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Journal du Barreau de Marseille 34 numéro 3 - 2018 RÉFORMES EN TOUS GENRE L a raison d'être du parquet natio- nal financier (PNF) et son champ de compétence le disposaient tout naturellement à s'emparer de la CJIP. Dans les mois qui ont suivi l'adoption la loi, le PNF a conclu deux CJIP, l'une avec la banque HSBC, l'autre avec la banque Société Générale. Alors que la première est intervenue à l’is- sue d’une information judiciaire pour des faits qualifiés de blanchiment de fraude fiscale, la seconde a été conclue pendant l’enquête préli- minaire pour des faits de corruption transnatio- nale et à l’issue d’un processus de collaboration avec les autorités judiciaires américaines. Ces deux premières expériences ont permis de mesurer combien la collaboration et la né- gociation dans lesquelles les parties évaluent leurs chances de succès ou d’échec de leur action étaient une dimension essentielle de ce nouvel outil alors même que l’article 41-1-2 du CPP est silencieux sur ce point. Le processus de négociation ne se réduit pas en effet à une simple discussion autour du mon- tant de l’amende et des obligations de confor- mité. Il s’entend plus largement comme un processus de collaboration à l’enquête qui va de la simple reconnaissance des faits jusqu’à la participation de la société au recueil de la preuve, en passant par la dénonciation des faits. Le comportement de la personne morale est donc apprécié selon une gradation détermi- nante pour évaluer le montant des obligations qui seront à sa charge ainsi que pour prendre en compte les intérêts de deux parties. Afin d’améliorer la prévisibilité de cet aspect fon- damental de la CJIP, le PNF a entrepris de réfléchir à la fixation des règles directrices qui pourraient être portées à la connaissance des acteurs économiques. Il est important de rappeler que le sort judi- ciaire des personnes physiques ne saurait constituer un élément de négociation. Ce n’est ni la volonté du législateur ni celle des autori- tés judiciaires. En introduisant dans la loi du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II», la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) comme mode alternatif de réponse pénale applicable aux personnes morales, le légis- lateur a eu pour objectif de permettre aux autorités judiciaires de disposer de mécanismes procé- duraux de nature à répondre aux enjeux de la lutte contre la corruption et la grande fraude fiscale. Éliane Houlette, Procureure de la République, au parquet national financier, a abordé les applications de la loi sapin II sur le plan répressif. I l s’agit des administrations de l’État ou des collectivités territoriales pour faire très simple. Nous avons une mission de conseil et une mission de contrôle. Nous faisons des contrôles administratifs qui peuvent conduire en cas de manquement aux obligations prévues par l’article 17 de la loi Sapin 2, à des sanctions administra- tives, à des injonctions de se soumettre, à des programmes de conformité anticorrup- tion, soit des sanctions pécuniaires, soit des mesures de publicité où voir les trois à la fois. Ces missions sont évidemment indissociables de l’édition judiciaire auquel nous contribuons d’ailleurs, puisque nous avons également le rôle de mettre à exé- cution les conventions judiciaires d’intérêt public qui peuvent être conclues entre le parquet et les plus grandes entreprises, où les peines de programme de mise en conformité qui peuvent être prononcées par les juridictions correctionnelles à l’en- contre de personnes morales pour des faits de corruption qui s’agissent de personnes de droit privé ou de droit public, quelle que soit leur dimension, il y a pas de seuil dans ce domaine-là. Nous sommes chargés par la loi française de mettre en œuvre des mesures de surveil- lance et de contrôle de la mise en œuvre des programmes de conformité anticorruption, ce que les Américains appellent le monitoring. La loi nous donne à cet égard le monopole, même si elle nous permet de déléguer un certain nombre de missions d’expertise. Nous avons d’ailleurs passé un marché public récemment. Nous sommes en train de dépouiller les résul- tats pour associer à nos travaux des experts du droit, du chiffre, qui pourront nous assister dans la mise en œuvre de ces monitorings. C’est très important parce que la loi Sapin 2 est essentiellement une réponse à une ques- tion économique. C’est une loi de protection économique à l’action extrêmement zélée des autorités américaines qui ont condamné un certain nombre d’entreprises, pas forcément à tort, mais peut-être avec une programmation un peu orientée sur les acteurs économiques qui pouvaient faire de l’ombre à l’économie américaine. Il est important pour nous d'appor- ter de l’aide et du soutien aux entreprises, non pas pour les protéger de la corruption, mais pour les prémunir au mieux des poursuites et en cas de poursuite pour leur permettre d’adapter leurs dispositifs et de se mettre à l’abri de la réitération de ce type d’infraction. Nous avons un rôle de de coordination im- portant entre l’entreprise et le parquet. Nous sommes un intermédiaire utile pour les entreprises ou leurs avocats qui peuvent, avant de s’adresser à un parquet, ce qu’elles ne font pas spontanément, s’adresser sans risque à nous. Je le dis très clairement, sans risque, parce que, sur la confidence d’une entreprise ou de son avocat, je ne ferai pas un article 40. Ça serait le premier, ça serait le dernier, cela n’aurait aucun intérêt. Nous sommes prêts à jouer ce rôle de sas entre les entreprises et le parquet. Charles Duchaine, Directeur de l'Agence Française Anticorruption, a résumé son intervention sur les applications de la loi Sapin 2 sur le plan préventif. Nous sommes chargés de mission de prévention de la corruption auprès des entreprises et auprès également des administrations publiques.

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