JDB_N2_2022_WEB

46 | JDB MARSEILLE 2 / 2021 HISTOIRE ET MÉMOIRE DU BARREAU de la chance. Je prête serment le 14 octobre 1974 et le 5 février 1975, on arrête tous les membres de la French connexion. Et le patron de la French Connection me désigne quand il est interpellé. AMarseille, tout le monde pensait qu’il avait désigné un avocat parisien. Personne ne me connaissait. Il ne me payait pas mais aux Baumettes, c’était ma tête de gondole. J’ai gagné quelques années dans la progression d’avocat pénaliste. Et puis lui s’est défendu tout seul … puisqu’il s’est évadé. Je pense que dès le début, il savait que s’il ne prenait pas d’initiative personnelle, il allait prendre 20 ans. Il faut certes un peu de chance dans ce métier, mais la constante ce n’est pas la chance, c’est le travail. Quelles sont pour toi les évolutions les plus marquantes dans notre exercice ? Nous avions un statut social plus valorisant, des rapports aux magistrats plus constants, effectifs et plus de confiance. Il y avait une réalité : la foi du palais. Elle a duré, parce que moi bâtonnier, je l’ai vécue. Mon bureau était au premier étage du vieux palais. Puis, on a transféré les bureaux du bâtonnier du palais de justice à la rue Grignan. Moi je n’étais pas d’accord. Je comprends que le monde judiciaire ait eu besoin d’espace. Je comprends que la situation était un peu incongrue puisqu’on ne payait pas de loyer. Mais les avocats au palais de justice ne sont pas en transit temporaire : Ils sont chez eux. Parce que la justice, sans avocat, ce n’est pas la justice ! Moi bâtonnier, j’avais une ligne directe avec le procureur de la République et le président du tribunal. La ligne directe ça ne s’utilise qu’en cas d’urgence. C’était le signe d’une grande confiance. Avocats et magistrats, nous appartenons aumêmemonde. Pour que cette affirmation retrouve sa légitimité, il faut que les avocats soient irréprochables, compétents, travailleurs. Il faut que les magistrats soient irréprochables, compétents, travailleurs. On est dans un parallélisme très exigeant où chacun doit admettre que l’autre a sa part de vérité. Ça s’appelle le respect, c’est la pierre de touche d’une construction collective. En matière de discipline, le bâtonnier avait plus de pouvoirs qu’aujourd’hui. Il déclenchait les poursuites, instruisait, présidait le conseil de discipline et mettait la sanction à exécution. C’était beaucoup … J’ai certainement poursuivi plus de confrères en trois mois que mes quatre prédécesseurs en huit ans. Je décide que je vais poursuivre les gens dont la défaillance déontologique est de moindre importance mais à des fins pédagogiques : je convoquais les confrères défaillants à 18h, mais ils n’étaient pas jugés avant 20h. La sanction ne leur était connue que le lendemain. La plupart du temps l’avocat était renvoyé à l’admonestation paternelle du bâtonnier. Il avait donc passé une mauvaise journée et une mauvaise nuit sans autre conséquence. Il y avait là un côté pédagogique. Pour vous cela peut paraître évident : aujourd’hui il y a un système de contrôle des comptes, mais à l’époque ce n’était pas le cas. C’est le président Antoine Versini, Maître Yves Armenak et moimême qui l’avons mis en place pour éviter les opérations de blanchiment. A l’époque ça paraissait invraisemblable. C’est également moi qui ai imposé le paiement des cotisations car avant mon bâtonnat les avocats n’en payaient pas, ce qui m’a probablement valu des difficultés pour être réélu au Conseil de l’Ordre. Ainsi le barreau de Marseille régularisait une situation financièrement discutable. Pourquoi devenir bâtonnier ? J’arrive au barreau et je ne connais personne. Donc le premier facteur d’intégration c’est l’équipe de football. Si je reste le plus mauvais joueur que le barreau ait connu, j’ai sans doute été le meilleur arbitre … J’arbitrais les matchs entre avocats et magistrats ; quand je sifflais un coup franc, je savais toujours en faveur de qui il était. Cette équipe permettait de s’intégrer avec des personnes de tous les âges. Il y avait des confrères parmi les meilleurs avocats de Marseille. Il y avait des gens aux activités professionnelles très diverses qui se retrouvaient là tous les samedis. J’y ai trouvé une famille. Deuxième facteur d’intégration : le Conseil de l’Ordre. J’ai rapidement été élu au Conseil de l’Ordre, j’ai fait deux man- [ Avocats et Magistrats, nous appartenons au même monde. Pour que cette affirmation retrouve sa légitimité, il faut que les avocats soient irréprochables, compétents, travailleurs. Il faut que les magistrats soient irréprochables, compétents, travailleurs.]

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=