JDB_N4_2022_WEB

LA PAROLE AUX SYNDICATS / SAF 17 | JDB MARSEILLE 4 / 2022 Acteurs judiciaires incontournables du contentieux des conditions de détention, avocats et associations s’en sont saisis. Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France, non seulement pour traitements inhumains et dégradants du fait des conditions de détention indignes dans plusieurs établissements (art. 3 de la convention) mais également à raison de l'absence de voie de recours effective offerte pour faire cesser ces conditions (art. 13). En conséquence, la Chambre criminelle de la Cour de cassation jugeait que lorsqu'une atteinte au principe de dignité était constatée, et qu'il n'y avait pas été pas remédié, la juridiction saisie se devait d’ordonner la mise en liberté. (Crim. 8 juill. 2020, n° 20-81.739) Pareillement, le Conseil constitutionnel censurait l'alinéa 2 de l'article 144-1 du Code de procédure pénale, faute d'ouvrir une possibilité de recours permettant qu'il soit mis fin à la détention provisoire au (seul) motif de ses conditions d'exécution contraires à la dignité humaine. (CC, 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, JO 3 oct). Les Sages ajoutaient, dans une décision QPC du 16 avril 2021, « qu’il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu’aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes condamnées soit, en toutes circonstances, mise enœuvre dans le respect de la dignité de la personne » et qu'il « incombe dès lors au législateur de garantir la possibilité de saisir le juge des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin ». (CC, 16 avr. 2021, n° 2021-898 QPC). Le législateur réagissait par une loi du 8 avril 2021, instaurant un mécanisme ouvert aux personnes détenues permettant de saisir le juge des libertés et de la détention ou le juge de l’application des peines d’une demande tendant à faire cesser les conditions de détention indignes (art. 803-8 Code de procédure pénale). Ce dispositif judiciaire, complexe et nouveau ne rencontrait pas le succès attendu, questionnant la pertinence du volet administratif et de ses mécaniques immuables. En effet, la mise en perspective contentieuse des conditions indignes de détention, par la voie administrative, offre nombre d’outils de saisine pour les justiciables parmi lesquels le référé-liberté (art. 521-2 CJA) et le référé-expertise (art. R 532-1 CJA). L’inaction du garde des Sceaux et de l’administration pénitentiaire, malgré les nombreuses recommandations de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), a eu pour conséquence l’engagement de procédures administratives contentieuses, dont ont fait les frais le Centre Pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan et le Centre Pénitentiaire des Baumettes. Le premier établissement, visé par un rapport du CGLPL sans appel de juin 2022, a fait l’objet d’une saisine de l’Observatoire international des prisons - section Française (OIP-SF), l’association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) et le syndicat des avocats de France (SAF) qui ont dénoncé, par le référé-liberté, une surpopulation alarmante et des atteintes graves et manifestement illégales portées aux droits des personnes y étant détenues. L’établissement phocéen, quant à lui, était visé par 7 femmes détenues qui, accompagnées du SAF et de l’OIP-SF, ont dénoncé un dispositif de fenêtres anti-acoustiques inamovibles, installées à l’été 2019 et ses conséquences préjudiciables en termes de circulation et de renouvellement de l’air. La juridiction administrative, dans chacun des contentieux, s’est montrée attentive et a enjoint le garde des Sceaux à prendre 9 mesures urgentes visant à mettre fin auxdites conditions indignes de détention, s’agissant du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan (TA Bordeaux, 11 octobre 2022) et a fait droit à la demande de désignation d’un expert, s’agissant du centre pénitentiaire des Baumettes (TA Marseille, 17 novembre 2022). Ainsi, si le garde des Sceaux a annoncé un budget record pour l’administration pénitentiaire pour l’année 2023, il est manifeste que le contentieux administratif à l’encontre des conditions indignes de détention n’en est qu’à ses débuts. CONDITIONS INDIGNES DE DÉTENTION : ÉTATDESLIEUX Au 1er octobre 2022, le nombre de détenus dans les prisons françaises atteignait 72.350 personnes, près de la moitié d’entre elles étant assignée à un lieu d’incarcération supportant un taux de surpopulation de près de 150 %. + SAF MARSEILLE 2 PLACE DE LA CORDERIE 13007 MARSEILLE TÉL : 04.91.33.34.01 FAX : 04.91.54.09.98 SAFORG@ORANGE.FR

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