JDB_N1_2022_WEB02_COMPLET

LE MOT DU BÂTONNIER Construisons ensemble le barreau de demain : simple slogan ou véritable engagement ? Marseille explose, fulmine et d’aussi loin que mes souvenirs me reviennent, n’a jamais été aussi attractive. Massilia si souvent bashée devient le confluent de tous les possibles. Le sud-est devenu l’eldorado du travailleur en quête de qualité de vie. Le soleil y réchauffe les esprits en mal de joie de vivre après ces dernières années bien sombres. Marseille promet une vie meilleure pleine d’énergie et de diversité. Et qu’en est-il des avocats ? Nous n’échappons pas à cet engouement mérité, les confrères ne s’y trompent pas, c’est ici qu’ils posent leurs valises pour nourrir un peu plus le creuset méditerranéen. On constate donc l’arrivée de nombreux confrères qui s’installent dans notre barreau où ils s’y fondent, s’y confondent et s’emparent de l’esprit si confraternel qui y règne. Pour certains, c’est un retour aux sources et pour d’autres, c’est un grand plongeon dans une mer oscillant entre calme et tempête qu’il faut appréhender. Est-ce qu’on s’y sent comme un poisson dans l’eau en y [em]brassant le barreau de Marseille ? Y bâtir son cabinet est-ce comme voguer sur une mer d’huile ? Et le palais, lieu de toutes nos traversées est-il encore un vaisseau amiral ou un frêle esquif ? Si l’on se réfère uniquement à l’état des bâtiments abritant les juridictions, la réponse serait facile : le bateau prend l’eau, écopons ! À en croire les clichés habituels, on fait cap vers la pauvreté, la délinquance et les incivilités. C’est encore la douche froide assurée. Pourtant Marseille a le vent en poupe. Posons-nous un instant pour virer de bord et mettre le cap vers la réussite. Deux idées, deux ambitions, deux objectifs majeurs me viennent à l’esprit. D’abord, miser sur la jeunesse et redonner de l’attrait à notre profession. C’est unanime, il y a un changement de paradigme et un écart se creuse avec nos jeunes diplômés. Même si nous sommes relativement épargnés, le navire commence à chavirer et une pénurie de collaborateurs se profile à l’horizon. Le dossier spécial de ce JDB sur la collaboration en fait état. Nous devons nous interroger sur la façon dont nous allons construire cet avenir commun. Une piste déjà enclenchée est le renforcement de nos relations avec les étudiants des facultés. L’objectif est de leur donner envie de rester et de s’implanter dans nos cabinets du Sud. La déontologie permet d’être pluriels et d’ouvrir le champ des possibles, soyons ouverts sur ces possibilités afin de conserver ces talents en devenir. C’est à nous de les convaincre et de les écouter pour qu’ils collaborent dans nos cabinets et qu’ils prennent notre suite car leur avenir est le nôtre. Cela demande un changement de mentalité que nous ne pouvons ignorer, nos jeunes recherchent avant tout des formes de collaboration qui aient un sens, il nous appartient de leur offrir, c’est un impératif. Créons le cabinet de demain où les jeunes s’y sentent intégrés immédiatement, où la bienveillance règne et où les objectifs de progression sont clairement affichés. Pour beaucoup d’entre nous, notre quotidien c’est le Palais et l’accès au juge et personnels de la justice. Nous en sommes de plus en plus éloignés et si nous n’intervenons pas, il ne pourra pas y avoir de retour en arrière. Le garde des Sceaux a pris un dernier engagement au nom de l’État français qui permettra à Marseille de disposer enfin d’une grande cité judiciaire moderne à horizons 2028. C’est à la fois un soulagement, une satisfaction et une inquiétude. Soulagement au vu de la situation actuelle d’un Palais de Justice éclaté sur plusieurs sites rendant difficile notre exercice au quotidien ; qui plus est, dans des palais qui sont pour certains en mauvais état. Satisfaction aussi car les Marseillaises et les Marseillais comme leur conseil ont le droit d’être accueillis dans de bonnes conditions pour être jugés et c’est un minimum que l’État français doit à tout citoyen. Inquiétude enfin car, à ce jour, nous ne savons pas où sera édifiée cette grande cité judiciaire et nous n’avons aucune information sur comment sera pensé ce palais, les deux choses étant étroitement liées. Les exemples de construction récents de palais de justice doivent nous inciter à la vigilance et à l’action. La lecture de la motion prise par les professionnels lillois suffit à se convaincre que cet enjeu est majeur (lien), en effet, le nouveau palais Lillois, pensé sur 24.000 m2 ne prévoira pas plus de salles d’audience que l’actuel, les bureaux de magistrats seront communs et les avocats ne disposeront que de 110 m2 sur les 24000 m2 prévus, ce que je qualifie de vision totalement hors sol des décideurs. Il est donc indispensable que le barreau de Marseille soit associé aux réflexions sur ces questions et il entend avoir toute sa place dans toutes les dimensions que comportent ce projet. Souvenons-nous qu’ici, comme dans beaucoup de villes en France, les locaux de l’Ordre se situaient à l’intérieur du Palais de Justice. Ce sont le manque de place et l’augmentation des besoins de l’Ordre qui ont eu raison de ce mode de fonctionnement mais penser un palais sans tenir compte de l’avis des professionnels qui l’occupent au quotidien serait une hérésie et nous nous battrons pour nous faire entendre. Vous pouvez me faire confiance pour porter la voix de notre barreau. Plus de 2500 avocats composent notre barreau dont la majorité fréquente le palais régulièrement, son emplacement est donc une des questions centrales de ce projet. Le palais représente concrètement pour tout citoyen, la déclinaison concrète de la justice dans toutes ces dimensions : pratique, symbolique, humaine et morale. Les considérations financières ne peuvent donc pas être les seules guides de la réalisation de ce projet et les seules contraintes impérieuses. Marseille est également une ville à nulle autre pareille, et la justice doit s’affirmer et se rendre au cœur de celle-ci, peut-être plus encore qu’ailleurs. Construire le barreau de demain n’est donc pas un simple slogan mais bien un engagement collectif de toutes celles et ceux qui composent notre barreau et j’y prendrai toute ma part en vous mettant aussi à contribution. Construisons ensemble le barreau de demain. JEAN-RAPHAËL FERNANDEZ BÂTONNIER 3 | JDB MARSEILLE 1 / 2022

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=