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19 | JDB MARSEILLE 1 / 2023 LA PAROLE AUX COMMISIONS / DROIT IMMOBILIER ME PAUL SEMIDEI Ce feuilleton juridique non clos, tenait en deux questions, parfaitement synthétisées dans ces mêmes colonnes par notre confrère Pierre-Alexandre Vital, dans un article quasi-prédictif : - quel délai appliquer aux recours entre constructeurs, le même délai de 10 ans applicable aux relations maître de l’ouvrage / locateur d’ouvrage ou le nouveau délai quinquennal de droit commun de l’article 2224 du code civil ? - quel point de départ adopter en cas d’application de l’article 2224 du code civil, le fameux point de départ glissant (d’aucuns diraient, dérapant) : l’assignation en référé expertise ou la demande de reconnaissance d’un droit (généralement mais pas systématiquement, après dépôt du rapport d’expertise judiciaire) ? Le 16 janvier 2020, la troisième chambre de la Cour de cassation pensait avoir trouvé la solution, en consacrant l’application de la prescription de droit commun (article 2224 du Code civil) et comme point de départ, l’assignation en référé expertise. Il s’en est suivi dans nos cabinets un mouvement que l’on pourrait pratiquement qualifier de panique, et subséquemment, une inflation des actions judiciaires préventives entre constructeurs (la 3ème chambre de notre tribunal, en sait quelque chose…). Pour des raisons évoquées infra, cette solution sera désavouée rapidement, par l’arrêt présentement commenté du 14 décembre dernier. Soit, un revirement en un temps inhabituel. Et c’est ce délai inhabituel qui interpelle. On considère parfois que le Quai de l’horloge pourrait être rebaptisé Quai du calendrier, et là, moins de trois ans ont suffi pour remettre en cause la solution de 2020… Est-ce en raison d’une mauvaise appréhension de la règle de droit par l’arrêt de 2020 ? Est-ce la conséquence de la réaction des plaideurs qui auraient su convaincre la Cour suprême ? Où s’agit-il d’une manifestation plus prosaïque, de réalisme judiciaire ? Je crains que la réponse ne soit la troisième option, une approche comptable, teintée de réalisme, plus que la recherche d’une vérité juridique absolue. Mais regardons les choses de plus près pour nous forger ensemble, une opinion circonstanciée. I. Les enjeux. Précisons ici que l’évolution est de taille, car comme souvent, le point de départ d’un délai a plus d’importance que le délai lui-même. Dans le droit de la construction, il faut rappeler qu’une expertise judiciaire (nous y recourons souvent, c’est un fait) n’a pas de durée imposée, au gré de l’évolution de l’objet du litige, des mises en cause successives, des délais d’observations rendus nécessaires par les rigueurs du constat contradictoire, etc. La mesure d’instruction en droit de la construction, peut avoir une durée - légitime - exprimée en années. Au dépôt du rapport, un temps important s’est déjà écoulé et dans les procédures issues du fameux article 1792 du Code civil, le maître de l’ouvrage envisage ses actions au fond, dans le délai de la mère des forclusions : le délai décennal. Mais entre constructeurs, c’est loPRESCRIPTION ET CONSTRUCTION CHRONIQUE D’UN REVIREMENT ANNONCÉ 3e chambre civile, 14 décembre 2022, pourvoi n°21-21.305 2008 - 2022… La réforme des prescriptions civiles remonte à la Loi du 17 juin 2008, il aura fallu ces 15 années pour clarifier le sujet majeur des délais d’action pour la réparation des dommages décrits à l’article 1792 du Code civil, la fameuse responsabilité décennale des constructeurs issue de la loi Spinetta du 4 janvier 1978 et les recours subséquents entre constructeurs.

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