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35 | JDB MARSEILLE 4 / 2022 LES MARD Le questionnement était donc de rigueur et imposait l’exercice du commentaire de décision. L’arrêt précité porte-t-il atteinte au principe du préalable amiable obligatoire, ou seulement aux modalités concrètes du texte critiqué ? Selon toute vraisemblance, c’est la deuxième option qui s’impose. Les motifs de la demande d’annulation étaient en effet très larges : - le principe même du préalable tel que conçu, était en cause, les requérants soutenant qu’il était porté atteinte à l’égalité des plaideurs, en favorisant les plus fortunés, pour qui il était plus facile d’organiser un MARD, souvent payant. Or, selon le CE (point 29) et compte tenu notamment de la possibilité de saisir un conciliateur, ce moyen n’était pas fondé. - de même, le recours au pouvoir réglementaire en l’espèce (art 34 et 37 de la constitution) est validé dans le prolongement de l’article 3 de la loi du 23/3/19. - restait le problème de l’exception décrite au 3 : la partie est dispensée de préalable amiable obligatoire en cas "d’indisponibilité de conciliateur de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige". C’est cette dernière disposition qui entraîne la nullité du texte. La loi du 29/3/19 (article 3) autorisait le pouvoir réglementaire à déroger au principe du préalable amiable obligatoire en cas d’indisponibilité de conciliateurs de justice "dans un délai raisonnable". Cette disposition pouvait paraître imprécise, ce qui n’est évidemment ni souhaitable, ni même possible au regard du principe constitutionnel d’accès au droit (article 16 de la déclaration des droits) et devait être décrite avec plus de précision - donc, de sécurité juridique - par le décret à suivre. Or, tel ne fut pas le cas. En effet, ce délai raisonnable est (je devrais dire était, du fait de l’annulation prolongée) défini par l’article 750-1 3, par référence à un délai qui ne serait pas manifestement excessif. Mais qu’est-ce qu’un délai manifestement excessif ? En savions-nous plus après cette précision, qu’avant ? Ce d’autant, que le décret ajoutait une condition d’appréciation tenant à la nature et à l’enjeu du litige pas mieux définis par le texte. En résumé, ce troisième alinéa de l’article 750-1 du CPC, loin de clarifier la situation, ouvrait la porte à un grand arbitraire d’une juridiction à l’autre, au contraire de l’impératif d’harmonisation voulu par la loi. Ainsi, au point 38 de la décision, est-il justement jugé "… elles (ces dispositions) n’ont pas défini de manière suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels cette indisponibilité pourra être regardée comme établie". Il en résulte et c’est à mon sens la réponse à la question posée supra, que l’annulation de l’article 750-1 du CPC, ne procède pas d’une remise en cause du principe du préalable amiable obligatoire, mais d’une critique de l’imprécision des modalités de la dérogation à ce principe. Soit, une question de forme plus que de fond, un réglage technique, plus qu’un problème philosophique ou culturel dans ce domaine où les mentalités sont en constante évolution. Gardons cependant à l’esprit, que la forme n’est souvent que le fond qui remonte à la surface, la plus grande vigilance s’impose en conséquence et nous serons particulièrement attentifs au texte de substitution qui sera proposé. La mission du pouvoir réglementaire consiste désormais à savoir définir ce qu’est un délai raisonnable de mise en œuvre d’une conciliation judiciaire, dans le respect de la lettre et de l’esprit de l’article 3 précité, de la loi du 23/3/19. Pas plus, pas moins, la tâche n’est pas herculéenne. On peut donc raisonnablement y croire et - à ce stade - n’en vouloir à personne, à l’image de Voltaire : "Aime la vérité mais pardonne l’erreur".

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