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39 | JDB MARSEILLE 3 / 2022 DOSSIER | RENTRÉE SOLENNELLE / 24 JUIN 2022 ments qui lui sont favorables, Relever dans les scellés ce que personne n’a vu, Ne rien laisser passer, jamais. Hirsute, torturé, tonitruant, Diable de Tasmanie Il tourbillonne dans la Cour d’assises, Avec sa tête d’ours, Il questionne, il gronde, il tempête, Avec sa patte de bête qui semble pataude de loin, Mais qui, de près, se révèle être une main de géant délicate et finement dessinée, Il cogne, tape, ou cajole, Il existe, et fait exister la défense. C’est le premier à comprendre Qu’une défense réellement efficace, Ce n’est pas une défense qui ferait tapis au moment de la plaidoirie, Et qui resterait tapie pendant les débats, Mais c’est une défense offensive, dès le début des débats. Voilà sa vraie réforme de la justice pénale, C’est celle de la pratique des assises. Une pratique déjà comprise par les bons présidents. La bonne présidence des assises, contradictoire, il la décrit en un exemple. Un avocat, au cours de l’audience, se lève et interpelle le président : « Je suis désolé, Monsieur le président, je ne suis pas d’accord avec vous ». Selon lui, le mauvais président répondra : « Vous plaiderez, maître, vous plaiderez ». Et le grand président : « Pourquoi, Maître ? Expliquez-vous. » Avec ces grands, ce sera une histoire d’amour, Avec Olivier Leurent notamment, Dont il dit : je ne sais pas ce que type fait exactement quand il préside des assises mais ça doit ressembler à la justice. Eh bien justement, Olivier Leurent décrit très simplement ce qu’il fait : Respecter son rôle de président sans rien confisquer à personne, En s’infligeant en permanence la souffrance du doute, La souffrance du conditionnel, refusant l’indicatif, En oubliant sa lecture du dossier, qui doit vivre à l’oral, Alors ce miracle, La justice, Passera, selon le président Leurent, à une condition : Si chacun est à la hauteur du rôle qui lui est attribué par la loi : Partie civile, accusation, et défense. Et quand un n’est pas à la hauteur, un autre doit compenser. Si c’est la défense qui est défaillante, le grand président compense. Si c’est la présidence qui est défaillante, la grande défense compense. A force de compensation, de contradiction et d’exigence, D’énergie et de grognements, A force de travail, Les désignations pleuvent sur son cabinet, Ces lettres truffées de faute d’orthographe, Ecrites sur des petits papiers sales à carreau, Depuis les maisons d’arrêt de toute la France, « Met je vou desine pour me daifandre ». Les défendre tous, titrait Albert Naud, Partout. Il fallait être surhumain pour survivre à cette vie. Mais c’est en survivant qu’il a reçu en retour des fragments brillants, Blanc aveuglant couleur de la justice Et il n’aura de cesse de transmettre aux hommes. Sa seconde œuvre majeure dans la justice, C’est d’expliquer au bourgeois comme à l’ouvrier, D’apprendre au peuple français, Qui en ignore tout Comment la justice est rendue en son nom. En des termes simples, compréhensibles, Sans fausse technicité juridique. Ainsi, il combattra le victimaire dans la justice, Rappelant que la justice, c’est une violence faite aux victimes, Nécessairement, Parce qu’on refuse de les croire sur parole, C’est une violence faite aux policiers, Nécessairement, Parce qu’on refuse de les croire sur parole, C’est une violence faite aux prévenus et aux accusés, Nécessairement, Parce qu’on refuse de les croire sur parole. Il critiquera les nouvelles réformes législatives à chaque fait divers, Il critiquera les justiciers en robe de juge, Les faux savants en habit de psychologue, Il critiquera les voyous en robe d’avocat, Il critiquera les cours criminelles, Les qualifiant de son vivant d’avocat de catastrophes pour la justice, Il critiquera tout et tous, Avec une liberté d’avocat Absolue. C’est pourquoi, Là où certains n’ont pas besoin de mourir pour survivre à leur nomination ministérielle, Tant ils sont dociles et domptés, Lui était trop libre et trop instinctif, Il fallait qu’il meure. Après avoir sacrifié sa vie pour devenir avocat, Le voilà qui sacrifie l’avocat pour devenir ministre. Néanmoins, ne vous y trompez-pas, L’avocat vit toujours, même après sa mort. On le lui reproche, On le lui rappelle, Et, à chaque réforme que le Ministre présente, Nous nous posons la question : mais qu’aurait dit Dupond s’il était vivant ? D’avocat à ministre, De loup à chien, De maître à minus, Nous espérons qu’il entendra un jour, de nouveau, l’appel de la forêt, Et que nous le reverrons dans les Cours d’assises, Avec, sur son dos, Le noir de sa robe couleur de la liberté.

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