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41 | JDB MARSEILLE 1 / 2023 VOTRE BARREAU Peux-tu nous parler des relations avec les magistrats et de leur évolution ? Tout d’abord je voudrais dire que tout comme chez les avocats, il y a de bons et de mauvais magistrats ; le problème c’est qu’il est plus facile de changer d’avocat que de magistrat… Hormis de très rares exceptions j’ai, tout au long de ma vie professionnelle, eu de l’estime et du respect pour les magistrats mais j’attendais beaucoup d’eux car je considérais que juger leur conférait un pouvoir quasi divin, et ce quelle que soit la matière, et peut être plus encore en matière civile qu’en matière pénale. J’attendais d’eux qu’ils soient compétents et à l’écoute et qu’ils me respectent, non pas en tant qu’être humain, mais en tant qu’avocat ; qu’ils respectent ma robe, ma mission et par la même qu’ils respectent mes clients. Je voudrais souligner la puissance de la robe. Une fois revêtus de notre robe, les différences entre avocats n’existent plus, qu’il s’agisse de sexe, d’origine sociale ou d’âge. Une fois revêtus de notre robe tous, magistrats, confrères et justiciables, doivent respecter notre mission. C’est un grand privilège. Pour répondre plus précisément à ta question il me semble que nos rapports avec les magistrats se sont dégradés car nous sommes évincés des Palais, ce qui nous empêche de communiquer avec eux comme nous pouvions le faire par le passé. Tout est fait pour nous exclure et il nous faut absolument revendiquer notre place et je pense ici en particulier à l’importance primordiale, tant en matière pénale qu’en matière civile, de l’oralité des débats. Si bien sûr, il nous appartient de ne pas encombrer l’audience et de ne pas plaider « l’affaire Dreyfus » tous les jours pour un dossier ne s’y prêtant pas, notre parole demeure essentielle tant pour contextualiser le dossier que pour nourrir la réflexion du juge. Ne nous laissons donc pas museler. Nous avons aussi une responsabilité dans les relations avec les magistrats. Il est impératif de respecter des règles simples, mais indispensables : se présenter avant l’audience, arriver à l’heure ou prévenir d’un retard, ne pas solliciter de renvoi à la dernière minute etc… Ces règles ne sont en rien obsolètes. Elles permettent au contraire des relations plus fluides et apaisées avec les magistrats pour concourir à l’œuvre de justice. A cet égard, il est important de ne pas générer d’incidents inutiles. Le principe est bien sûr d’éviter l’incident, mais s’il advient, et si nous avons eu raison de le provoquer il faut se montrer courageux et le soutenir jusqu’à son terme. Mais si nous avons tort nous devons être capable de le reconnaître. Je tiens ici à préciser que les magistrats ne nous tiennent pas rigueur des incidents justifiés et surtout, et c’est tout à leur honneur, qu’ils pénalisent très rarement les prévenus et les accusés dont les avocats ont provoqué un incident injustifié. En conclusion, je dirais qu’il nous faut vivre en bonne intelligence avec les magistrats tout en nous respectant mutuellement et ce dans l’intérêt même du justiciable. Que t’as apportée cette profession ? TOUT et surtout un sens à ma vie, je me suis sentie utile et enfin à ma place. Cette profession m’a permis de vivre financièrement mais également de nouer des amitiés indéfectibles avec des confrères de toutes générations. Et s’il est terrible de vieillir, il est cependant très rassurant, de pouvoir partager sa vie avec des amis dont on sait que rien, hormis la mort, ne pourra nous séparer. Et avant de nous quitter, quel message ? J’ai toujours eu le sentiment d’appartenir à une famille, à une famille qui m’a tout apporté, mes joies comme mes peines. C’est pour cela que, même à la retraite, je reste impliquée dans la vie du barreau, notamment en travaillant au sein de la Commission des honoraires qui nous confronte aux difficultés de nos confrères, aux malentendus qui les opposent à leurs clients, et aussi à l’évolution de la profession par l’importance des textes à appliquer et la connaissance de la jurisprudence. Au fond, je crois que cette profession passionnante et parfois exaltante nous constitue et nous anime jusqu’à notre dernier souffle. C’est pourquoi au fil du temps je m’évertue à la défendre et à transmettre aux jeunes générations l’envie d’avoir envie d’exercer la profession d’avocat. Aussi, je dirais aux jeunes gens qui souhaitent exercer notre profession : « Rejoignez-nous, vous trouverez nécessairement votre place si la passion vous anime !» et à mes confrères encore en activité « Merci à vous de continuer le combat ! ». [ Une fois revêtus de notre robe, les différences entre avocats n’existent plus, qu’il s’agisse de sexe, d’origine sociale ou d’âge. C’est un grand privilège.]

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