JDB_N3_2022_WEB

53 | JDB MARSEILLE 3 / 2022 Le droit peut-il sauver l'humanité, en protégeant le climat et en éradiquant la pauvreté ? Diane Roman est professeure à l’École de droit de la Sorbonne et chercheuse à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne. Son ambitieux essai s'intéresse à l'émergence de « nouveaux » droits humains. Partant d’exemples concrets de lutte, elle renouvelle l’interrogation sur le contenu de cette notion et sa mise en œuvre en justice. Les droits humains ne sont plus seulement ceux hérités des thèses des Lumières, ou défendus par les idéologies du XXème siècle. Diane Roman montre dans cet ouvrage l’émergence de nouvelles questions juridiques, et partant, de nouveaux contentieux qui leur sont liés. Elle souligne que, sur tous les continents, la cause des droits – à l’eau, à un environnement sûr, à des conditions de travail décentes, à la santé etc…- se décline dans toutes les langues, révélant « la double signification de la notion ». D’une part une « cause » est un idéal au nom duquel sont entreprises des actions. Aujourd’hui le respect des droits sociaux et environnementaux est au cœur de nombreux contentieux. Cette mobilisation judiciaire révèle que la cause est politique et touche à l’écologie et à la solidarité, et que les tribunaux saisis ne sont que les outils de la reconnaissance. D’autre part, la cause est aussi à entendre en tant que phénomène produisant un effet. A ce titre la saisine judiciaire visant à la reconnaissance des droits sociaux et environnementaux entraine de multiples transformations, notamment institutionnelles. Mais l’ouvrage rappelle en conclusion que la mobilisation du droit n’est rien sans la refondation d’un projet politique. Et qu’à ce titre, le chemin reste encore long pour leur reconnaissance réelle. Rendu très vivant par ses nombreux exemples, cet ouvrage, d’une lecture agréable, nous invite à reconsidérer tant nos connaissances que nos points de vue. UNE RUBRIQUE DE ME SYLVIE CAMPOCASSO MINUIT DANS LAVILLE DES SONGES René Frégni Éditions Gallimard Roman dit la couverture du livre… Pourtant comme ce narrateur ressemble à un certain René F. minot marseillais désœuvré, rétif à la scolarité, préférant les mauvais coups aux mots qui fait – à son grand dam – le désespoir de sa mère qu’il adore. D’errances en fugues, de désertion en prison, le narrateur trouve son salut dans le livre. C’est d’abord l’ami retrouvé à la caserne, Ange-Marie Santucci, qui lui en donne le goût déjà esquissé par les lectures de Dumas ou Hugo par samère bien-aimée. Santucci qui s’est mis à bien parler. « Tu n’as jamais parlé comme ça à Marseille » lui dit le narrateur « Il a trois ans que je lis un livre par jour…. j’ai beaucoup mieux qu’un calibre aujourd’hui, j’ai des mots, j’ai leurs mots » répond Santucci. Le narrateur retiendra la leçon et, à son tour deviendra un lecteur passionné. Le livre sera son ancrage dans le monde et sa bouée de sauvetage dans les difficultés de l’existence. Les mots parfois lui résistent, alors il note sur un carnet rouge, il cherche dans un dictionnaire, il s’obstine à se les approprier. « Collines » sera le premier livre. Sa première rencontre avec Giono qu’il ne quittera plus jamais. Puis il découvrira Dostoïevski, Céline, Camus, et tant d’autres. Dans chaque œuvre il puise des ressources pour avancer, pour faire face. Et peu à peu, il vient à l’écriture. Le temps a (un peu) assagi le fougueux rebelle, et il travaille dans un hôpital psychiatrique où il rédige les rapports journaliers permettant aux infirmières qui se succèdent de connaître la situation des patients. Il dresse des tableaux parfois drôles parfois tragiques de cemonde de la folie. « Ce fut une étrange initiation. Je trempais chaque soir ma plume dans une encre de solitude, de délires et de sang. » Obligé à une nouvelle fuite, il se met à écrire, sur des carnets toujours rouges, et à force d’obstination, et d’un peu de chance, il finit par être édité. Que nous dit ce livre ? Que de la rébellion juvénile à la maturité assagie, le livre est l’outil de l’éveil, de l’émerveillement, de la prise de conscience. Au narrateur – si étrangement ressemblant à René Frégni – qui en découvre les mérites au fond de son cachot militaire, il a permis de devenir ce conteur ébloui, et éblouissant d’humanité et de poésie. « Chaque jour je marche, je parle avec tout ce qui bouge autour de moi et je ramasse des mots. Je ne possède que cette maison de mots. » CULTURE / LA PLUME & LA ROBE LACAUSE DES DROITS Diane Roman Éditions Dalloz

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=