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DOSSIER | RENTRÉE SOLENNELLE / 24 JUIN 2022 missions, même si la situation du greffe demeure malheureusement une préoccupation centrale pour réduire nos stocks et nos délais de traitement. Merci à toutes et tous de nous avoir tant soutenu pour faire cesser cette dégradation de la justice à Marseille. Aussi, je souhaite que le second défi auquel nous serons tous confrontés et qui est également fondamental pour la qualité de la justice, ne soit pas une source de conflits, même si, je le sais, il est plus complexe et sans doute moins consensuel. Vous l’avez compris, il s’agit de la construction d’une grande et belle cité judiciaire moderne, répondant à toutes les exigences de la justice du 21ème siècle et à la hauteur de la capitale méditerranéenne qu’est Marseille. Pourquoi il y a-t-il urgence ? D’abord parce que les deux nouveaux sites que nous occupons déjà ou que nous allons occuper à partir de janvier 2023, la caserne du Muy pour les pôles sociaux et de proximité et l’immeuble de la rue Delanglade pour le pôle civil, devront être libérés dans sept ans pour le premier et dans huit ans pour le second. Ces sites vont héberger environ deux cents personnes, soit le tiers de la juridiction. C’est vous dire qu’il ne s’agit pas d’une délocalisation minime du tribunal. Or, les délais de construction d’une cité judiciaire sont a minima de sept ou huit ans ! La construction de ce beau Palais Monthyon où nous nous trouvons, sur un terrain fourni par la ville et validé à l’époque par le Conseil général, a pris six ans, entre 1856 et 1862, alors que le précédent site situé place Daviel, dans la vieille ville, était devenu notoirement trop petit. Toutefois, à l’époque, le préfet de la Coste avait tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité de construire un nouveau tribunal dès 1839, soit dix-sept ans auparavant… A titre de comparaison, pour le tribunal judiciaire de Paris, il a fallu dix-huit ans pour qu’il voit le jour… Mais nous n’avons pas le choix, si nous n’anticipons pas, les Marseillais seront confrontés dans quelques années à une problématique judiciaire encore bien pire que nos difficultés d’effectifs de magistrats et de fonctionnaires. Vous me direz qu’il suffira alors de rechercher de nouvelles locations mais, outre que ce type de location représente un coût considérable pour l’État, coût peu compatible à mon sens avec la situation de nos finances publiques, l’éclatement d’un tribunal nuit gravement à son fonctionnement, souvent au préjudice des justiciables et à la communauté de travail indispensable au dialogue des juges entre eux pour une justice cohérente, non génératrice d’insécurité juridique. Faut-il rappeler que l’agence pour l’immobilier de la justice, l’opérateur du Ministère, a conclu en 2020 qu’il manquait dix salles d’audience pour que le tribunal puisse fonctionner normalement ? Et au-delà de nos salles d’audience qui sont mal sonorisées – la presse judiciaire s’en plaint d’ailleurs régulièrement - trop petites, inaccessibles pour certaines d’entre elles depuis les cellules du Palais de justice et donc inutilisables pour les dossiers comprenant des détenus, parfois sans moyens de visio-conférence, l’exiguïté des locaux actuels imposent de faire travailler les fonctionnaires et, à présent, la plupart des magistrats du Siège correctionnel dans des bureaux partagés à deux, trois parfois quatre magistrats, bureaux souvent peu fonctionnels, bruyants et sombres. De la même manière, l’inspection générale de la justice a également conclu à l’impérieuse nécessité de construire un tribunal moderne et adapté à Marseille. Il y a donc urgence et l’annonce du Garde des Sceaux, il y a quelques mois de la création d’une cité judiciaire à l’horizon 2028 dont l’implantation devra être définie en concertation avec les collectivités locales et les professions judiciaires est le reflet de cette urgence. Mais ce défi, j’en ai bien conscience, peut être le défi de la discorde et la source de tensions aigues entre nous, tensions que tous ceux qui ne veulent pas d’une autorité judiciaire forte dans ce pays utiliseront sans aucun doute pour ralentir, voire annuler ce projet ambitieux pour la justice mais aussi 26 | JDB MARSEILLE 3 / 2022 pour la cité phocéenne. J’ai bien conscience que l’implantation de la plupart des cabinets d’avocats au centre de Marseille à proximité du tribunal est une vraie difficulté à laquelle toutefois les futurs moyens de transports en commun du grand Marseille pourraient répondre, au même titre que la ligne 14 du métro parisien a été allongée pour desservir directement le tribunal de Paris. De même, je sais le légitime souci de Monsieur le Maire, de ne pas dévitaliser le centre de Marseille, au risque de faire de ce centre, un centre vidé de ses forces vives, un centre-ville « musée » exclusivement historique et touristique. Je ne détiens ni la vérité, ni la réponse à ce défi aussi complexe que fondamental pour la justice marseillaise mais nous devons, sous l’autorité des chefs de Cour et du Ministère, dialoguer et avancer rapidement avec vous tous pour que la deuxième ville de France, ne soit pas, dans quelques années, c’est-à-dire en réalité après-demain, la ville d’une justice délabrée, éclatée, incapable de faire face aux enjeux du 21ème siècle mais bien une justice réunie, moderne, dotée des technologies de son siècle. Victor Hugo écrivait dans Notre-Dame de Paris que « L’architecture est le grand livre de l’humanité, l’expression principale de l’homme à ses divers états de développement, soit comme force, soit comme intelligence ». Alors faisons en sorte que la future cité judiciaire de Marseille soit la plus belle expression de l’humanité de cette magnifique ville. Je ne doute pas que, tous ensemble, dans cet esprit de dialogue, d’intelligence collective et de concertation, nous saurons relever ce défi pour permettre à nos concitoyens de retrouver confiance dans leurs institutions républicaines et dans l’État de droit, ce qui là aussi est une urgence absolue pour l’avenir de notre démocratie. Je vous remercie de votre attention.

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