HORS_SERIE_JDB_2019

Un an plus tard, la mémoire de ce jour funeste demeure vive, douloureuse et on devine déjà que l’on parlera longtemps à Marseille du «5 novembre», sans avoir à préciser l’année, sans avoir à préciser ce dont il s’agit. Quelques jours après l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne, comme des milliers d’autres Mar- seillais, les avocats du barreau de Marseille se sont mobilisés tous azimuts pour apporter leur soutien et leurs compétences à des habitants sous le choc. C’était un lundi. Aux alentours de 9h05. Une nouvelle semaine venait à peine de débuter. Comme la plupart de nos confrères, nous étions alors au cabinet, dans les transports, ou en au- dience, déjà affairés ou en train de faire le point sur l’agenda de la semaine. Au même moment, à moins de 600 mètres de la Maison de l’Avo- cat, deux immeubles s’effondraient, emportant huit de leurs occupants, dont les corps sans vie seront sortis des décombres un à un au cours des jours suivants. Ce fut le temps de la stupeur et de la sidération. Elles furent intenses; et bien plus durables que quiconque aurait pu imaginer. Pour beaucoup, elles sont toujours à l’œuvre un an plus tard. Celles de voisins, apprenant que huit vies venaient de s’éteindre, presque sous leurs yeux; dans une de ces maisons de briques et de broc, dans ces quartiers de guingois, aux façades de traviole que l’on arpente si souvent, que l’on fréquente depuis tant d’années sans prendre soin de lever les yeux. Rapidement, dans ce contexte, stupeur et sidé- ration se font citoyennes et chacun de son côté se demande ce qu’il peut faire pour aider, pour apporter un peu de réconfort, c’est la moindre des choses. Instantanément, aussi, elles font naitre en chacun une grande soif de justice; qu’il va valoir épancher, gorgée par gorgée, pour évi- ter l’étouffement, la noyade sèche quand après avoir été la proie des marchands de sommeil, on devient celle des vendeurs de rêves. Ce lundi-là, comme chaque premier lundi du mois, laCommissiondu jeunebarreau tenait sa ré- unionmensuelle dans le patio de la Carpa, sur des chaises détrempées comme après chaque épisode pluvieux. L’ordredu jour était chargépour terminer en beauté une année 2018marquée par une forte mobilisation du jeune barreau contre le projet de loi justice. Aucun des évènements projetés n’aura cependant lieu, car sans le savoir, les membres de la CJB entamaient ce jour-là un marathon d’un mois et demi au cœur d’une villemeurtrie. Deux jours plus tard, la CJB proposera en effet à Madame le bâtonnier Geneviève Maillet son soutien logistique et humain pour apporter aux sinistrés de la rue d’Aubagne un appui et des conseils juridiques. Cette proposition se forma- lisera le lundi suivant, 12 novembre, après une réunion dans le bureau du Procureur de la Ré- publique au cours de laquelle la CJB, le groupe victimes représenté parMe Louisa Straboni, et le Conseil de l’Ordre représenté par Me Stéphanie Spitéri, décideront, sous la houlette de Madame le bâtonnier GenevièveMaillet et deMonsieur le bâtonnier désigné YannArnoux-Pollak, demettre en place à compter dumercredi 14 novembre, un numéro vert pour accompagner les victimes de la rue d’Aubagne. Avec l’appui des quatre lauréats de l’année 2018, les huit membres élus de la CJB se relaieront jusqu’à lami-décembre pour répondre auxmilliers d’appels qui ont afflué durant sept semaines vers le 0800 500 530, dessinant les contours d’une ville déboussolée face à l’ampleur de l’évènement. Dans le même temps, en quelques jours, en croisant les listes victimes, contentieux locatif, contentieux administratif et étrangers, Me Louisa Straboni mettra en ordre de bataille une véritable armée de plus de deux-cents confrères prêts à accueillir, orienter et conseiller par pôles de com- pétences des sinistrés venus de toute la ville lors de permanences organisées à laMaison de l’avo- cat. Car dès les jours qui suivirent le drame de la rue d’Aubagne,Marseille a connu unmouvement sans précédent d’évacuations touchant plus de quatre-mille occupants de logements en état de péril imminent à travers la ville. Cette situation, à l’heure où ces lignes sont écrites, est loin de s’être normalisée. Il faudra sans doute des années avant qu’elle le soit. L’expé- rience du numéro vert et des autres initiatives «ci- toyennes» qui ont vu le jour en novembre 2018 à Marseille nous a collectivement permis d’interro- ger le rôle et la fonction de l’avocat dans la Cité. Elle nous a permis d’évaluer notre capacité à nous fédérer et réagir dans un temps très court lorsqu’il s’agit d’apporter à des concitoyens en détresse aide et conseil et de défendre leurs droits; c’est- à-dire d’exercer notre cœur demétier en somme. Cette expérience nous aura peut-être aussi per- mis de témoigner auprès des Marseillais que les termes de notre serment ne sont pas des paroles vaines et que, plus que jamais, nous sommes et demeurerons au service des justiciables, contre toutes les formes d’injustice. PIERRE LE BELLER ANCIEN MEMBRE DE LA COMMISSION DU JEUNE BARREAU Pour beaucoup de Marseillais, le 5 novembre 2018 est devenue une date charnière ; un de ces évènements pour lesquels on se souvient précisément où l’on était – et avec qui – lorsqu’on a appris « la nouvelle». 5 NOVEMBRE 2018, SOUVENIR D’UN EFFONDREMENT 40 # HORS SÉR I E 1 5 ANS DE V I E DU BARREAU DE MARSE I L LE Avec l’appui des quatre lauréats de l’année 2018, les huitmembres élus de la CJB se relaieront jusqu’à la mi-décembre pour répondre auxmilliers d’appels qui ont afflué durant sept semaines vers le 0800 500 530, dessi- nant les contours d’une ville déboussolée face à l’ampleur de l’évènement. ... À AUJOURD'HUI

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