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COMMISSION DU JEUNE BARREAU 10 | JDB MARSEILLE 3 / 2021 Ladistance Je crois que lorsqu’on fait du pénal, il faut arriver à trouver un juste équilibre entre l’émotion ressentie, l’émotion que l’on vit, l’empathie que l’on a pour le client et à l’autre bout, le cynisme et le « je m’en foutisme total » . Je crois qu’il faut garder intact sa capacité d’enthou- siasme et sa capacité d’indignation. Cependant, la capacité d’enthou- siasme et le sentiment d’injustice que l’on a souvent dans le traitement que subissent nos clients ne doit pas nous amener à être des vengeurs masqués et devenir des complices. On peut avoir une complicité intellectuelle, mais comme le disait le Bâtonnier Corse, Jean Chiappe, aux jeunes avocats qu’il recevait : « Jeunes gens, n’oubliez pas qu’entre le client et vous, il doit tou- jours y avoir la largeur de la table. ». Je vais vous raconter une histoire qui est prescrite et je pense que Madame le procureur ne m’en voudra pas... Lorsque j’étais jeune avocat, j’allais dans diverses prisons françaises pour mon maître de l’époque, Maître Emile Pollak. Un jour, je devais rencontrer un trafiquant de drogue détenu à Per- pignan. Son compagnon m’avait alors proposé de m’emmener à la prison. Pendant les trois heures de route, cet homme m’a expliqué comment il avait connu mon client et comment la vie était merveilleuse avec lui. Il en était éperdument amoureux et c’était d’une beauté sans nom. J’étais dans un conte de fée, une histoire d’amour dont je n’avais pas l’habitude. L’homo- sexualité existait évidement… Mais elle était toujours dans le Code pénal ! A mon arrivée à la prison, je m’entre- tiens avec mon client. A la fin, il me remet une lettre cachetée et je com- prends que c’est une lettre d’amour pour son compagnon. Encore touché par leur histoire, je prends la lettre et la lui remet. Ce dernier était fou de joie. Arrivé à Marseille, je raconte à Maître Pollak l’histoire avec toute la sen- sibilité que je peux y mettre. Il m’in- terrompt et me dit : « Philippe, tu as sorti une lettre ». Et là, je m’écroule… Parce ce que bien évidement, Ar- noux à qui je dois beaucoup et qui m’avait fait plaider ma première af- faire d’Assises, mais aussi Pollak et d’autres nous avaient formés et je savais qu’il était et est toujours ab- solument interdit de sortir de prison Entretien avec Maître PHILIPPE VOULAND L’EXERCICE DU DROIT PÉNAL OU LE JUSTE ÉQUILIBRE DE L’ÉMOTION Alors que pour beaucoup de jeunes avocats, la première année d’activité rime avec la découverte des permanences pénales, la Commission du jeune barreau a souhaité recueillir les précieux conseils de Maître Philippe Vouland, célèbre avocat pénaliste marseillais, et sa vision sur l’exercice de cette discipline. Maître Philippe Vouland est avocat pénaliste au barreau de Marseille depuis 1976. Il est notamment intervenu dans des affaires médiatiques telles que celle de l’assassinat du juge Michel et du bus incendié. La Commission du jeune barreau le remercie chaleureusement d’avoir accepté cet entretien. PROPOS RECEUILLIS PAR ME JULIE GAUTIER ET ME MARTIN REY

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