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41 | JDB MARSEILLE 2 / 2022 PARIS, PROMENADES… Woody Allen adore Paris. On se souvient de « Midnight in Paris », l’un de ses films les plus réussis, le plus poétique sans doute. Prétexte à déambuler dans la capitale et le monde des arts. Le promeneur de Paris, pour peu qu’il soit juriste, n’arrive pas toujours à « décrocher » de son propre monde. Le droit est partout…La Samaritaine ne doit-elle pas son nouvel écrin à un arrêt du Conseil d’État qui a croisé l’art déco et l’art nouveau ? Passer devant les statues du Collège de France pourrait faire penser, oh très subrepticement, à un arrêt de la CAA de Paris du 11/03/2022 s’interrogeant sur la question des mesures d’ordre intérieur. Faire un tour au cimetière Montparnasse voir « Le Baiser » de Brancusi, avoir une pensée pour Tatiana Rachewskaia et pour l’arrêt très commenté du Conseil d’État du 02/07/2021. Rester silencieux devant les verrières de la Sainte Chapelle de Paris et la statue de l’Archange Saint Michel et alors surtout, surtout, éviter de penser à l’arrêt du 17 octobre 2016 rendu à ce sujet. Quai Voltaire devant la vitrine de Brimmo de Laroussilhe s’extasier devant la beauté d’une tempera sur bois de Bartolomeo di Tommaso et ne pas arriver à ne pas penser à une fameuse décision QPC ayant contribué au régime juridique du domaine public mobilier. Le plus dur avec le droit c’est de s’en défaire. COLONNES DE BUREN On se souvient de la polémique que l’œuvre a à l’époque provoquée. Il y avait les pour et les contre, une vraie guerre du goût et du beau. Avec ses violences aussi. Le temps a passé. Les Colonnes de Buren sont devenues un espace apaisé voire un paysage. Elles paraissent avoir été toujours là. Les passants s’y installent, s’y photographient, s’interrogent, promènent leurs regards vers les arcades qui soutiennent la jurisprudence : celle du Conseil d’État et celle du Conseil constitutionnel dont le bureau du président a de belles vues. On se souvient de l’arrêt « Ministre de la culture / Cusenier » du 12 mars 1986 commenté notamment par MM. Rougevin-Baville, Renaud Denoix de Saint-Marc et Daniel Labetoulle dans leurs fameuses « Leçons de droit administratif ». En jeu une demande de sursis à exécution avec au cœur du sujet la belle question de savoir si l’initiative prise par le ministre de la Culture Jack Lang de faire installer (contre l’avis de la Commission supérieure des Monuments Historiques qui juge le projet « trop moderne et hautement intellectuel », source Wikipedia) l’œuvre de Buren dans la Cour d’honneur du Palais-Royal était constitutive d’une « décision ». Car cette initiative n’avait été nullement formalisée par écrit. Le juge administratif avait retenu qu’une manifestation de volonté s’était bien exprimée, qu’une décision existait et avait accordé le sursis. Les colonnes ayant ainsi contribué à l’identification de ce qu’est une décision administrative. Aujourd’hui, un peu plus loin dans le jardin du Palais Royal les petits hommes verts de Bessine, de Fabrice Hyber, batifolent dans l’eau de la fontaine. L’oeuvre est magique. Elle n’est que de passage. LA FRESQUE DU TRAIN BLEU Plus récent l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 4 mars 2022 (20/01351) invite le gastronome ou le voyageur en attente d’un train à regarder d’un autre œil, plus aiguisé juridiquement, les murs et plafonds du célébrissime Train Bleu de la gare de Lyon à Paris. Le « Train Bleu » ne s’est pas toujours appelé ainsi, il fut d’abord « Buffet de la Gare ». Dix tableaux y représentent les villes reliées sur la ligne Paris-Menton. Ils ont été peints entre 1900 et 1907. En 1979 nous apprend l’arrêt la SNCF a lancé un appel d’offres pour la rénovation de ces tableaux et la création de onze nouveaux tableaux constituant une nouvelle fresque. Un litige va se nouer, non sur le terrain de la commande publique mais sur celui du droit d’auteur. Laissons aux spécialistes de la matière le soin d’en tirer tous les enseignements. Contentons-nous de dégager quelques lignes du beau débat qui a eu lieu : 1. Invité à cette question par l’une des parties il fallait savoir notamment s’il était possible pour un seul homme de réaliser une fresque de 55 mètres sur une hauteur de trois mètres (en jeu la qualification d‘œuvre collective ou non). Après analyse de multiples attestations le juge décide que la fresque litigieuse est une œuvre collective et que la personne physique sous le nom de laquelle elle a été divulguée et investie des droits de l’auteur et notamment du droit moral sur cette fresque. On en vient alors au second sujet : 2. Au-delà de la question de la prescription des actions, il fallait vérifier si la réfection réalisée par la SNCF et confiée à une autre entreprise a porté atteinte à l‘intégrité de l’œuvre. C’est désormais l’été. Le temps d’une pause. Le droit est partout ? Oublions-le ! Si on peut… UNE RUBRIQUE DE ME BAILLON-PASSE CULTURE / ART & DRO I T

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