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Au fond, je crois qu’il nous adorait, nous, ses confrères. Il était parfois perçu comme arrogant, impertinent, et même exaspérant. En tout cas, il n’a jamais laissé qui- conque indifférent. Mais au fond il était bienveillant et passionnant. Camille, Adrien, n’est-il pas vrai qu’on pouvait écouter votre père des heures sur les peintres provençaux, l’art en général, la politique, la poé- sie ou sur sa science du Droit qu’il décortiquait avec une facilité décon- certante. Il ne courait pas après les honneurs mais après la Justice ; voilà encore un trait de sa personnalité dont il était fier d’avoir hérité de son grand- père. C’était un parolier exceptionnel. Il écrivait les sketches et les chansons de la revue de notre barreau comme personne. Cette propension à la dérision ne l’empêchait pas de donner de son temps et de participer au bon fonc- tionnement de notre barreau. Il fut élu à trois reprises au conseil de l’Ordre. 3° Un Ami et bien plus : C’était un artiste né, un comédien particulièrement talentueux, doué, sensible, cultivé. Qui n’a pas vu Bergellisime à Cannes dans le rôle de Mickaël Jackson, se roulant par terre ; ne peut com- prendre ce qu’est le sens du sacrifice qu’impose la vie d’artiste. Dans un tout autre registre, il a écrit son premier recueil de poèmes « Pé- tales de Souffrance » dont il disait lui-même qu’il s’agissait de « poèmes à picorer ». Ses nombreux talents nous ont laissé entrevoir, pour lui, un avenir extrême- ment prometteur. La vie en a décidé autrement. Un ac- cident l’a brisé en plein vol en 2010. Cet accident nous a tous abîmés. Nous ne nous en sommes jamais remis. Il était un des nôtres, encore jeune, le plus jeune. Pourquoi faut-il que la tragédie s’abatte sur les plus lumineux ? Il débuta un chemin de croix ac- compagné d‘Anne, sa Vénus, sa compagne. Elle lui aura tenu la main jusqu’au bout. Nous savons, Anne, qu’il t’en était reconnaissant. Nous t’en remercions infiniment. Camille, sa fille adorée. Il t’a prénom- mée, ainsi, m’a-t-il confessé un jour, parce que toutes les Camille sont belles et intelligentes. Je dois te dire aujourd’hui qu’il ne s’est pas trompé. Adrien, il a écrit sur toi un poème. Celui-ci a, d’ailleurs justement, pour titre « Adrien ». « Grand blond aux yeux clairs, Avec un vrai bon fond Et un dur caractère. De si jolis yeux ronds. De ses origines, fier. Passionné de football Et le cœur à L’OM Amoureux Phocéen Toute sa famille l’aime Et il le lui rend bien. Fierté de son père, Le bonhomme ira loin. Il te voyait devenir un homme avec fierté et admiration. Il s’en va rempli d’espoir pour toi – tu t’en sortiras ! Nous irons, à nouveau, ensemble quand tu le souhaiteras, dès la fin de la pandémie, au stade Vélodrome, as- sister, je l’espère, à d’autres matchs de notre OM. Bergellissime, toute ta famille, t’a entouré de son affection, de sa pro- tection. Tu y as tiré énergie et com- bativité. Tu en avais bien besoin ! Vous l’avez tous aidé à traverser cette épreuve avec courage, sensibi- lité, humour, légèreté et poésie. Malgré son état il n’a jamais renoncé à nous chambrer. Au fait, Bergellisime, je te soupçonne de t’être intéressé aux matchs de l’équipe nationale de football du Cameroun uniquement pour avoir l’occasion de me casser les pieds à chacune de ses défaites. Habités par l’idée que « La véritable amitié ne gèle pas en hiver », He- lene Fritz, Christine Imbert, Caroline Salavert, Valerie Gerson-Savarese, Isabelle Antonakas et bien d’autres t’ont fait participer, sur ton fauteuil, à la Course de l’Algernon en 2016 et en 2017. Ta mine radieuse témoigne de ton bonheur du jour. Comme une mise au point, tu annon- çais dans ton poème intitulé « Ma fierté » : « J’ai pu mener ma vie, En suivant mes principes, Franchises dans les yeux, Droit comme une tulipe, Et jusqu'à ce que la vie, Veuille me casser la pipe, Je les ai suivis, Abusant de mes lippes ». Facétieux, tu l’auras été jusqu’au bout puisque tu es parti de ce monde aussi brutalement que tu étais entré dans nos vies. S’il est vrai que nous avons vocation à nous retrouver un jour, nos au re- voir, en ce 1er avril, restent quand même, il faut l’admettre, une mau- vaise blague… pas ton genre l’ami. Tu as su, à la manière de Kipling dans son célèbre et merveilleux poème intitulé « SI », rencontrer triomphe et désastre et tu as traité ces deux im- posteurs de la même manière. Chapeau l’artiste.

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