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37 | JDB MARSEILLE 3 / 2022 Or lui n’est pas bourgeois, et il n’a pas les codes. Descendant des prolétariats français et italien, Au cours de sa scolarité, Il prend conscience de cette fine ligne blanche qui sépare Même les enfants dans les cours de récréation, Cette ligne blanche tracée entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. Cette ligne blanche, elle sépare également les étudiants à l’université : Ceux qui bachotent tranquillement leur droit, entretenus par la charité parentale, Et les autres. Lui est un autre. Serveur, fossoyeur, pion, maçon, déchargeur de sacs de sable. Cependant, à la fin de ses études, En devenant avocat, Il refuse de franchir cette ligne blanche, de passer de l’autre côté, Et décide de rester du côté de ceux qui n’ont rien, Par haine tenace des petits bourgeois, Arbitres des élégances, Qui l’avaient traité comme un gueux. Et c’est grâce à ce refus, Qu’il était écrit là-haut que le 11 décembre 1984, Serait une date historique : Celle de la revanche des cabossés, des amochés, de ceux qui ont morflé, Des sans-dents, des écorchés, des orphelins, De ceux qui n’ont jamais voix au chapitre. Jeune avocat, donc avec ses costumes mal coupés, Ses cheveux bouclés en bataille, Sa vilaine moustache, Et sa mine renfrognée italo-ch’ti, Il cherche une collaboration chez un avocat pénaliste. Il frappe de porte en porte, dans toute la France, Il vient même chez nous à Marseille, Mais personne ne lui ouvre. Il est donc seul, à Lille, Pas de connaissances, pas d’argent, pas d’affaires. Mais, dans le ventre, ses entrailles hurlent la faim de reconnaissance, Comme un vieux chien,

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