Et s’il le souhaite vers qui se dirigera-t-il pour être entendu ? En

effet, l’intérêt de l’enfant peut être différent de celui de ses parents. Or,

seul le juge est garant de l’intérêt de l’enfant.

Où en est ce projet de loi ?

Les députés ont adopté le 19 mai 2016 l’amendement présenté par le

gouvernement. Ce projet doit venir au Sénat en deuxième lecture pro-

chainement, mais aucune date de mise en application n’a encore été

évoquée.

PROJET DE LOI SUR LARÉFORME

DE LA JUSTICE ET LA PROCÉDURE DE DIVORCE

Le projet de réforme judiciaire, intitulé "La justice du 21e

siècle" a pour objectif de rendre la justice plus efficace et

plus accessible. Le texte prévoit ainsi de recentrer

l'intervention du juge sur sa mission essentielle : l'acte de

juger, de trancher les litiges. C’est dans cet objectif que le

projet de loi prévoit de supprimer l’intervention du juge

dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel. Me Stéphanie Léandri Campana, membre

de la commission droit de la famille, nous explique quelles sont lesmodifications essentielles engendrées par

cette réforme, et quels sont les impacts sur la procédure actuelle.

Propos de Stéphanie Léandri Campana recueillis par Justine Catani

Pour la Commission du Jeune Barreau