JDB_N1_2022_WEB02_COMPLET

44 | JDB MARSEILLE 1 / 2022 MÉMORIAL DRIVE NATASHA TRETHEXEY - ÉDITIONS DE L’OLIVIER « Quand j’ai quitté Atlanta en jurant de ne jamais y revenir, j’ai emporté ce que j’avais cultivé durant toutes ces années : l’évitement muet de mon passé, le silence et l’amnésie choisie, enfouis comme une racine au plus profond de moi. » Pourtant un jour Natasha Trethewey y revient pour se plonger dans le passé tragique de son enfance qui l’en avait éloignée et en écrire ce récit autobiographique construit comme un roman. Tout commence dans les années 50 dans le Mississipi, état ségrégationniste du sud des États Unis, par un mariage interdit entre un homme blanc d’origine canadienne, son père et une femme noire, sa mère, Gwendoline. Leur fille métisse, Natasha, apprend à vivre sous les regards réprobateurs et racistes. Puis, Gwendoline quitte son mari trop souvent absent, pensant s’affranchir, trouver enfin la liberté, partageant de superbes moments de complicité avec sa fille. Mais elle rencontre Joel, vétéran du Vietnam qu’elle épouse en secondes noces. Rapidement il se révèle manipulateur, irascible et violent. Natasha se souvient des bruits sourds de ses coups le soir assénés sur sa mère la plongeant dans l’angoisse absolue, de cette crainte permanente qu’elle éprouve à ses côtés. Sa mère devient l’ombre d’ellemême maltraitée quotidiennement tant physiquement que psychologiquement par un homme lui-même en proie à ses démons. Elle parvient cependant à s’en défaire et à le quitter mais son destin tragique la rattrape. Natasha Trethewey, autrice américaine reconnue, Poet Laureate à deux reprises, puis récompensée par le prestigieux prix Pulitzer, a voulu par ce récit intime rendre à sa mère sa dignité et extirper du plus profond d’elle-même les traumatismes de son enfance. Un récit magnifique sur les ravages des violences conjugales. ME VALÉRIE GERSON-SAVARESE LACARTE POSTALE ANNE BEREST - ÉDITIONS GRASSET « Ephraïm Emma Noémie Jacques » tel est le texte de la carte postale que reçoit Lélia, la mère d’Anne Berest, un jour d’hiver de janvier 2003. Or, il s’agit des prénoms de ses grands-parents maternels, son oncle et sa tante, les Rabinovtch, juifs originaires de Russie, exterminés par les nazis dans les camps. Cette carte postale est le point de départ de la recherche des origines de l’autrice qui enquête 20 ans plus tard, pour en démasquer l’auteur et l’expéditeur. Lélia, la mère d’Anne, est la fille de Myriam, la fille aînée des Rabinovitch, unique rescapée des rafles de 1942.Anne Berest nous propose un roman bouleversant sur ses ancêtres juifs d’Europe centrale, juifs errants réfugiés en France dans les années 30 où ils pensaient vivre en paix, exode qui les conduira aux camps de la mort. Ce roman historique nourri des recherches effectuées par sa mère pour connaître l’histoire de ses ancêtres, est un récit magnifique sur la Shoah et la mise en œuvre de la solution finale, sur la France sous l’occupation, sur l’identité juive dans l’espace laïque en France, sur la transmission de cette identité. Il met en scène une relation mèrefille unies dans l’enquête sur leur passé reconstituant leurs origines trop longtemps tues par leur mère et grand-mère qui voulait oublier les blessures de la perte des siens dont la France de l’après-guerre ne souhaitait pas entendre reparler. Ce livre « ouvre la porte des souvenirs ». Finaliste du prix goncourt 2021, un grand roman qui touche à la fois à l’intime et à l’universel de l’humanité. ME VALÉRIE GERSON-SAVARESE ME VALÉRIE GERSON-SAVARESE CULTURE / LA PLUME & LA ROBE

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=