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DOSSIER | RENTRÉE SOLENNELLE / 24 JUIN 2022 Plus récemment certaines tensions et incidents ont été nourris par de nombreuses réformes où les avocats ont été privés de faire entendre leur voix et par des actions où nous avons été trop souvent considérés comme de vulgaires sous-traitants sans égard pour nos propres aspirations et conditions de travail. Comme toujours en pareil cas, une infime minorité de chaque côté de la barre est prête à exploiter ces tensions. Le risque est l’emmurement des magistrats qui, face au manque criant de moyens, se sentent abandonnés. Il y a pourtant eu de chaque côté des appels à l’aide : de la part des avocats pour lutter contre des conditions de travail insupportables, de la part des magistrats et greffiers, la tribune des 3000 véritables appels au secours d’un corps en danger... Visualisez une planche en bois, à chaque coup porté à la justice c’est un clou planté : bim décret Magendi… bam loi de programmation et de réforme pour la justice… boum loi de confiance en l’institution judiciaire…. Attendez […] Je retire ces trois clous… il y avait aussi dans ces réformes quelques petites avancées (la procédure participative, des moyens supplémentaires pour la justice, l’acte contresigné par avocat…). Mais… Visualisez de nouveau notre planche en bois : à l’endroit où il y avait des clous demeurent encore des trous… Quand notre planche sera criblée de trous ce sera trop tard et irréparable, alors oui l’heure est grave… Nous ne pouvons plus nous demander ce qu’il s’est passé… nous devons agir, et laisser de côté le conflit, l’hostilité et la discorde. La question n’est donc plus ; que s’est-il passé mais comment allons-nous y arriver ? En souhaitant revenir ici en ce jour, c’est notre participation à un nouveau commencement pour la justice, qui sera construite sur le respect mutuel, la tolérance, la dignité et le progrès ; qui se fondera sur le fait que avocats et magistrats ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire face. Je suis convaincu que pour avancer, nous devons dire ce que nous avons sur le cœur et qu’il doit y avoir un effort soutenu de chaque corps pour s’écouter, apprendre l’un de l’autre et chercher des terrains d’entente. Le travail d’un bâtonnier est de rester humble mais ferme pour défendre nos intérêts communs qui doivent triompher de ce qui nous sépare. Tout comme le magistrat n’est pas la grossière caricature de celui qui n’écoute plus et qui ne pense qu’à ses statistiques et son avancement, l’avocat n’est pas l’homme mué que par ses propres intérêts personnels, son chiffre d’affaires et son égo prononcé. Non, nous ne sommes pas cela, arrêtons de nous concentrer sur des cas clichés et parlons de la grande majorité de celles et ceux qui font la justice au quotidien. Mais alors que va-t-il se passer ? Nos besoins ne seront satisfaits que si nous agissons avec audace, courage et panache car c’est bien ce dont la justice a besoin. Si nous comprenons enfin que nous sommes les seuls à pouvoir sauver la justice, alors nous aurons avancé. Mais que va-t-il se passer ? Personne ne viendra nous sauver, notre destin commun nous appartient : - nous devons braver le désintérêt des gouvernements successifs, - nous devons braver le déplacement du procès du tribunal judiciaire vers le tribunal médiatique, - nous devons braver les attaques incessantes d’autres corps de métiers sur le prétendu laxisme de notre justice. Mais que va-t-il se passer ? Je ne peux pas prédire l’avenir mais si nous ne faisons rien ensemble alors ces menaces deviendront réalité. Mais alors comment cela va-t-il se passer ? Il faut continuer à trouver des solutions de terrain, j’oserai même dire que bâtonnier et chefs de juridictions, nous sommes les 30 | JDB MARSEILLE 3 / 2022 « Mac Gyver » de la justice du 21ème siècle et les inventeurs d’une justice qui tient encore debout. Ainsi, il ne se passe pas un mois sans que nous devions agir avec réactivité : ici nous signons la convention de dématérialisation de la procédure de saisie immobilière, là nous matérialisons en quinze jours l’arrivée de la prise de date sans aucune aide de la chancellerie, ici encore nous réorganisons nos services dans le cadre de la réforme complète mais non concertée de l’aide juridictionnelle, sans parler même de l’AJ garantie censée fluidifier le traitement de la chaîne pénale sans avoir pensé à faciliter les règlements des avocats, et là les médiations et ici et là une réforme du code de justice pénal des mineurs véritable tsunami dans les rôles respectifs de chaque professionnel, je vais éviter d’allonger le catalogue à la Prévert mais je pourrais vous citer encore tellement plus de procédés mis en place. Je tiens ici à vous remercier solennellement, chers président Leurent, Madame la procureure de la République Laurens pour le travail que nous avons effectué depuis ses 18 derniers mois pour la confiance et la loyauté partagée entre nous. Il nous reste encore du travail car certaines chambres civiles, je pense notamment à la 2éme et la 3éme sont très encombrées et je ne parle même pas de la juridiction du contentieux de la proximité qui atteint le seuil de tolérance tant les délais en référé et au fond sont trop longs. Nous devrons avancer sur ces sujets dans les prochains mois et que dire de la grande cité judiciaire que l’on nous annonce d’ici dix ans. Ou plutôt devrais-je l’appeler la grande cité judiciaire itinérante : Le lundi elle s’implante aux Docks, le mardi à la Capelette, le mercredi à Aix les Milles, le jeudi à la caserne du Muy, le vendredi au rond-point du Prado et que sais-je encore ? Nous les avocats nous souhaitons que Marseille soit dotée de la grande cité judiciaire qu’elle mérite mais nous sommes inquiets du lieu de son implantation et de la question de son éloignement du centreville historique de Marseille. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas

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