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C ’est précisément dans ce contexte que la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 (JO du 31 juillet) est venue transposer en France la directive 2016/943/ UE du 8 juin 2016 sur la protection des sa- voir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites. Cette loi a introduit dans le Code de commerce un titre V intitulé « De la protection du secret des affaires », dont les ar- ticles L151-1 à L154-1 sont spécialement consa- crés à la définition de l’information protégée et à la mise en œuvre d’actions particulières desti- nées, soit à prévenir une atteinte au secret des affaires, soit à réparer une atteinte consom- mée. La publication de son décret d’application n° 2018-1126 du 11 décembre 2018 nous donne l’occasion de présenter ce nouveau dispositif. La notion « d’information protégée » Rappelons que jusqu’alors, il n’existait pas vraiment de définition légale du secret des affaires. Cette notion pouvait être visée dans différents textes, par exemple l’article L483-2 du Code de commerce en matière de pratiques anticoncurren- tielles ou l’article L612-24 du Code mo- nétaire et financier relatif aux pouvoirs de contrôle de l’Autorité de contrôle pru- dentiel. Cette absence de définition lé- gale constituait naturellement un frein à la protection de ces informations et ne permettait d’envisager des sanctions qu’au travers du mé- canisme de droit commun de la responsabilité civile délictuelle ou, plus récemment, de textes spéciaux, par exemple l’article 1112-2 du Code civil qui sanctionne l’utilisation sans autorisation d’une information confidentielle obtenue dans le cadre des négociations. Un tel régime était donc attendu. Qu’en est-il aujourd’hui? Le nouvel article L151-1 du code de commerce définit « l’information protégée » comme celle qui : - Ne serait pas généralement connue ou aisé- ment accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur sec- teur d’activités ; - Revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; - Fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. On le voit d’emblée, cette définition laissera suffisamment de place aux praticiens pour re- vendiquer ou au contraire, exclure l’existence d’une information protégée. Sur quels critères en effet décider que telle personne pouvait ignorer l’existence de cette information et comment apprécier si la personne qui entend en revendiquer la protection avait mis en place une protection raisonnable? L’appréciation par les juges devrait se faire in concreto. En revanche, rien n’interdira aux parties de préciser contrac- tuellement cette définition et de prévoir dans les accords de non-divulgation par exemple, une définition contractuelle des informations protégées. À noter qu’au titre des exceptions visées aux articles L151-7 à 151-9, le nouveau dispositif prévoit que le secret des affaires n’est pas opposable aux lanceurs d’alertes (article L151-8), cette question ayant été au cœur des débats ayant conduit à l’adoption de la loi du 30 juillet 2018. La violation du secret des affaires sera sanctionnée selon les règles de la respon- sabilité civile délictuelle (article L152-1) et la prescription sera de 5 années à comp- ter des faits qui en sont la cause (article L152-2). Le régime de la prescription est donc ici plus sévère que celui de l’article 2224 du Code civil puisque le point du délai sera plus difficilement glissant. La protection des informa- tions protégées Mais, c’est plus particulièrement sur le terrain des actions que ce nouveau régime séduit : la loi du 30 juillet 2018, com- plétée par son décret d’application du 11 décembre 2018, envisage deux types d’actions : préventives puis indemnitaires. Les mesures préventives destinées à pré- venir ou faire cesser une atteinte probable sont prévues aux articles L152-3 à L152-5 du code de commerce : la juridiction saisie peut pres- crire, sur requête ou en référé (article R152- 1), toute mesure provisoire ou conservatoire REFORMES EN TOUS GENRES GILLES MARTHA La protection du secret des affaires : unpremier pas Il y a déjà longtemps que de nombreux acteurs économiques réclamaient l’instauration d’un véritable arsenal législatif encadrant et protégeant ce que l’on a coutume d’appeler le « secret des affaires ». 32 # N2 201 9 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE (...) jusqu’alors, il n’existait pas vraiment de définition légale du secret des affaires.

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