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Journal du Barreau de Marseille 38 numéro 3 - 2018 LIBRES PROPOS Les préoccupations qui entourent la construc- tion, et en particulier, la construction de logement, sont sérieuses. On sait que, dans notre pays, il y a un déficit de construction et on sait aussi, même si le constat est sans doute exagéré, que le conten- tieux et la procédure contentieuse contribuent à peser sur cette produc- tion de logements. Cela a donc conduit au choix de réduire le temps de la procédure contentieuse administrative par la suppression de l’une de ces étapes. Néanmoins la suppression de l’appel me paraît une fausse bonne idée. J’en parle d’autant plus librement que j’ai été juge de cassation au Conseil d’État, notamment en matière d’urbanisme, et j’ai eu à connaître de pourvois en cassa- tion formés à l’encontre de jugements rendus en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs. L’exer- cice possible de cette seule voie de recours a pu susciter de grosses désillusions de la part des parties et je dirais presque de toutes les parties. Je serais d’ailleurs curieuse de savoir si les promoteurs eux-mêmes ont un regard là-dessus. Pour ma part, je crois que l’absence de maïeutique du procès au fond dans le cadre d’un double degré de juridiction, conduit à des déci- sions qui risquent de ne pas être justes. Au Conseil d’État, nous étions assez souvent confrontés à des perplexités ou à des interrogations qui ne relevaient pas de notre office de juge de la régularité et de la légalité du jugement, qui est le strict office du juge de cassation. Alors, que feront les pouvoirs publics? Je l’ignore 1 . Pour ma part, je trouve, et je ne le dis vrai- ment pas par corporatisme de présidente de cour, que l’intérêt d’une bonne adminis- tration de la justice plaiderait pour le réta- blissement de la voie de l’appel. Alors dernière question : est-ce que vous avez un message en particulier à adres- ser à nos confrères du barreau de Mar- seille. Je souhaiterais faire passer deux mes- sages. Le premier message concerne la spécifi- cité de l’appel. Dans la juridiction adminis- trative, la voie de l’appel est pour l’instant, une voie de réformation du jugement et de rejugement du litige. Elle permet donc aux parties, dans une cer- taine mesure, mais assez librement, de renouveler les débats devant le juge d’appel. En revanche, même si on est que très margina- lement juge du contrôle et de la légalité du juge- ment, je veux dire assez fermement qu’on ne peut pas faire appel en faisant abstraction des motifs du jugement rendu en première instance. Il est très curieux pour le juge d’appel de recevoir des requêtes qui réitèrent la même motivation qu’en première instance en faisant une totale abstraction de ce qui a été jugé. Nous sommes certes une voie de ré- formation et une voie de rejugement, mais cette voie doit se comprendre de la part de l’appelant au prisme de ce qui a été jugé par le premier juge. Mon deuxième message : traditionnellement, la procédure administrative contentieuse est une procédure écrite. C’est tout à fait exact et je ne vais pas l’infirmer. Mais, dans cette procédure écrite, il y a une vraie place à l’oralité au cours de l’audience, une oralité bien comprise, une oralité pertinente. J’invite réellement vos confrères qui viennent se présenter à l’audience devant les juridictions administratives du res- sort et en particulier devant la cour administrative d’appel à ne pas hésiter à y prendre la parole et à se préparer au fait que la formation de jugement puisse également leur poser des questions pour incarner leurs écritures. 1. Depuis cette interview, le décret n° 2018-617 du 17.07.2018 a prorogé jusqu’au 31.12.2022 l’application de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative Pour ma part, je trouve, et je ne le dis vraiment pas par corporatisme de présidente de cour, que l’intérêt d’une bonne administration de la justice plaiderait pour le rétablissement de la voie de l’appel.

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