JDB_N2_2019_WEB

DOSSIER 27 # N2 201 9 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE Retour sur les états généraux du droit de la famille Depuis 2008 et la proposition d’adaptation de la procédure collaborative américaine par le rapport Guinchard, le législateur n’a eu de cesse de tenter de moderniser la procédure civile en introduisant, dès 2010, la « procédure partici- pative » par laquelle les parties s'engagent « à œuvrer conjointement et de bonne foi à la ré- solution amiable de leur différend » avant toute saisine du juge. Mais, peu ou pas assez usitée par les praticiens, et dans un désir d’alléger la charge de l’office du juge et d’apaiser les contentieux, la procé- dure participative a été ouverte aux litiges déjà soumis aux tribunaux permettant aux parties de faire le choix d’une mise en état dite conven- tionnelle. (L2016-1547 du 18/11/2016 et Dé- cret 2017-892 du 6/05/2017). Bien qu’en principe proscrite pour les droits indisponibles, cette procédure est applicable en matière de divorce et de séparation de corps. La nouvelle rédaction de l’article 252 du Code civil, qui entrera en vigueur au plus tard au 1er/09/2020, issue de l’article 22 de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice se veut davantage incitative imposant, sous peine d’irrecevabilité, de men- tionner, dans l’acte introductif d’instance, que les parties peuvent recourir à la médiation ou mettre en place une procédure participative. Les époux devraient être également invités à mettre en œuvre une telle procédure, lors de la nouvelle audience d’orientation, qui remplace celle de conciliation. Ainsi, cette mise en état participative devient un outil clé de la procé- dure de divorce et la force de l’acte d’avocat est réaffirmée en matière familiale. Les époux, obligatoirement assistés de leurs avocats, s’engagent par convention à mettre en œuvre une procédure participative et ainsi définissent son terme, l’objet du différend, la liste des pièces et informations nécessaires à sa résolution, ou à la mise en état du litige, ainsi que les modalités de leurs échanges et les actes contresignés par avocats qu’ils pourraient s’ac- corder à établir (désignation d’un technicien, expert, médiateur, ou constatation d’accord sur certains points). La convention permet dès lors de définir une méthodologie de travail, un calendrier de com- munication, les modalités de désignation d’un technicien…; déléguant de fait aux parties les pouvoirs du juge de la mise en état. Informé de la régularisation d’une telle convention, ce dernier procède à un retrait du rôle de l’affaire. Devant la cour d’appel, les délais impartis pour conclure et former appel incident sont inter- rompus. À l’expiration du délai prévu, plusieurs hypo- thèses sont envisageables. En cas d’échec, la mise en état dite classique reprendra son cours. Si, au contraire, les époux ont exécuté la convention et que l’affaire est en état d’être jugée par le tribunal, elle sera rétablie à la demande d’une ou des deux parties, avec un délai d’audiencement qui se veut plus avanta- geux. Si enfin, l’accord sur la forme a permis de parvenir à un accord global sur le fond, les époux pourront se diriger vers un divorce par consen- tement mutuel par acte d’avocat. Impliqués et responsabilisés, les époux se réap- proprient leur divorce, adaptent la mise en état aux spécificités de leur dossier (meilleure pré- visibilité, maîtrise du coût, transparence), défi- nissent ensemble l’objet du litige, les points de droit sur lesquels ils entendent limiter le débat, les experts auxquels ils souhaitent avoir re- cours ce qui renforce leur légitimité et limite les contestations quant à leurs analyses. Investisse- ment qui devrait apaiser les tensions et pacifier la séparation. Les avocats, toujours soumis à leurs obligations déontologiques, travaillent de manière plus sereine, constructive, sans avoir à rendre des comptes à un juge de la mise en état parfois peu compréhensif. Mais encore faut-il avoir les clients, et les dossiers qui le permettent! Cependant, lorsque l’on sait que l’article 22 de la loi du 23/03/2019, est inséré dans la section intitulée « Simplifier pour mieux juger », reste à s’interroger sur l’objectif réel de cette incitation vers une mise en état extrajudiciaire : Refaire du procès l’affaire des parties? Alléger l’office du juge en lui permettant de se consacrer à sa mis- sion essentielle, juger? Réduire le nombre d’au- diences, de magistrats et de greffiers mobilisés, et donc le coût global de la justice? À suivre. CAROLINE DALLEST Simplifier pour mieux (ou ne plus) juger La procédure de mise en état participative, quand le procès redevient la chose des parties. COMMENT ? POURQUOI ? ET ?

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