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Journal du Barreau de Marseille 35 numéro 3 - 2018 RÉFORMES EN TOUS GENRE L ’extension du champ d’appli- cation de la convention judi- ciaire d’intérêt public (CJIP) à la fraude fiscale est une évo- lution attendue parce qu’elle est nécessaire et d’actualité : - nécessaire, car en pratique un même dossier associe généralement les délits de blanchiment de fraude fiscale et de fraude fiscale, ce dernier faisant donc obstacle à la mise en œuvre d’une CJIP ; - d’actualité, car l’actuel projet de loi de lutte contre la fraude en discussion au Parlement prévoit d’étendre le champ d’application de la CJIP au délit de fraude fiscale. Au titre des évolutions attendues et inac- tuelles, la tentation des opérateurs écono- miques de « filiariser » le risque pénal est une réalité que la loi ignore. Cette question n’est pas nouvelle, mais la CJIP la réactua- lise. Quels critères d’imputation leministère public doit retenir pour mettre en cause la maison-mère? L’autonomie de la volonté est le principemoteur de la CJIP, une fusion-ac- quisition est-elle de nature à faire obstacle à sa conclusion comme aujourd’hui en ma- tière de responsabilité pénale? À côté de ces évolutions attendues, il y a les évolutions souhaitables. Elles concernent moins le texte législatif que son environnement juridique. En voici deux illustrations. Les développements de la compétence extraterritoriale des États, de la lutte contre la corruption transnationale et de la justice pénale négociée amènent les autorités judiciaires à s’intéresser aux mêmes territoires géographiques ou éco- nomiques. Il en résulte une concurrence de poursuites et de sanctions que la règle non bis in idem ne régule pas tant sa re- connaissance internationale est fragile. Enfin, les mêmes causes obligent à s’in- terroger sur-le-champ et les modalités d’application de la loi du 26 février 1968 relative à la communication de docu- ments et renseignements d’ordre écono- mique […] et le rôle de l’autorité judiciaire pour faciliter, lors de l’entraide pénale, quelle que soit sa forme, l’application par les opérateurs économiques des disposi- tions de cette loi dite « de blocage ». Jean-Luc Blachon, Premier Vice-Procureur Financier au Parquet National Financier a répondu à la question : la convention judiciaire d’intérêt public, la loi Sapin II, doit-elle évoluer? A mbitieuse et challenging, la loi Sapin II élève le niveau d’exigences avec notam- ment des mesures rela- tives aux évaluations des partenaires, intermédiaires, clients et fournisseurs et l’établissement d’une cartographie des risques de corrup- tion. Ce nouveau cadre rigoureux fixé par la loi Sapin II a été bien accueilli par les entre- prises qui y voient une façon de mieux se préparer et se défendre contre la corrup- tion. À cet égard, les coûts importants as- sociés à cette mise en conformité doivent être vus comme un investissement dans la sécurité juridique des opérations, la réputa- tion de l’entreprise et la défense de ses va- leurs, ce qui reflète parfaitement la devise du Groupe CMA CGM selon laquelle « Good Ethics is good Business ». L’engagement du top management de l’entreprise est clé dans la mise en œuvre de Sapin II. Dans un Groupe comme CMA CGM comptant plus de 34 000 collaborateurs, tous parties prenantes, l’exigence d’exemplarité doit être énoncée au plus haut ni- veau. Ce message est régulièrement réitéré par le Président-Directeur Gé- néral du Groupe CMA CGM, comme au printemps dernier dans une vidéo en français et en anglais à l’attention de l’ensemble des collaborateurs. Au-delà de l’établissement des poli- tiques et des procédures, l’enjeu le plus fort est le déploiement effectif, sur le terrain, du référentiel anticorruption afin de lui donner une réalité concrète dans les opérations, et ceci dans l’en- semble des pays et business units du Groupe. Un dispositif de conformité doit être largement diffusé, expliqué et compris afin de s’assurer que tout le monde est bien à bord. Il doit aussi être régulièrement réévalué, au même titre que la cartographie des risques qui sous-tend le dispositif. À cet égard, Sapin II s’inscrit dans une démarche de progrès. S'interroger sur l’évolution d’une loi qui n’a pas encore deux ans est un exercice périlleux, car le temps n’a pas encore pris soin de déplier la loi et d’en révéler les défauts de tissage. Cela dit, les premières applications des dispositions de la loi permettent de brosser avec prudence et à grands traits quelques évolutions attendues ou souhaitables. Guillaume Hecketsweiler, Directeur juridique du groupe CMA CGM, a fait part de son expérience et de la perception de la loi Sapin II par les entreprises privées. Si la loi Sapin II établit de nouveaux standards en matière d’anticorruption, les grandes entreprises, notamment celles évoluant dans un environnement interna- tional, s’étaient déjà dotées de programmes de conformité anticorruption (incluant typiquement une charte éthique, une politique de cadeaux et marques d’hospitalité, un politique de conflits d’intérêts, une ligne d’alerte professionnelle).

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