JDB_N3_09-10-2018_WEB (1)

Robert Gelli, Procureur Général à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a présenté les objectifs et le contexte de la loi n° 2016- 1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin II ». La loi Sapin 2 du 9/12/2016 est la dernière étape d’une série de textes destinés à améliorer la lutte contre la corruption. Dans un contexte d’affaires politico-financières et d’exaspération de l’opinion face aux atteintes à la probi- té, 2012 a été un tournant. La pression américaine sur les entreprises françaises s’est accrue avec le prononcé des sanctions financières de plus en plus fortes pour corrup- tion d’agents publics étran- gers. Dans son rapport de 2012 suite à l’évaluation de la France dans le cadre du suivi de l’application par les pays signataires de la convention de 1997 sur la lutte contre la corruption, l’OCDE s’est montrée très critique envers notre pays et lui a adressé 33 recommandations. A insi en 2013 plusieurs lois sont votées : créa- tion d’un nouvel office de police contre la corruption et les in- fractions financières et fiscales, création de la haute autorité pour la transparence de la vie publique, création du procureur national financier, aggravation des peines pour les infractions fiscales et les atteintes à la pro- bité, possibilité de recourir à des techniques d’enquête spéciale, renversement de la charge de la preuve en matière de blanchi- ment, élargissement de la possi- bilité de se constituer partie civile pour les associations de lutte contre la corruption. En dépit de ces avancées, le rapport de suivi de 2014 de l’OCDE juge in- suffisants les efforts de la France et publie une déclaration formelle selon laquelle la France ne se conforme pas suffisamment à la convention de 1997. La même année, la commission européenne porte un jugement sé- vère sur notre pays et Transparency international ne classe la France que 23éme à l’indice de perception de la corruption derrière le Qatar ! La loi Sapin 2 a pour ambition de combler le déficit de crédibilité dans la lutte contre la corruption. 4 grandes dispositions sont ainsi votées : - La création d’un statut général de protection des lanceurs d’alerte ; - La création de l’Agence française anti-corruption qui succède au SCPC, mais avec de véritables pouvoirs d’in- vestigations et de sanctions ; - L’instauration de nouvelles incrimi- nations (trafic d’influence sur agent public étranger) et renforcement des sanctions ; - L’instauration de la convention ju- diciaire d’intérêt public. Cette dernière disposition constitue une grande innovation dans notre droit pénal, s’inspirant des modèles anglo-saxons: une sanction contre les seules personnes morales pour- suivies pour corruption à une lourde amende ou/et à un programme de mise en conformité proposée par le parquet validée par un juge, mais ne valant pas reconnaissance de culpabilité et non inscrite au casier judiciaire. Il faut à présent faire vivre ces nou- velles dispositions. Si notre arse- nal législatif est satisfaisant et ne nécessite pas de modifications, la pratique sera déterminante pour évaluer positivement la France. Des efforts devront être accomplis pour répondre aux critiques de l’OCDE et des associations de lutte contre la corruption. - Le statut du ministère public trop dépendant du pouvoir exécutif n’a pas évolué. - Les moyens de police consacrés aux enquêtes en matière écono- mique et financière n’ont pas pro- gressé et ont même régressé en quantité et en qualité. - Les délais d’instruction et de juge- ment continuent à être trop longs. - Les règles relatives au secret op- posable aux enquêtes, et notam- ment le secret défense, ont été peu assouplies tandis que d’autres, tel que le secret des affaires, se déve- loppent. - Enfin, la coopération pénale inter- nationale reste insuffisante avec de nombreux pays, au premier rang desquels ceux que l’on qualifie de paradis fiscaux mais aussi au sein même de l’Europe, pour faciliter les investigations ainsi que la saisie et la confiscation des avoirs criminels. Loin d’être aboutie, la lutte contre la corruption internationale ne fait que débuter. Journal du Barreau de Marseille 33 numéro 3 - 2018 RÉFORMES EN TOUS GENRE

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