Journal du Barreau de Marseille
numéro 4 - 2016
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Quel est ton sentiment sur les
grandes mutations qui ont eu lieu
durant ton mandat et sur l'avenir
de la profession d'avocat ?
Mon premier réflexe a été d'être
inquiet par la mutation de notre
profession. J'avais une image que
certains peuvent considérer
comme archaïque de celle-ci,
mais à laquelle je suis très atta-
chée. Pour moi, un avocat ne peut
se résumer à être un marchand
du droit.
Puis, cette réaction « conserva-
trice » a cédé le pas à une vision
plus modérée de cette évolution.
J'ai commencé à en percevoir certains avantages avec de nou-
veaux champs de compétence offerts aux avocats (avocat man-
dataire en transactions immobilières, agent sportif, lobbyiste,
fiduciaire), cette extension peut être une chance pour la profes-
sion à condition de rester strictement attaché à notre déontolo-
gie qui doit être unique.
La difficulté est de combiner évolution et maintien d'une
éthique professionnelle rigoureuse en trouvant le juste équilibre
entre la nécessité économique et l'exigence liée au statut de
l'avocat. Je pense notamment à l'ubérisation du droit. Pour lut-
ter contre certains braconniers qui voulaient empiéter sur nos
prérogatives, nous devions leur faire concurrence nous-même.
On pourrait considérer que cela nous a tirés vers le bas, en nous
mettant au niveau d'officines qui ont voulu, sous prétexte de ren-
dre le droit plus accessible, réaliser des profits substantiels (legal
start up). Mais on s'est en réalité rendu compte qu'il fallait abso-
lument qu'on puisse nous aussi être présents sur ce marché-là.
Aujourd’hui, la plateforme mise en place par le CNB, qui permet
aux gens d'avoir accès à un avocat, de le choisir, d'avoir connais-
sance du tarif pratiqué, de lui poser des questions, a assuré le
juste équilibre auquel je faisais référence tout à l'heure, ce qui
permet aux avocats de travailler différemment, tout en s'assurant
que cela se fera dans le respect de nos principes essentiels.
Ces nouveaux moyens techniques mis à notre disposition peu-
vent, à condition d'être parfaitement encadrés, permettre à cer-
tains de compléter leur revenu professionnel dans un contexte
économique morose. Si par exemple un avocat a la possibilité,
après avoir regagné son domicile, de répondre à des consulta-
tions juridiques par le biais de cette plateforme, et de facturer des
honoraires complémentaires, j'en conclus que c'est positif. De
même, cela peut être l'occasion de se constituer de la clientèle.
Il reste à capitaliser sur ce qui doit être notre plus-value, c'est-à-
dire notre déontologie, notre éthique professionnelle. Et ainsi, on
fera la différence avec les legal start up. Donc, il est important de
veiller à ce que l'on ait une communication qui mette en avant la
plus-value que l'avocat peut apporter à un conseil quel qu'il soit.
Envisager l'évolution de la profession, c'est également avoir une
opinion sur la publicité. On peut désormais faire de la sollicita-
INTERVIEW DU BÂTONNIER
FABRICE GILETTA
Nous avons rencontré notre bâtonnier, Fabrice Giletta, avec les représentants du jeune barreau.
Toujours aussi accessible, notre bâtonnier a, cela mérite d'être souligné, refusé de connaître les
questions qui lui seraient posées à l'avance. Il a répondu à toutes nos questions avec franchise,
lucidité, faisant preuve d'une parfaite connaissance de ses dossiers. Un bâtonnier profondément
humain qui a su nouer des relations fortes avec chaque membre de son barreau durant son mandat.
VOTRE BARREAU